Les contestations de l’utilité des palliatifs nicotiniques* pour la cessation du tabagisme sont anciennes. Elles ont pris une nouvelle amplitude avec de nouvelles études conduites sur le terrain.
Celle dirigée par John Pierce, professeur de médecine à l’Université de Californie à San Diego, a été publiée dans le JAMA (Journal of the American Medical Association) en 2002. Elle met en évidence l'écart séparant les essais cliniques réalisés sur des populations sélectionnées et la réalité sur le terrain. Une augmentation de l’accès aux traitements pharmacologiques (suite à leur commercialisation sans prescription médicale en Californie à compter de 1996) n’est pas « associée à un accroissement de la cessation du tabagisme dans la population » est-il rapporté.
Une autre étude, réalisée sous la direction de Anne Hartman du très institutionnel National Cancer Institute (NCI, Maryland, USA), a été présentée en juillet 2006 à la Conférence Mondiale sur le Tabac (WCTOH) le 14 juillet 2006 :
Que révèlent les données des enquêtes épidémiologiques américaines sur l'efficacité des substituts nicotiniques pour la cessation du tabagisme ? (What does U.S. national population survey data reveal about effectiveness of nicotine replacement therapy on smoking cessation? )
Concernant 8 200 fumeurs réguliers depuis plus d'un an, âgés de 25 ans et plus et dont la tentative d'arrêt date de moins d'un an, elle montre l’inefficacité dans la vie réelle des palliatifs nicotiniques si l’on considère la cessation du tabagisme à 9 mois.
Ce qui peut être vrai lors d’études scientifiques n’est pas confirmé dans la réalité sur le terrain. Il n'est pas avéré que les aides médicamenteuses 'doublent les chances de succès' : elles peuvent doubler la probabilité d'arrêt par rapport à une substance médicamenteuse de référence sans action pharmacologique nommé 'placebo' (mie de pain par ex.). Dans la vie réelle, peu de fumeurs prendraient de la mie de pain pour les aider à cesser leur tabagisme… Car ce résultat dépend de l'horizon de temps retenu : plus le bilan est tardif, moins la différence est significative.
Voila la courbe de rechute avec timbres de nicotine et sans pharmacothérapie extraite de cette présentation (crédit John Polito) :
Abstinence en fonction de l'horizon de temps Télécharger le graphique (.bmp)
La probabilité de l’abstinence décroit avec le temps (en %, sur 8200 répondants) ; au-delà de six mois, l’arrêt du tabagisme est MAJORÉ en l’absence de palliatif nicotinique :
Abstinents |
à 3 mois+ % |
à 6 mois+ % |
à 9 mois+ % |
Sans palliatif nicotinique |
25 |
17 |
16 |
Avec 1 NRT |
28 |
16 |
14 |
Plus de 1 NRT utilisé |
21 |
12 |
12 |
- Si les palliatifs nicotiniques facilitent le sevrage, ils ne contribuent pas à l’abstinence durable.
- L’usage concomitant de plusieurs palliatifs de nicotine n’augmente pas les chances de succès, au contraire.
- Dans la vraie vie et contrairement aux tests cliniques contrôlés, le recours à la "substitution nicotinique ne majore pas les chances d'arrêt durable.
Ceci s’explique aisément : les personnes ressentant le besoin d’une aide au sevrage sont celles qui anticipent être trop fragiles pour en supporter les effets somatiques et/ou psychiques.
La conclusion que nous en tirons est la suivante : les aides médicamenteuses ne présentent éventuellement un intérêt que dans le cas de comorbidité avérée (antécédents anxiodépressifs, diabète, etc…), auquel cas un suivi médical est indispensable. Contrairement aux discours officiels des leaders d'opinion du système de soins, ces produits ne facilitent pas la cessation durable du comportement tabagique.
* Nous nommons ‘palliatif nicotinique’ ce qu’il a été d’usage jusqu’à présent d’appeler ‘Thérapie de substitution à base de nicotine’ (TSN). En l’occurrence il s’agit de nicotine présentée sous une autre forme et non pas une 'substitution' de la nicotine (fonction que pourrait remplir la varénicline par ex.). Le terme palliatif correspond à son utilité : permettre une abstinence temporaire ou un confort durant la période de sevrage, sans que ceci se traduise par une amélioration de l’abstinence durable comme le montre l’étude du National Cancer Institute.
Commentaires