De très médiatiques pneumologues affirment à tout va que le narguilé est dangereux,
qu’il dégage du monoxyde de carbone (ce qui est vrai), patin couffin... Est-il
plus ou moins dangereux que la cigarette ? Le narguilé peut-il être un
substitut à la cigarette ?
Certains utilisent le narguilé en alternative à la cigarette. Malheureusement dans une logique de sevrage ce serait comme adopter les cigarettes dites ‘légères’ : une illusion.
Je dinais l’autre soir avec mon fils au restaurant de la Grande Mosquée de Paris : agréable patio en été. Le salon de thé attenant propose des narguilés.
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Il y est facile de distinguer les fumeurs dépendants des autres. On voit les premiers aspirer de grosses bouffées, à la recherche de leur dose de nicotine comme un poisson rouge l'oxygène dans son bocal. D’autres laissent beaucoup de temps entre deux bouffées, suçotent leur embout, dégustent tranquillement en papotant. Ceux-ci ne sont pas dépendants de la fumée de tabamel (qui est un mélange à 30% de tabac avec des arômes et de la mélasse). On constate d’ailleurs un phénomène social voisin avec les amateurs de cigare qui n’inhalent pas la fumée.
Des risques réduits de dépendance
Il est étrange que l’on puisse fumer du tabac sans devenir dépendant d’une consommation régulière. Dans le cas du cigare, si l’on n’avale pas la fumée, le risque est faible. La nicotine absorbée par la bouche n’accroche pas comme quand on avale profondément la fumée. Sa diffusion est lente, il n’y a pas de ‘shoot’ de nicotine. C’est grâce à ces propriétés que l’on vend des gommes à mâcher à la nicotine censées aider au sevrage.
Jean-Léon Gérôme - L'allumeuse de narghilé (1898)
Comparée à celle de la cigarette industrielle, la fumée du narguilé est diluée, faiblement concentrée en nicotine et de composition chimique différente. Fumer un narguilé ne présente pas autant de risque que de fumer une cigarette si l’on raisonne en termes de risque addictif pour quelqu’un qui n’est pas dépendant au tabagisme [1, 2]. Le narguilé rend beaucoup moins ‘accro’ que la cigarette. Il existe de nombreux fumeurs de narguilé ‘plaisir’, qui fument occasionnellement pour être entre amis et qui ne sont pas dépendants. On en rencontre un bon nombre au salon de thé de la Grande Mosquée. Mais il faut consommer avec modération… Comme pour l’alcool...
« Ainsi, en cette matinée lumineuse d'avril, il s'est assis seul, à la terrasse d'un café, face à un verre de rosé auquel il n'a pas encore touché. Il paraît heureux. Est-ce seulement l'effet d'un ciel serein, d'une rue accueillante et qu'aucune foule ne tourmente ? A tel point que le verre de rosé constituerait à peine un alibi. »
Sansot Pierre, Du bon usage de la lenteur, Paris, Payot, 1998.
Un narguilé ça va, trois : ‘Bonjour les dégâts !’
Par contre l’addiction au tabagisme est irréversible : on n’en guérit pas, et c’est la raison des nombreuses rechutes. Toute inhalation de tabac ou absorption de nicotine, même en quantité faible, peut entraîner une récidive. Cela est dû à une caractéristique de cette addiction : la dépendance modifie des éléments du système nerveux central de façon durable et ceci est nommé ‘Sensibilisation’. Une fois que l’on est sensibilisé au produit, on ne peut plus se permettre de fumer occasionnellement. La volonté est en général impuissante à contrôler un câblage de neurones, le software ne peut modifier le hardware. C’est la raison pour laquelle il n’est pas réaliste de fumer le narguilé en pensant que c’est une démarche pour en finir avec la dépendance. Si l’on veut cesser la dépendance à la cigarette, il faut aussi cesser le narguilé. Je ne connais pas d’étude affirmant le contraire.
Conseils du Dr Kamal Chaouachi aux tabacologues
Ceci me mène à vous rapporter les conseils du Dr Kamal Chaouachi, le spécialiste
français du narguilé, auteur de publications et d’ouvrages dont la référence
Tout savoir sur le narguilé. Avec sa permission, voici un extrait de son cours
au DIU Tabacologie de Paris concernant les conseils aux amateurs de narguilé :
- Fumer tous les jours le narguilé peut exposer aux mêmes risques que l’usage de cigarettes (bronchite chronique, etc.)
- Fumer dans un endroit mal ventilé, comme une chambre, par exemple, est dangereux en raison de l’accumulation de monoxyde de carbone (due au charbon qui vaporise le tabamel)
- Eviter le charbon commercial à allumage rapide, qui génère du monoxyde de carbone en quantité importante et contient différentes sustances potentiellement nocives
- Comme dans le cas de la fume d’une cigarette au-delà des deux tiers de sa longueur initiale, au-delà de 45 minutes environ le risque d’inhaler des éléments de combustion toxiques est réel. Par conséquent, il faut savoir s’arrêter
- Changer systématiquement l’eau du récipient
- Utilisez un embout de bouche stérile et jetable
Consulter aussi le blog (très oriental dans le style) : Observatoire Narguilé OU Santé (Chicha OU santé, Narghilé OU santé, Shisha, Dangers)
Références
1 - Al-Mutairi SS, Shihab-Eldeen AA, Mojiminiyi OA, Anwar, AA. Comparative analysis of the effects of hubble-bubble (Sheesha) and cigarette smoking on respiratory and metabolic parameters in hubble-bubble and cigarette smokers. Respirology 2006; 11: 4...
2 - Salameh
P, Waked M, Aoun Z. Waterpipe smoking: Construction and validation of the
Lebanon Waterpipe Dependence Scale (LWDS-11). Nicotine Tob Res. 2008
Jan;10(1):149-58
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