Que ce soit la varénicline ou un autre traitement chimiothérapeutique, prescrire une médication sans accompagnement psychocognitif mènera dans 90 % des cas à une rechute prévisible. Car au delà du sevrage, le problème c’est de (re) vivre sans la cigarette : la chimie n’y est pas de grande utilité. La médecine non plus.
Le 26 décembre au matin sur France Info, Pr Dautzenberg (président de l'association sans but lucratif Office Français de Prévention du Tabagisme OFT) annonce 25 % de succès avec la nouvelle molécule intelligente de Pfizer : la varénicline.
La varenicline copie le Tabex, un produit bulgare connu pour copier l’effet de la nicotine, dont le principe actif est la cytisine.
La cytisine est une alcaloïde de formule :
1R-cis)-1,2,3,4,5,6-hexahidro-1,5-metano-8h-pyrido[1,2a][1,5]diazocin-8-on
C'était notre séquence 'Savoir', lointain reliquat de notre formation initiale.
Pr Dubois (président de l'association Alliance contre le tabac), que je présumais compétent et même expert ès arnaque et autre lobbying avait, quelques minutes avant, affirmé "autour de 30 à 35 % de succès à un an" (écouter ici). A quel saint ou président d'association médicale sans but lucratif se vouer ?
Des chiffres gonflés
Le dossier d'Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) fait apparaitre un taux de succès à 12 mois de 22,6 %.
Mais sur un public ayant subi un taux d'attrition de 55 % : 45 % des candidats de départ seulement ont été validés au final. On peut se demander pourquoi. Parce que cela ne marche pas ? Parce qu’une minorité de fumeurs a cru constater un amélioration de son état et a persisté ?
Un calcul de Cours Élémentaire
- Supposons qu’au départ il y ait eu 2000 fumeurs volontaires dans le test du produit (la varénicline en dénomination de générique).
- Seulement 45 %, soit 900, ont terminé valablement le test d’un an.
- Sur ces 900, 22,4 % avaient cessé de fumer, ce qui ferait 202 personnes.
- Rapportons 202 sur 2000, cela ne fait que 10 %, ce qui n’est pas miraculeux, et loin des promesses rapportées par nos doctes professeurs de médecine.
Le test, ceci peut se comprendre, rejette les candidats atteints de complication : diabète, dépression, troubles bipolaires, maternité, etc. Nous ça nous gêne parce que ce sont précisément ces publics là qui sont le plus demandeurs d'une prise en charge médicale.
La moyenne d’âge des participants était de 45 ans. Mais on sait bien que la motivation est alors à son pic, les dégâts commencent à se manifester sur le souffle, la forme physique, etc. Les jeunes, qui ne sont pas encore (des) malades, ne cessent pas aussi spontanément. Apparemment les spécialistes sèchent. Mais on demande aussi à ces jeunes, actifs, de cesser de fumer aussi. On ne sait pas si le produit pourra les y aider.
Nota bene : Champix est contre-indiqué pour les mineurs.
Tricherie sur l’effet thérapeutique
Cerise sur le gâteau : l'accompagnement des fumeurs durant leur sevrage était en intensité voisin de celui d'une prise en charge en centre de tabacologie spécialisé : 4 heures au total, une consultation hebdomadaire pendant 3 mois, des relances téléphoniques de soutien ensuite, un suivi régulier, etc... On fait comme si cette aide personnalisée ne jouait aucun rôle : la triche est évidente. Ainsi il m’a été rapporté qu’au centre de Caen, seulement un fumeur sur trois se verrait prescrire des substituts nicotiniques : pour les autres, l’attention et l’écoute suffiraient ?
On veut nous faire croire que le dispositif de l'étude, comprenant au total environ 4 heures d'accompagnement psychocomportemental serait neutre sur le résultat ? C'est bien entendu inexact : il est bien établi que l'efficacité d'une aide à l'arrêt croit comme l'intensité du soutien. Quel serait le résultat sans accompagnement ? On ne sait pas.
Pas mieux que la nicotine
Un des deux essais du dossier d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de Champix° (n° 1036) indique 10,3 % de succès à 12 mois avec le traitement placebo utilisé pour référence. Le placebo de varénicline fait aussi bien que les scores admis du timbre transdermique à la nicotine... Bizarre, bizarre. C'est peut-être une raison pour laquelle il n'y a pas de test comparatif Varénicline versus Nicotine dans le dossier remis pour l’AMM.
Abus de confiance
Il est donc abusif de laisser croire à un médecin qu'il obtiendra, sur des fumeurs pathologiques, sans accompagnement lourd, ces 22 % de probabilité de succès. Nous avons montré ci-dessus que le score réel, quand on ne choisit pas ses patients, serait plus proche de 10 % avec quatre heures de suivi par fumeur.
Sans suivi, on ne sait pas : peu de chances que cela fasse mieux ! Notons juste que le site officiel de Pfizer aux Etats-Unis propose un plan de suivi sur 52 semaines nommé GETQUIT, comprenant un suivi quotidien pendant les trois mois du traitement, bihebdomadaire pendant 3 mois et hebdomadaire ensuite. Si un programme si intensif d'accompagnement est proposé, c'est bien un signe que le produit n'est pas très efficace non ?
Comme le dit la revue indépendante Prescrire d’octobre 2006, c’est l'accompagnement qui fait le succès, et cela n'est envisageable qu’au sein de centres spécialisés financés par la collectivité ou chez des privés qui ne sont finalement pas plus des charlatans à chapeau pointu que ces tabacologues cooptés. Que ce soit la varénicline ou un autre traitement chimiothérapeutique, prescrire une médication sans accompagnement psychocognitif mènera dans 90 % des cas à une rechute prévisible. Car au delà du sevrage, le problème c’est de (re) vivre sans la cigarette : la chimie n’y est pas de grande utilité. La médecine non plus.
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