Pour illustrer le sentiment de grand-messe écœurante que nous suscite le congrès de tabacologie médicale française débutant ce jeudi 20 novembre, nous citerons un éditorial du fondateur de l'association indépendante Mieux Prescrire avec laquelle nous collaborons à l'occasion sur les remèdes au tabagisme.
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Mendicité, le mot peut sembler fort. Et pourtant, c’est bien de cela dont il s’agit. Comment qualifier autrement les rapports serviles et humiliants de bon nombre d’étudiants, de médecins en exercice, d’universitaires, de syndicalistes, d’animateurs de formation continue avec les laboratoires pharmaceutiques ou d’autres puissances d’argent ?
L’état de dépendance est à ce point considérable qu’il est devenu inconscient, créé de toutes pièces dès la première année des études. Pour beaucoup de médecins, il est presque devenu aberrant d’imaginer que l’on puisse s’équiper, voyager, manger au restaurant, se soigner, se former, lire, sans avoir recours à un “sponsor”.
Pour beaucoup d’organisations professionnelles, il est devenu inimaginable d’entreprendre une action sans “partenaire”. Quitte à se jeter dans les bras du financeur agro-alimentaire ou de l’assurance maladie quand les laboratoires pharmaceutiques se défilent.
Le “manque de moyens”, si souvent invoqué, est un leurre. Ce n’est pas le manque de moyens qui pousse le corps médical dans sa majorité à s’assujettir à des puissances d’argent, c’est le manque de volonté et d’imagination ; c’est le manque de dignité et d’amour-propre.
En tendant la main en permanence, la profession médicale s’appauvrit intellectuellement, moralement et socialement.
- Elle n’évalue pas l’impact réel de son activité au service des malades et les moyens de la valoriser.
- Elle se nie en tant qu’acteur respectable et respecté du système de santé.
- Elle ne se met pas en état de faire face énergiquement aux problèmes d’adaptation auxquels elle est confrontée.
- Elle fuit ses responsabilités.
Gilles BARDELAY, La revue Prescrire, juillet/août 1994
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