Nous aurions aimé que notre champixologue commence, comme la loi le prévoit selon le décret 2007- 454 du 28/3/2007, par indiquer si des liens d’intérêt le lient au fabriquant du médicament en question. L’absence de déclaration d’intérêt ne vaut pas déclaration d’absence d’intérêt. L’énergie que met le Pr Dautzenberg à promouvoir toutes sortes de médications nouvelles et chères, ou anciennes et moins onéreuses, laissent effectivement le doute sur son indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Que tous les professeurs de médecine émargent peu ou prou aux budgets des laboratoires, le plus souvent via des associations de marketing s’autoproclamant sociétés savantes, ne les dispensent pas de respecter la loi. Ce serait plus honnête pour le public.
Dans son intervention – retranscrite ici* - nous notons en effet quelques bizarreries.
Non le président de l’Office Français de Prévention du Tabagisme (OFT) ne nie pas les cas de suicide et les pensées suicidaires lors de sevrage tabagique assisté par la varénicline. Et il est intéressant de lier cette reconnaissance avec le discours affirmant que la varénicline serait un substitut de la nicotine : si c’est le sevrage qui est la cause des pensées suicidaires, alors le ‘produit’ - comme Pr Dautzenberg nomme délicatement les médicaments - devrait empêcher ces effets secondaires non ? A défaut, c’est que le produit censé ne cibler que les récepteurs nicotiniques dans le cerveau n’est peut-être pas aussi ‘intelligent’ que ça. Bref qu’il n’est peut-être pas aussi efficace que les chiffres annoncés tentent de le montrer. Il ne semble pas que la meilleure efficacité de la varénicline comparée à celle des palliatifs nicotiniques ait été à ce jour établie par des études indépendantes, contrairement à ce qu'affirme d'autorité notre bon docteur Dautzenberg.
Une deuxième bizarrerie peut être relevée quand il affirme :
« En s'arrêtant de fumer, ce risque suicidaire est exacerbé, et que ce soit avec un placebo, que ce soit avec des substituts nicotiniques, que ce soit avec le Zyban, que ce soit avec le Champix, donc il a un lien fort entre l'arrêt du tabac et la dépression. »
Il y a un lien fort entre consommation du tabac et dépression. Si le lien de causalité tabagisme ==> dépression n’a pas été reconnu par la médecine, les fumeurs reconnaissent aisément qu’ils fument parce que cesser de fumer leur est impossible à cause des humeurs dépressives occasionnées quand ils s'y essayent. Ce n’est pas avec arrêter de fumer qu’il y a un lien fort avec la dépression comme l’affirme Dautzenberg mais entre fumer et la dépression. Cette observation a été à la base de l’utilisation du bupropion (alias Zyban) qui est un anti-dépresseur. Ce ‘produit’, annoncé comme d’habitude comme un nième produit miracle, a déçu les attentes des tabacologues et je connais un médecin affirmant « même pour moi je ne le prendrais pas » à cause des risques d’effets secondaires rares mais imprévisibles et dramatiques.
Malheureusement ce sont précisément les personnes dépressives, ou plus régulièrement entretenues dans leur dépression par des traitements médicamenteux inefficaces à les soigner, qui vont ‘demander’ à bénéficier de la dernière ‘solution efficace’ (sic) pour en finir avec leur tabagisme ! Ces cas ont été soigneusement écartés des tests visant à l’homologation des produits (les tests d’AMM) pour ne pas dégrader les scores de réussite. Pour ces personnes sous traitement, on n’a pas vraiment de preuve que la varénicline améliore les chances de succès. L’utilité du traitement dans ces cas là est donc discutable sans même parler des risques liés aux effets secondaires.
Il y a une autre chose qui m’interpelle dans l’affirmation ci-dessus
« En s'arrêtant de fumer, ce risque suicidaire est exacerbé, et que ce soit avec un placebo, que ce soit avec des substituts nicotiniques, que ce soit avec le Zyban, que ce soit avec le Champix. » :
dans tous les cas de figure il y a l’hypothèse non dite qu’il faudrait un traitement médicamenteux pour cesser de fumer. Pr Dautzenberg, avez-vous connaissance des cas de dépression suite à un sevrage tabagique sans médication ? Ca serait intéressant de comparer non ?
Ce qui est extraordinaire dans les discours médicaux, c’est l’évidence d’un traitement chimique, comme si c’était la seule option que l’on peut valider scientifiquement. Le placebo est à comprendre ici comme une substance, chimique, supposée neutre par rapport à la pathologie. Mais c’est encore une substance ingérée par le ‘patient’ supposé malade et guérissable avec des médicaments. Et si ce n’était pas la voie pour sortir d’une addiction ? Que fait le Pr Dautzenberg des alternatives comme les thérapies comportementales et cognitives, les arrêts en groupe, l’accompagnement psychologique, etc. ? Ils sont réputés inexistants. Ces propos sont partials et pour le moins partiels.
Pr Dautzenberg affirme ensuite :
« le Zyban, qui était l'autre produit qui était sorti à l'époque, qui était même un antidépresseur au départ et qui, malgré ça, provoquait des dépressions. Donc c'est clairement l'arrêt du tabac qui provoque des dépressions,.. ».
Je vous laisse juge de ces propos. Le traitement avec le Zyban, validé aux USA contre la dépression (mais non en France pour cette indication) … provoque des dépressions aux fumeurs cessant de fumer. DONC c’est l’arrêt du tabac qui provoque des dépressions. Appréciez la conjonction de coordination : puisqu’un produit antidépresseur provoque des dépressions, donc c’est que c’est autre chose qui les provoquent ?? Moi je veux bien ! Venant de la part d’un leader d’opinion, professeur de faculté de médecine, cela me parait un peu vite dit...
Enfin, cerise sur le gâteau ces derniers mots proprement stupéfiants :
« L'arrêt du tabac sauve la vie, de façon indiscutable et tout de suite, et pour longtemps, et c'est beaucoup plus agréable. »
Pour ceux qui ont réussi leur suicide aussi ?
* crédit transcription : RM,
avec mes remerciements
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