La psychanalyste Elisabeth Roudinesco dénonce une dérive de l’addictologie avec son dernier ouvrage « La Part obscure de nous-mêmes. Une histoire des pervers »* comme le rapporte le dossier du magazine ELLE : Laissez-nous être dépendants ! daté du 6 novembre 2007.
« Notre société veut transformer en maladies tous les actes de la vie, ce qui est une manière de pervertir notre existence. Nous sommes tous dépendants de quelque chose et c’est pourquoi nous sommes libres. Nous choisissons notre destin et nous pouvons être passionnels et emplis de démesure. Les êtres sans affect, sans passion, sont atteints d’une pathologie de la norme et donc effrayants. On peut parler d’addiction pour les toxicomanes, puisque le sujet devient l’esclave de substances nocives, qu’il se détruit et qu’il ne peut s’en sortir sans une désintoxication.
Mais un état passionnel ne relève ni de la médecine, ni des psychotropes, ni du sevrage. Est-ce que l’amour que porte Swann à Odette dans “A la recherche du temps perdu” est pathologique au sens donné à ce terme par les addictologues (mot horrible) ? Certainement pas. Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle barbarie : la condition humaine est définie comme une maladie. Nous vivons en biocratie, on veut gérer tous nos comportements, et les individus sont traités comme des choses.
Les États ne s’occupent plus du bonheur des hommes mais de ce qu’ils définissent comme leurs maladies et, du coup, ils font leur malheur au nom du bien, en organisant la vie de chacun à partir de la science, véritable religion des temps modernes. Pour se soumettre à cet idéal, les humains acceptent de se croire malades pour se presser dans des consultations spécialisées qui leur proposent des programmes de déconditionnement qui ne sont que de la poudre de perlimpinpin. A force de nous penser comme des malades, nous allons nous affaiblir, fabriquer un peuple de dépressifs. »
Nous sommes loin de partager la vision de Mme Roudinesco en général, mais sur ces points il se pourrait que ses propos sonnent justes. Il y a de quoi être EFFRAYÉ par la conception qu'ont certains tabacologues de renom de ce qui fait un homme : des poumons sur patte. Ils sont les nouveaux barbares.
Certains peuvent les comparer aux nazis, qui ont inventé la lutte contre le tabagisme bien avant la dernière guerre. Voir à ce sujet The nazi war on cancer de Robert N. Proctor (Princeton), ouvrage qui fait référence sur la question.
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