UnAirNeuf.org vous invitait en août dernier à lire ce bilan de plus de 20 ans de pratique dans l'aide à l'arrêt du tabac : Arrêt du tabac : attention aux dangers ! du Dr Jacques Pieri, médecin généraliste à Paris.
Nous recommandons cet ouvrage à tout fumeur victime d'effets secondaires du sevrage, désagréables ou déstabilisants, et ayant repris son tabagisme régulier. Jacques Pieri raconte avec beaucoup d'humilité les dégâts entrainés dans sa patientèle par la politique de culpabilisation et de marginalisation instaurée par des talibantitabacs obsédés par leur projet prohibitionniste.
Ce petit livre de 140 pages se lit rapidement et réussit le miracle de dire les choses sans mensonge, sans faire peur et même en nous rassurant, avec un bon sens issu du terrain. C'est un des rares ouvrages écrit par un médecin dont les conseils nous semblent pertinents pour l'arrêt du tabac et respectueux des fumeurs.
Ci-après vous trouverez notre fiche de lecture, en vous invitant à vous procurer et à lire (ou offrir) ce livre remarquable. UnAirNeuf.org en publiera demain un extrait, sur les palliatifs nicotiniques.
Référence
- Docteur Jacques Pieri, Arrêt du tabac : attention aux dangers !,
Paris, Le cherche midi, 2008. ISBN : 978-2-7491-0939-8. 10 € - Lire la quatrième de couverture
A lire sur le même sujet :
UnAirNeuf.org (29 et 30 août 2008), Arrêt du tabac : attention aux dangers ! et Substituts nicotiniques : le point de vue de Dr Jacques Pieri
________________ Fiche de lecture ________________
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Citation / Commentaire Unairneuf.org |
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Si l'on souhaite voir un recul de la consommation de tabac, ils faut que les fumeurs soient avertis des risques potentiels qu'ils encourent. |
Oui, et c’est la qualité principale de l’ouvrage. Ceci peut être fait sans dramatiser le tabagisme – dont une grande majorité de fumeurs finit par s’affranchir, ni la cessation du tabagisme. L’arrêt du tabagisme peut réduire le bien-être, notamment quand on a utilisé pour cela des produits psychoactifs inducteurs d’effets indésirables (Champix, Zyban). | |
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C'est en connaissant mieux les écueils possibles que le fumeur repentant pourra mieux les anticiper et donc les esquiver. |
Il convient de rechercher un compromis. A trop faire peur, ce qui est la démarche commerciale des vendeurs de médicaments “pour aider”, on induit des blocages : le fumeur doute de ses capacités, doute de ses chances de succès, qui peuvent être élevées avec une préparation et une éducation adaptées. Malheureusement l’éducation thérapeutique en France est verrouillée par les firmes pharmaceutiques, dont la mission est de faire du profit et non de soigner les malades. | |
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Plus qu'un " arrêt ", ce que l'on recherche avant tout c'est " faire perdre l'envie ", car c'est cette envie qui bien souvent est cause de rechute. |
Et l’on ne combat pas un désir avec une interdiction ! Les aides efficaces agissent sur le registre irrationnel, inconscient, ce qui est banni dans les pratiques médicales (par souci d’éviter le charlatanisme). Il y aurait avantage à démédicaliser l’aide à l’arrêt du tabac, à user des méthodes issues des Sciences Humaines autant que possible. Seule une minorité de fumeurs relève d’une prise en charge biomédicale. |
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Il n'y a pas une seule règle, une seule méthode mais autant de possibilités qu'il y a de fumeurs, la première étant d'admettre que le succès du sevrage relève souvent de l'imprévisible ! |
