Nous laissons volontiers les fumeurs malades aux mains des professionnels normalement chargés de les soigner : mettons que cela totalise en France un million d'individus. Les 10 millions de fumeurs réguliers français restants - qui ne sont pas malades - ont intérêt à préférer les approches ni médicales et ni médicamenteuses comme celles que recommande unairneuf.org. Ça a du sens non ?
Il est normal que unairneuf.org, dont la pertinence se limite aux fumeurs en bonne santé, puisse donner des conseils différents de ceux des colleurs de patchs à tout va : nous avons dix fois plus raison que les médecins.
Faites-vous arrêter en voiture par la force publique (comme il est politiquement correct de dire) et l'on vous trouvera bien un lampion manquant ou une tache sur la plaque d'immatriculation pour vous coller un PV. De la même façon, par déformation professionnelle, un médecin voit un malade potentiel dans chaque personne qu'il croise. C'est humain.
Là où cela commence à dériver, c'est quand les experts chargés d'élaborer les fameux 'référentiels' de pratique voient un malade dans chaque fumeur et indiquent que le tabagisme se traite en premier lieu avec des médicaments, encourageant le réflexe de prescription. Leur maladie peut être une quelconque des 22 000 maladies qu'un médecin généraliste a charge de traiter ou dans l'esprit des talibantitabacs une maladie mentale spécifique.
Des biais sont introduits par les constats faits dans les centres de tabacologie. Les personnes sollicitant leur aide sont copieusement morbides. La base de données CDT (Centre de Tabacologie) qui centralise les rapports d'intervention permet quelques analyses statistiques. Celles qui suivent (dont nous n'avons pas les détails) ont été communiquées lors d'un forum Pfizer dans un atelier animé par G. Lagrue et J. Bouchez*.
Dans les consultations de tabacologie la prévalence (probabilité) des troubles psychiatriques est élevée. Près des trois quart des consultants déclarent des antécédents de dépression. Plusieurs troubles peuvent être simultanément diagnostiqués et le total des occurences dépasse largement les 100 % :
antécédent d’état dépressif majeur |
73 % |
état dépressif actuel |
23 % |
dysthymie |
9 % |
troubles bipolaires 1 et 2 |
8,7 % |
phobie sociale |
26 % |
agoraphobie |
18 % |
stress post traumatique |
12,8 % |
troubles dépressifs isolés |
13 % |
troubles anxieux isolés |
17 % |
* Source : Dr Dominique Walter (AFDET)
Ainsi au vu de ces chiffres, il semble correct de considérer tous les consultants comme des malades, d'autant que c'est sans compter les maladies chroniques comme le diabète par ex. Il est tout à l'honneur des centres spécialisés de les prendre en charge : être malade, ça ne facilite en rien les choses pour cesser de fumer !
Mais il est préjudiciable de généraliser les indications pour des patients malades à l'ensemble des fumeurs en bonne santé.
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