Il est utile de distinguer deux périodes lors d'une tentative de cessation du tabagisme :
- les semaines du 'sevrage' où le corps réclame sa dose habituelle de produit
- le reste de la vie une fois le sevrage passé.
Nous affirmons aux fumeurs que la période de sevrage, c'est-à-dire le temps pendant lequel on peut éprouver des envies de fumer à cause du manque - ce déplaisir dû à l'abstinence - est de 3 semaines. C'est un maximum. En réalité cela peut aller beaucoup plus vite, et cela ne dépend pas tellement de l'ancienneté ni de l'intensité tabagique passée. Il n'est pas rare que le sevrage se limite à quelques jours.
Au total, il est estimé que durant le sevrage le nombre d'envies de fumer pendant ces trois semaines et de l'ordre de cinquante [1]. Cinquante envies passées, le déplaisir dû au manque a disparu. C'est relativement peu !
Source : Coping in real time: Using ecological momentary assessment techniques to assess coping with the urge to smoke; Res Nurs Health 21:487-497, 1998
Le problème du fumeur, une fois cette période passée est de ne pas rechuter, de savoir faire avec les envies occasionnelles. Ces envies occasionnelles peuvent survenir tout au long de la vie, même des décennies après l'arrêt total de la consommation. Et un seul écart est généralement fatal : c'est une caractéristique de certaines addictions, comme l'abus d'alcool par exemple. On ne guérit pas du tabagisme : la dépendance - le cas échéant - peut être considérée comme définitive !
D'où viennent ces envies ? Certes pas d'un déplaisir lié au manque, qui a disparu depuis des lustres. Nous proposons de considérer ces envies comme émanant du souvenir que le cerveau a gardé, définitivement, de l'effet des substances psychoactives associées à la fumée de tabac. Ce souvenir est la trace qu'a le cerveau qu'en fumant il éprouverait une stimulation. Il ne s'agit pas à proprement parler d'effets euphorisants ni stupéfiants, mais fumer agit sur le cerveau, une cigarette peut suffire et cela ne s'efface pas.
C'est comme flâner devant la devanture d'une pâtisserie si l'on est gourmand : la vue de gâteaux génère l'idée qu'en manger serait agréable. De la même façon une pensée relative à la cigarette et au souvenir de son effet peut apparaitre à l'occasion, notamment lors de moments chargés émotionnellement.
Ce désir n'est pas une notion biologique et ne peut être traitée par la chimie, comme l'a reconnu le dossier INSERM de 2004 (p. 322)
« Les traitements actuels favorisent l'arrêt (induisent l'abstinence) mais ne sont pas censés prévenir les rechutes donc favoriser le maintien de l'abstinence. »
Le désir est une notion explicitée par la psychologie. On y comprend que :
On ne combat pas un désir avec une interdiction !
Reprenons notre distinction : les trois premières semaines du sevrage et le restant de la vie. Pendant les trois semaines du sevrage le manque s'éteint - et aussi longtemps que l'on ne reconsomme pas on reste libéré des envies liées à la dépendance physique (le manque est absent).
Ces trois semaines permettent aussi de gommer les habitudes comportementales : Sigmund Freud signale lui-même cette durée dans sa correspondance avec son médecin traitant (qui l'a incité à cesser de fumer 12 années durant, malheureusement sans succès; il est décédé des suites d'un cancer de la langue...).
De toute façon il est rare que la dépendance comportementale soit source de rechute, contrairement à ce qui s'est dit. Passés les tout premiers jours, les rechutes se font lors de moment particuliers et non habituels (grande joie, humeur dépressive) : ceci est lié au caractère régulateur des émotions de la nicotine. En l'absence de nicotine, certaines humeurs peuvent être ressenties comme insupportables : fumer répond instantanément à l'inconfort de la situation (cf. la théorie du renversement psychologique d'Apter).
Ces trois semaines, où l'on est sollicité une cinquantaine de fois, suffisent à l'apprentissage à faire face aux envies de fumer.
Cet apprentissage effectué l'ancien fumeur sait qu'il sait faire face, a gagné une légitime confiance en lui : cette confiance résulte de l'expérience, et n'est pas le résultat d'une autosuggestion (ou de la croyance que par la volonté on peut 'tenir'). Pour autant que l'on n'utilise pas de béquille chimique réduisant les envies de fumer, les trois premières semaines suffisent pour développer une forme d'immunité à la rechute. Concrètement ce la se mesure par le taux de rechute entre trois et douze mois, qui reste minime (de l'ordre de 10% avec les procédés psychocognitifs les plus efficaces).
C'est la raison pour laquelle nous déconseillons les palliatifs de confort et notamment les 'substituts nicotiniques' : ils rendent le sevrage confortable mais en freinant un nécessaire apprentissage. Le graphique ci-joint résume ce modèle de l'arrêt du tabagisme.
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