Les tenants de la tabacologie médicale tentent d'imposer une vision réductrice et essentiellement biologique du tabagisme [1] : il en découle des approches inefficaces de l'aide à l'arrêt.
Si le tabagisme est une maladie, la légitimité des colleurs de patchs et distributeurs de gri-gris pharmaceutiques se comprend. Si le tabagisme n'est pas une maladie, alors cela ouvre d'intéressantes pistes pour sa cessation.
L’alcoolisme n’est pas une maladie est un récent point de vue publié par le Pr Claude Béraud sur son blog [2, 3]. Cet article nous donne un autre exemple d'erreur d'interprétation.
Attention : tabagisme et alcoolisme présentent des différences, notamment le possibilité d'une reprise contrôlée de la consommation. Malgré toutes leur connaissance du sujet et leur expérience, trois anciens fumeurs très actifs dans l'aide à l'arrêt que sont Robert Molimard, Erick Serre (gérant de Allen Carr France) et nous même ont rapporté ne pas se permettre pas d'en “rallumer une petite” pour voir : le risque de récidive est jugé quasi certain !
La tempérance (fumer de façon occasionnelle une fois que l'on a été dépendant) relève du miracle, même après des décennies d’abstinence [4].
Il y a cependant de nombreux points communs entre alcoolisme et tabagisme, sans parler de leur interaction. Nous vous invitons à prendre connaissance des propos de Claude Béraud puis à exercer votre esprit critique sur les stratégies de la tabacologie médicale. Vos commentaires sont bienvenus.
Notes
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Nous entendons 'tabagisme' comme la consommation de tabac en général. Ce terme est le plus souvent utilisé pour désigner le comportement des personnes dépendantes à la fumée de tabac, par opposition à la consommation occasionnelle. Source : Wikipedia Tabagisme
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L’alcoolisme n’est pas une maladie, L’actualité médicale vue par Claude Béraud, 4 décembre 2008
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Claude Béraud est professeur honoraire à l’université de Bordeaux, ancien vice-président de la Commission de la transparence de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), ancien membre du Conseil médical et scientifique permanent de la Mutualité Française.
Il est auteur - entre autres - de la Petite encyclopédie critique du médicament, Éditions de l'Atelier (2002). Lire aussi Un bien portant est un malade qui s’ignore, Agoravox (2006).
Extraits choisis :
La dépendance est elle une maladie ?
A cette question les professionnels des soins, les responsables de la santé publique, les participants à des groupes d’alcooliques répondent : Oui. Et ils précisent : " l’alcoolisme est une maladie incurable. "
L’alcoolique est devenu un objet ayant perdu, avec sa liberté, son autonomie et la volonté de contrôler sa consommation.
Cette affirmation contestable pour de nombreuses raisons semble être le premier exemple de l’invention d’une maladie et le début pour des raisons de contrôle social d’une médicalisation qui ne cesse de se développer. La dépendance est une réalité incontestable mais elle ne suffit pas à faire de l’alcoolisme une maladie.
L’existence d’une maladie chronique et incurable nommée "alcoolisme" est légitimée par le raisonnement suivant :
- l’alcoolisme est défini par une dépendance à l’alcool,
- la dépendance à l’alcool est une maladie,
- donc l’alcoolisme est une maladie.
La concaténation de ce syllogisme qui conduit à cette affirmation est tautologique car si la réalité d’une dépendance à l’alcool ne peut être mise en doute, par contre la transmutation d’un comportement en une maladie est controversée par les spécialistes des sciences humaines et par certains psychiatres. Cette maladie n’est pas liée à une lésion anatomique, contrairement à la majorité des maladies.
Il est vrai que sont connues des affections qui ne s’accompagnent d’aucune anomalie organique et sont liées à des dysfonctionnements de certains organes ou de plusieurs systèmes de régulation mais si chez les sujets dépendants de l’alcool des dysfonctionnements peuvent être observés au niveau cérébral, ils disparaissent lorsque cesse ou diminue la consommation d’alcool. Quant à l’existence d’une cicatrice cérébrale souvent évoquée par les médecins, qui expliquerait la rechute dès l’ absorption d’un verre d’une boisson alcoolisée, elle est liée davantage à une croyance et à une idéologie qu’à une reconnaissance scientifique.
Paradoxalement on peut d’ailleurs penser que la dépendance physique est le contraire d’une maladie car elle témoigne des possibilités d’adaptation de l’organisme.
Même si la comparaison avec le fonctionnement d’une automobile est triviale elle permet de comprendre les effets de l’alcool. Lorsque un véhicule fonctionne avec de l’essence que son propriétaire souhaite remplacer par un agro carburant, il demandera à un mécanicien une adaptation du fonctionnement de sa voiture. Si plus tard il veut revenir à l’essence une nouvelle adaptation sera nécessaire.
Le consommateur excessif d’alcool a adapté progressivement son fonctionnement cérébral à la présence d’alcool s’il cesse sa consommation une adaptation de ce fonctionnement est nécessaire elle se produit naturellement parfois sans l’intervention d’un médecin en quelques jours. Cette possibilité d’adaptation est elle une maladie ? Il est raisonnable d’en douter. [...]
Quelle est l’utilité du concept : l’alcoolisme est une maladie ?
Sans doute dans notre société souvent répressive mieux vaut-il être un malade, avec les avantages de ce statut qu’un coupable. Mais ce concept permet-il de comprendre les processus d’alcoolisation, ouvre-t-il des perspectives thérapeutiques ? La réponse avec quelques nuances est encore : Non. Il ne permet pas de comprendre l’alcoolisme.
Les modèles proposés pour expliquer l’apparition d’une maladie, sa diffusion, sa sémiologie, son évolution ne sont pas applicables à l‘alcoolisme. Si l’alcoolisme est une maladie celle ci n’est comparable ni à une affection aiguë ou chronique ni à une maladie mentale. Ce concept n’ouvre aucune possibilité thérapeutique hormis l’abstinence. [...]
Les comportements humains ne peuvent être réduits à des réactions biochimiques et à la mise en jeu d’un système de récompense comme chez la souris. Une addiction n’est pas déterminée par la rencontre aléatoire d’un organisme avec un toxique, mais par le rendez vous qu’un individu en interaction avec son environnement socio-culturel prend consciemment ou non avec un produit pour vivre sa propre histoire faite de besoins, de désirs de plaisirs et de frustrations.
Claude Béraud
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