Le Pr MOLIMARD a t-il financé ses recherches en tabacologie avec des fonds provenant de l’industrie de la cigarette ? Souhaitons qu’il nous réponde directement. Citons en attendant son récent et excellent "Petit Manuel de Défume" [1] au sujet de la faiblesse de recherche sur le tabagisme en France sur un sujet si important en termes de santé publique (p. 129) :
"La folie puritaine est telle que non seulement les chercheurs qui reçoivent des fonds des tabagiers se voient interdire de publier leurs résultats, mais tout contact avec l'industrie du tabac est dénoncé comme un pacte avec le diable. Or les chercheurs et ingénieurs de cette industrie sont les seuls à connaître cette plante, les secrets de fabrication des cigarettes."
On peut y déceler un aveu du Pr Molimard, qui rendent plausibles les subsides de l'industrie du tabac. A sa décharge, il ne semble pas qu'il en ait profité personnellement. Il suffit de pénétrer dans sa tanière de Villejuif pour réaliser combien son combat est sincère et désintéressé : c'est un bazar de professeur Nimbus. Molimard est habité par la recherche, médaillé pour ça, intéressé par le savoir et l'enseignement, comme il en existe encore. Il a précisément démissionné de l'association qu'il avait fondée et présidée pendant 20 ans suite au refus des institutions publiques de financer des recherches. Vous aurez compris qu'il fait exception dans ma dénonciation du charlatanisme des tabacocologues. La Société (Française) de Tabacologie est devenue un cabinet de promotion de la chimiothérapie, un repaire de médecins vantant la nicotine pharmaceutique et ses avatars sous couvert d’autorité savante.
Le laboratoire de Robert Molimard au fond d'un hopital psychiatrique banlieusard est à comparer avec le forum de 'La Maison du Poumon' où se tenait récemment Tabacologia 2007, entrée en marbre, adresse prestigieuse jouxtant le Jardin du Luxembourg, avec beaux présentoirs de médicaments oecuméniques : tous y étaient bien en évidence. Le Ministre de la Santé a applaudi.
Avec son geste de démission, Molimard, à qui l'on offrait un placard doré, s'est sacrifié sur l'autel de la lutte contre les intérêts de Big Pharma contre ceux du patient. A défaut de budgets publics il a pu chercher ailleurs : de toute façon les résultats ont été CENSURÉS ! Souhaitons qu'un jour il nous dévoile cette histoire.
Il dit courageusement dans son petit ouvrage pourquoi les palliatifs nicotiniques (et ce sera idem pour Champix°) ne sont pas une solution pour redevenir Non Fumeur. Je confirme et indique à mes clients de ne pas en user (pour être factuel, je leur rends leur chèque en demandant de sortir s'ils s'y refusent) : il se révèle que c'est une cause de rechute ! D’ailleurs nous avons dit ici que la tendance de leur ventes étaient en baisse (chiffres officiels de l’observatoire de l’OFDT).
Un médecin du travail de Sanofi-Aventis l'autre jour durant une conférence dit en public qu'il comprenait évidemment qu'un fumeur qui prend une béquille pour marcher risque la chute. Les patchs ne sont qu'une illusion : ils permettent l'abstinence temporaire mais le risque de rechute n'est pas réduit ensuite, selon nos constats de terrain auprès de mes salariés fumeurs aptes au travail.
Soit dit en passant les constats de terrain que nous faisons ne sont pas comparables aux études contrôlées réputées valables en médecine. Ces dernières se font en éliminant les cas à problème justement... Les résultats sont biaisés par la méthodologie. Et quand ils ne sont pas favorables aux intérêts du financeur de l'industrie chimiothérapeutique, ce qui est majoritairement le cas dorénavant, ils ne sont pas publiés. Le revue Prescrire s'en faisait l'écho en juillet 2006 [2]. Les recommandations de l'AFSSAPS en matière de tabagisme sont biaisées à différents niveaux par ces conflits d'intérêts, ce qui se sait parfaitement dans le monde médical.
Et quand il est prétendu que les aides médicamenteuses "doublent les chances de succès" comme une rengaine, on nous cache les scores en valeur absolue, qui restent voisins des résultats des traitements placebo. Multiplier zéro ou presque par 2, cela fera encore zéro ou preque ! Plus précisément on est dans l'ordre du "pour cent", de l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette. Molimard est quasiment la seule voix dénonçant cette énorme mystification pharmaceutique, et nous lui en sommes définitivement gré. Que je sache il ne cesse de dénoncer les effets nocifs du tabagisme aussi.
La médecine a perdu la boule
Le phénomène est général et j'ai assisté l'autre jour au passage devant le Conseil National de l’Ordre des Médecins d'un généraliste ayant dénoncé les propos du président de l'AFEM, association de promotion de traitements hormonaux pour la ménopause, les recommandant contre le consensus édicté par l'AFSSAPS. C'est le médecin qui denonce le fait qui passe en jugement, pas l'auteur des faits... La médecine a perdu la boule. Dans le temps le praticien ordonnait une prescription au pharmacien, maintenant c'est la pharmacie qui a le pouvoir sur la médecine moderne.
Références
- Petit manuel de Défume (1/4) et suivants
- La revue Prescrire, n°274, juillet 2006, Essais cliniques en France : trop de résultats non publiés
Mise à jour
Cet article a été publié dans la revue Agoravox le 06.02.2007 : http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/conflits-d-interets-dans-la-18769#forum353772
Le Pr Molimard a eu l'obligeance d'y faire ce commentaire :
Vous écrivez :"On peut y déceler un aveu de sa part..." Il n’y a pas d’aveu, puisqu’il n’y a pas eu d’interrogatoire. Dans mon ouvrage "La Fume", publié en 2003 (Editions SIDES, pages 256 à 258) je décris en détail sous la rubrique "Je plaide coupable" l’accord signé entre Madame Barzach, Ministre de la Santé, et les industries tabagières, à la suite du rapport commandé par Edmond Hervé, dont j’étais co-rapporteur. Celles-ci s’engageaient à financer de la recherche sous contrôle public par une commission dont je devais faire partie.
J’y explique comment, en anticipation de la constitution de cette commission sous l’égide de la SEITA, Philip Morris m’avait proposé de financer mon laboratoire exsangue, me permettant entre autres de prolonger la bourse d’un de mes étudiants en thèse. J’y dis comment, avec la complicité d’un des hérauts de l’antitabagisme, la SEITA avait alors torpillé l’accord Barzach, en créant une association de recherche maison dans son seul intérêt, l’ARN. Elle privait ainsi la recherche publique des millions de dollars qu’elle aurait pu obtenir de l’industrie du tabac.
Le Pr Molimard a eu l'obligeance de nous répondre le 7 février en commentaire de la reprise de ce billet sur Agoravox :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=18769
(note de l'auteur)
Rédigé par : Randall | 18/02/2007 à 02:16