Effectivement une proportion élevée d’arrêts réussis sont non prémédités : suite à un événement, on se surprend à redevenir non fumeur sans difficulté insurmontable. Ceci est possible même pour des personnes au tabagisme ancien et important. À la limite, les personnes lourdement atteintes par les dégâts du tabagisme ont une incitation inconsciente forte et réussissent aisément, plus aisément qu’un petit fumeur “qui fume juste pour le plaisir” (dit-il pour tenter de se justifier). Les tentatives improvisées sont globalement plus couronnées de succès que celles planifiées à un moment supposé favorable (West & Sohal, BMJ, 2006). Il n’est cependant pas vrai que toutes les méthodes se valent : la plupart sont relativement inefficaces, notamment des stratégies recommandées par les institutions de santé, qui sont sous l’influence des laboratoires. Les prétendues aides médicamenteuses n’en sont pas, du moins statistiquement. |
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Le succès trouve son origine dans le catapultage des rencontres, tout simplement parce que celles-ci ont lieu au moment opportun, c'est à dire lorsque les personnes sont physiquement et psychiquement prêtes. |
Oui, quand on est mentalement prêt à cesser sa dépendance, cela peut être relativement aisé. Ceux qui ont réussi disent souvent que cela fut en réalité assez facile… | |
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Tout le travail du sevrage tabagique consiste à apprendre comment mettre à distance ce message nociceptif [=désagréable], acteur de la dépendance. |
Avoir envie de fumer ne fait mal nulle part ! Aucun fumeur en manque n’a ressenti de douleur, tout juste un gratouillis dans la poitrine peut-être. Un geste mental assez simple – que nous enseignons – permet de distinguer la souffrance (subjectivement perçue) et la douleur – inexistante. Faire face à une envie de fumer s’enseigne et s’apprend en quelques heures. |
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accro 3 mois/3 semaines avec ammoniac ?? |
Jacques Pieri indique avoir eu cette information dans un ouvrage de J. Lagrue. Effectivement la nicotine est sensible à l’acidité du milieu et les fabricants de cigarette préparent le tabac pour une plus grande rapidité d’addiction. Malheureusement la culture de son propre tabac (bio ?) est interdite en France et l’on est astreint à l’achat de produits optimisés pour rendre dépendant. Marc Valleur (Marmottan) affirme que la toute première cigarette rend accro un jeune dans un tiers des cas, et que la dépendance est quasiment établie dès la sixième cigarette. Piège terrible, beaucoup plus rapide que ce qui est énoncé par Pieri. Mais ceci est caché au public, sans doute pour ne pas grèver les ventes et les recettes fiscales du tabac (10 milliards d’euro par an, l’équivalent du déficit de la Sécurité Sociale…). |
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Il est impératif que vous compreniez quel fumeur vous êtes. |
Pour nous, cela ne fait pas grande différence. Peu importe si vous fumez peu ou beaucoup, la seule différence est : fumez-vous tous les jours ? Auquel cas vous êtes dépendant du tabagisme. Les gros fumeurs cessent aussi aisément que les petits, même si les syndromes de sevrage sont plus nombreux et vifs alors. Le score de Fagerström, grand modèle utilisé par les médecins pour ‘doser’ le traitementen palliatifs nicotiniques n’est basé sur aucune théorie ni aucune métrique valide (travaux de J.F. Etter de stop-tabac.ch). En trois mots : c’est du bidon, pour vous faire croire que l’on sait. Le junkie sait qu’il est dépendant, peu importe le nombre de fix par semaine… Par ailleurs, les thérapies comportementales et cognitives, qui sont basées sur la rationalisation des occasions de fumer, supposent que c’est dans la conscience que les choses se passent. Cela n’est que très modérément exact. Il est plus important de savoir pourquoi vous fumez, psychologiquement les différences individuelles ne sont pas si importantes (sauf les cas de complications qu’effectivement les médecins sont seuls à pouvoir traiter). Ne généralisons pas : les fumeurs ne sont pas – en général – des malades. La tabagisme n’est pas une maladie, c’est une dépendance, et l’on n’en guérit pas comme d’un rhume ! |
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La question du sevrage est une affaire personnelle. Il ne faut donc pas perdre de vue que toute généralité sur ce sujet peut s'avérer délétère tant pour la santé physique que psychique. |
