Pour ce qui concerne les aides à l'arrêt du tabac, même si une étude d'envergure mondiale avec toutes les garanties scientifiques possibles montrait que les produits pharmaceutiques sont généralement inutiles, il ne serait pas certain que les médecins ne persisteraient pas à prescrire de nouvelles molécules (et bientôt des vaccins).
« L'influence des laboratoires est avérée. Un récent article du New York Times montre comment l’industrie a réussi à “étouffer” les résultats d’un grand essai clinique réalisé en 2002 aux États-Unis. Financé par de l’argent public, cet essai a montré que les médicaments les plus efficaces dans le traitement de l’hypertension étaient les diurétiques, des produits anciens, “génériquables” et très peu chers.
Logiquement, il aurait dû modifier en profondeur les prescriptions des médecins, les incitant à privilégier ces produits au détriment des nouveaux antihypertenseurs, très promus par l’industrie et très onéreux. Or, aujourd’hui, on se rend compte que cet essai n’a eu aucun effet sur les médecins, qui continuent à préférer les produits vantés par les laboratoires. »
Ces propos sont extraits d'un dossier du journal La Croix en date du 6 janvier dernier [1]. Ils sont tenus par le Dr Philippe Foucras, Médecin Généraliste et président du collectif Formindep [2]. Pour lui,
"Les médecins ne sont pas formés à gérer la communication des laboratoires".
Michel Chassang, président de la Confédération syndicale des médecins français (CSMF) lui répond en écho (contre l'évidence !) :
"Nous pouvons faire la différence entre information et promotion"
« Il faut être réaliste : sans le financement de l’industrie, plus aucun congrès médical ne pourrait avoir lieu aujourd'hui. Tous les grands congrès internationaux qui font référence bénéficient du soutien des laboratoires. Mais cela ne signifie pas que les travaux qui y sont présentés sont soumis à leur influence. »
A titre d'exemple de la dépendance des congrès nationaux aux financement des firmes pharmaceutiques nous citions il y a peu le congrès de la Société Française de Tabacologie SFT [3].
Il y a pire : la conférence mondiale WCTOH, organisée à Bombay dans deux mois avec le soutien technique de l'Organisation Mondiale de la Santé, dépend elle aussi de l'argent de généreux sponsors dont Pfizer* et GSK, deux firmes proposant des produits d'aide au sevrage tabagique. En voici la preuve en images :
- Les prescriptions médicales sont dépendantes des communications promotionnelles des firmes pharmaceutiques
- Les firmes pharmaceutiques financent et participent directement à toutes les grandes manifestations relatives à la lutte contre le tabagisme : France, Europe, monde
- Donc les politiques publiques et les prescriptions médicales sont orientées dans l'intérêt commercial des firmes pharmaceutiques. L'intérêt des firmes est de satisfaire leurs actionnaires, pas les patients, qui sont considérés que comme une source de profits [4, 5].
Références
- La Croix, Les médecins sont-ils indépendants ?, propos recueillis par Pierre Bienvault, mardi 6 janvier 2009, p. 16.
- Formindep : Désinformation Grande étude, petites conséquences - Comment l’industrie pharmaceutique a étouffé l’essai ALLHAT
- UnAirNeuf.org, La tabacologie sous influence de la pharmacie : un congrès tronqué
- cf. l'ouvrage de Joel Bakan, Transcontinental Editions (2004) :
Psychopathes & Cie : La soif pathologique de profit et de pouvoir - et tout aussi effrayant Pharmacritique (07/01/09) :
Le cartel pharmaceutique : "un réseau de corruption qui recouvre l’Allemagne tout entière"
* Note : actuellement, le seul traitement sur ordonnance non génériqué indiqué pour l'aide au sevrage tabagique est la varénicline (marque Champix° de Pfizer). La bupropione (marque Zyban° LP chez GSK), génériqué, n'est quasiment plus prescrit…
Trop fort Luc.
Que j'aimerais entendre ces réflexions pertinentes de la part de mes confrères !
Malheureusement, leur ignorance et leur influence sont incommensurables.
Lors d'un repas sponsorisé (pour les gardes du secteur, j'ai payé mon repas...) la conversation s'est orientée vers la prescription de Clopidogrel, un antiagrégant qui plombe les comptes de la Sécu, sans avantage démontré par rapport à la bonne vieille aspirine.
Certains médecins pleuraient que les institutions (la Sécu) voulaient vérifier si ce produit avait été prescrit pour de bonnes raisons.
Réflexion, approuvée, applaudie, de la déléguée : signalez-moi toutes les fois que la Sécu argumente à ce propos et je vous enverrais une contre-argumentation.
C'est un peu comme si le Koweit envoyait à ceux qui disent que le pétrole n'en a plus pour longtemps (ce que tout le monde sait maintenant), des arguments pour des réserves inépuisables.
Amitiés
NP - Médecin généraliste
Je déclare n'avoir aucun lien d’intérêt avec une entreprise commercialisant ou fabriquant un produit de santé
Rédigé par : Nico Nitine | 08/01/2009 à 15:55