Il est tard, je suis MG, il est venu pour son
cholesterol, sa tension, son hémoglobine glyquée, bref tous les articles que
l'internationale de la terrorinovation a dispersé dans le magasin. Il me dépose
tout sur le tapis- roulant. Sa carte vitale est prête, son programme et
son ticket déjà imprimés, qu'il me réclame du Champix. Alors que fais-je ? Je
redémonte la caisse, je rembobine mon rouleau ? Les autres clients attendent,
et le directeur du magasin qui me surveille. Oui, Big Brother, qui m'a promis
un euro de plus sur le ticket repas si je laisse passer le champix, et un demi
point retraite si je carbure sur l'hémoglobine glyquée. Et ce putain de
Champix en tête de gondole.
Avec le représentant des tabacologues qu'a bouffé
hier avec le directeur du magasin, il va falloir assurer les ventes, non de
dieu. Mais cette idée à la con de nous mettre des casques de Gaulois,
juste pour éviter les gauloises, je trouve ça un peu nul. Tanpix.
Aux autres caisses, ça va pas mieux. Ginette à coté,
vient de se faire agresser sur les hormones. Normal, il y a promo sur la
lessive aux phosphonates. Et Ophtalmine, la jeune employée à mi-temps, qui se
fait engueuler parce qu'elle a pas vendu son Vastarel. Urina, la portugaise,
elle a pas le temps d'aller pisser que déjà le patron l'a remise sous tutelle.
Je fais quoi, je lui délivre son champix, et je m'en
tire avec mes points-repas ? Ou j'arrête tout. Fini tout ce bordel aux noms
gaulois, aux pommades relookées aux suffixes en -a. Bordelia, Espera, Ragnagna.
Je suis caissière , d'accord, mais l'éthique des caissières, il en fait quoi,
le chef ?
Bon, je vous laisse, je lui ai mis son Champix dans
le chariot. Le pack de six, avec la réduction et l'abonnement à l'Arc. C'est
pas tout, c'est grosse journée, et la semaine prochaine, opération prostate. Je
sais pas trop en quoi on va se déguiser. Mais si j'ai le choix, je fais
pas le doigtier .
Bruno (médecin généraliste)