Nous entendons les médecins affirmer haut et fort qu’il faut PERSONNALISER la prise en charge. Malheureusement il est aussi prouvé que les actions collectives sont plus efficaces ! Il faut personnaliser quand on a affaire à des fumeurs malades, ils sont une petite minorité… Par contre, Jacques Pieri a raison de souligner que les motivations pour cesser de fumer sont personnelles (et souvent inconscientes même). Savoir exprimer ces motivations, sélectionner celles qui peuvent être utiles pour s’affranchir de la dépendance, n’est d’ailleurs pas une chose évidente : les risques d’erreur sont nombreux. Ainsi en est-il des économies et des risques pour la santé, qui ne sont pas des motivations sur lesquelles on peut s’appuyer ! Il convient de trouver d’autres motifs valables… Ces motifs valables (pour soi) une fois énoncés, cesser de fumer devient assez facile. |
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Ne prescrit-on pas des patchs à la nicotine à la femme enceinte ? |
Les patchs ne sont pas conseillés en première intention à la future maman. Le taux de nicotine est plus élevé dans le sang du foetus que dans le sang de la mère : ceci peut lui porter préjudice, surtout en cas de traitement dans la durée. Par ailleurs il n’est pas prouvé que les palliatifs nicotiniques soient utiles à la femme enceinte (consensus HAS 2004). |
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L'arrêt du tabac est loin d'être une chose anodine. Il peut même avoir un effet délétère sur la santé dans la mesure où, supprimant un risque hypothétique, il peut en créer un, cette fois bien réel. |
Tout l’intérêt de cet ouvrage est résumé par cette affirmation… | |
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J'ai en mémoire la cas d'une patiente de 36 ans dont le couple est allé jusqu'à la rupture [suite à son arrêt du tabac] |
Les comportement jusqu’au boutistes de certains talibantitabacs est nocif socialement et parfois individuellement. | |
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Conseil de manger des pommes |
Dans les milliers de pages lues sur l’arrêt du tabac, c’est la première mention de ce conseil que nous prodiguons également ! Bravo, car ça marche. L’apport de nicotine a un effet sur la libération de sucre dans le sang, comme pour se préparer à un effort physique. Avec les milliers de répétitions au fil des ans, la régulation naturelle de la glycémie est altérée : le fumeur fume quand sa glycémie baisse (avant un repas par ex.). Il a alors ‘envie’ de fumer, alors qu’en fait, il est en manque de sucre. La pomme pallie excellement à ce besoin physiologique, avec de nombreux avantages durant le sevrage, notamment pour les gros fumeurs qu’il est trop long de préciser ici. Mangez des pommes ! Ayez-en toujours sous la main durant les premiers jours, surtout en fin de matinée et d’après-midi (à la place de l’apéro pour le dire vite). Les anglais disent “An apple a day keeps the doctor away” : sage conseil… |
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Les produits de substitution ne doivent pas être bannis sous prétexte qu'ils maintiennent l'organisme dans un besoin de nicotine. Chaque chose en son temps ! |
Aucune stratégie ne peut être écartée dans la panoplie des moyens médicaux utilisables. Le Dr Pieri nous a confié accepter l’usage de tablettes de nicotine. Dans le cas de complications (co-morbidités) nous ne pouvons exclure cette option. Il n’est pas prouvé qu’elle soit plus efficace que d’autres options (cf. étude du Dr Hasan par ex.). | |
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Cigarette = automédication (contre la constipation) |
Pour les fumeurs pour qui la cigarette est devenue un traitement pour faire face au quotidien de la vie, toute méthode d’arrêt efficace entrainera une rechute tant que la pathologie sous-jacente et pour laquelle la fumée de cigarette est devenue la solution n’aura pas été soignée. Ceci comprend les nombreux cas de fumeurs dépressifs, et il est maintenant jugé probable que c’est le tabagisme qui rend dépressif (plutôt que l’inverse). | |
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(troubles anxieux, douleurs thoraciques) Pour cette femme, le renoncement au tabac se trouvait directement lié au vieillissement. |
