Bizarrerie administrative : dans les coffee shops de Hollande, il est dorénavant interdit de fumer du tabac mais pas du cannabis. Des joints, oui, mais sans tabac ! Les fumeurs accros au tabac devront sortir des coffee shops pour sacrifier à leur dépendance les autres pourront fumer à l’intérieur. Cela fait sourire : ce serait plutôt sympa, et pertinent. Explications.
Arrêter le tabac en fumant du cannabis, c'est possible
Quand on arrête le tabac, il convient que ce soit sans exception : plus une seule bouffée de quoi que ce soit contenant de l’herbe à Nicot. Ceci s’explique par la nature du signal envoyé au cerveau, qui a gardé la trace de l’effet du tabagisme, du ‘shoot’ de nicotine quelques secondes après avoir avalé la fumée.
Le pétard est une cause fréquente de rechute de fumeurs qui aimeraient cesser la cigarette sans se priver d’une occasion ‘festive’ (on va dire ça comme ça, avec modération). Un bouffée d’un joint qui passe de main en main peut suffire à faire replonger un récent non-fumeur de cigarette dans sa dépendance au tabac
Je ne dispose pas de statistiques significatives, mais aucun de mes clients fumeur de cannabis n’a rechuté dans le tabagisme dès lors qu’une condition était remplie : plus de tabac du tout dans ce qui est fumé. Cela implique de se rouler soi-même son pétard, et de trouver un substitut au tabac (qui donne un goût généralement apprécié du fumeur).
Ce n’est pas une affaire de quantité mais d’information. La composante physique de la dépendance peut être considérée comme binaire : 0 ou 1, allumée ou éteinte. Éteindre la dépendance physique (qui ne fait mal nulle part !) est l’affaire de quelques jours : nous disons au maximum trois semaines. Au-delà de trois semaines, l’on peut être certain que si une pensée à la cigarette surgit du cerveau, ce n’est pas lié au manque physique (au déplaisir) mais au désir, au souvenir du soulagement que fumer procurait. Le désir peut être défini comme un plaisir ‘en potentiel’ : en assouvissant ce ‘désir’, je vais éprouver du ‘plaisir’. Le désir est uniquement mental, et sa trace restera mémorisé dans le cerveau jusqu’à la fin de ses jours, d’où la nécessité d’apprendre à gérer cette situation, ce qui n’est pas plus difficile que de se refuser une gourmandise. Mais une inhalation de nicotine réactive instantanément la dépendance physique, génèrera dans les heures ou les jours suivants une autre ‘envie’ de fumer : c’est la récidive le plus souvent. La cigarette n’autorise pas les écarts (il en est de même pour l’alcool soit dit en passant ).
Ce n’est pas tant le fait de fumer qui fera replonger l’ancien fumeur de tabac. C’est la présence ou non de nicotine dans ce qui est fumé, même à l’état de traces.
Contrairement à la cigarette, il est possible de fumer le cannabis de façon occasionnelle.
La composante physique de la dépendance au cannabis est faible, voire nulle [1]. Ce qui fait qu’après quelques années de consommation, cesser le pétard n’est pas une affaire aléatoire comme cesser le tabac. Contrairement à la cigarette, il est possible de fumer le cannabis de façon occasionnelle. Le cas échéant on n’est pas dépendant physiquement. Il en est de même des amateurs de cigare ou de narguilé qui peuvent en déguster un à l’occasion entre amis. Tant que l’on ne fume pas quotidiennement il est loisible de se considérer comme non dépendant : ceci est le rêve de beaucoup de fumeurs de tabac qui sont pris au piège. Fantasme, ça ne marche pas : la perte de contrôle sur sa vie et son in-dépendance est le principal problème.
Du coup cette facilité qu’ont nos voisins hollandais de fumer le cannabis dans leurs coffee shops sans avoir le droit d’y fumer du tabac devient savoureuse, tout à la gloire d’un peuple ayant compris qu'une dose de tolérance était meilleure politique que la prohibition satanique.
n.b. : quoi que l’on fume, ce n’est pas bon pour ses poumons !
Référence
- Voir par ex. Résumé du rapport du Professeur Bernard ROQUES (juin 1998)