Magnifique exemple de contrôle du corps par l’esprit. Si l’esprit contrôle le corps, on peut en déduire des techniques efficaces pour l’arrêt. | |
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(apparition de maladies causées par) Le stress lié au sevrage tabagique ou la rupture d'équilibre due au manque de nicotine ? |
Si l’arrêt du tabac est vécu comme une libération, le stress peut être complètement absent. Le cas est fréquent, même avec des gros fumeurs, qui n’éprouvent pas alors ces fameux syndromes tant redoutés. Ce fut notre cas, après des décennies de tabagisme : rien, aucun dérangement ! | |
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La dépression au décours de l'arrêt . |
Elle peut intevenir des mois après la dernière cigarette, quand le deuil n’est pas encore achevé. Le deuil est un processus lent. | |
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Si l'on ressent cette logique de compulsion, il paraîtra sage d'avoir recours à une aide psychologique avant d'initier le sevrage ! |
Oui, c’est notre métier ! Il est regrettable qu’en France certains médecins tiennent les non-médecins en si piètre estime et ne fassent pas plus souvent appel à des spécialistes de l’esprit. Prétention de (tout) savoir, ignorance néfaste. | |
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Les mécanismes de résistance sont imprévisibles. |
Notamment les réactions physiques. Si lors de l’arrêt vous éprouvez des sensations bizarres, déstabilsantes parce que nouvelles, alors il s’agit d’un effet transitoire du sevrage. Ne pas s’inquiéter et consulter le médecin si cela devient chronique (une semaine par ex.). Nous avons relevé que quelques fumeurs (hommes) avaient vécu des moments de paralysie, qui sont en fait des signes de dépression masquée. L’un a même – sérieusement – consulté son médecin parce qu’il ne pouvait plus respirer : il n’est pas mort ! Ces réactions peuvent être acceptées avec humilité, le corps et le cerveau s’ajustent à de nouvelles conditions de vie : sans les effets de la nicotine. | |
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Je m'étonne que les pouvoirs publics aient fait l'impasse sur la motivation pour "enrayer" le fléau du siècle. |
Comme nous l’avons indiqué plus haut, la plupart des ‘motivations’ comme l’argent ou la santé, s’avèrent sans intérêt. Les seules motivations qui vaillent sont les sensations physiques et les sentiments que l’on escompte éprouver une fois redevenu non fumeur : ceux qui ne sont pas capables de les imaginer et les verbaliser échoueront : c’est le seul indicateur pronostic de succès (ou plutôt d’échec) que nous avons identifié. | |
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La connaissance du risque médical n'empêche pas de fumer. |
Notre médecin traitant (Dr Z., excellent au demeurant) est fumeur… Si la médecine disposait de solutions efficaces comme le prétend la publicité de Pfizer, cela ne serait pas le cas. La médecine (officielle) n’a pas de solution efficace pour l’arrêt du tabac. |
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En règle générale les motivations efficaces sont circonstancielles. |
Une étude a effectivement montré que les circonstances (imprévues) induisaient des chances améliorées de succès (étude West). La conclusion est qu’il n’est pas obligé de planifier son arrêt. On peut le préparer et quand on est prêt, il se fait… | |
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Le bon moment est celui qui correspond à une période d' "emmer- dements standards ". |
Le conseil le plus pratique que nous retenons de cet ouvrage. Il est préférable de ne pas attendre une période favorable (comme les vacances) car c’est dans la vie de tous les jours, avec ses relations habituelles qu’il convient d’apprendre à redevenir non fumeur. Il n’existe pas de clinique de désintoxication tabagique et il n’en existera pas pour cette raison. |
Note
L'expression "sevrage à l'arraché" nous semble peu appropriée. Le Dr Pieri a reconnu que notre appellation "arrêt franc" est préférable.
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