Le reportage Dépendance à la nicotine : découverte médicale du journal télévisé de France 3 le 5 février nous donne l’occasion de décrypter une controverse sur les prétendues aides au sevrage tabagique.
Les acteurs en présence sont, par ordre d'entrée en scène :
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un professeur de pneumologie de renom, très médiatique, auteur de revues et d’ouvrages largement diffusés par OFT Entreprise, société dont il est le gérant ;
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un pauvre fumeur témoin non pas de l’incurie du professeur Dautzenberg, mais plutôt de ses soins attentionnés autant qu’inefficaces ;
- un représentant d’un des laboratoires proposant des produits commerciaux censés aider au sevrage tabagique, du moins jusqu’à cette fameuse étude mettant à bas un joli château de cartes monté depuis une vingtaine d’années et enfin,
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le Professeur Molimard, auteur du Petit Manuel de Défume en 2007 et dont la flamme reste allumée après quarante années pleines consacrées à la recherche en tabacologie.
Bien sûr les intérêts des uns et des autres sont tous légitimes. Nous vous invitons à bien vouloir vous mettre à la place du patient fumeur, objet – et sujet – central d’intérêt dans ces discussions.
[Séquence émission] et commentaires unairneuf.org |
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Comprendre comment la dépendance survient est intéressant, et,
C’est un peu à l’aveugle que Murray Jarvik, à l’origine des produit dérivés de la nicotine, a lancé ses premières recherches. Nothing is simple (rien n’est simple) ornait l’entrée de son bureau 50 ans plus tard. S’il est intéressant de savoir contre quoi le candidat à l’arrêt se bat, il restera toujours à lui fournir des armes adaptées. Malheureusement la recherche privée (75 % de la recherche médicale est privée, donc avec objectif économique) cherche seulement à inventer des produits, et non des solutions. Une solution (par exemple, naïvement) pour réduire la prévalence du tabagisme serait de rendre la vente et l’achat de tabac prohibitifs. En fait les outils efficaces de prévention ne sont pas médicaux mais sociaux, psychologiques, éducatifs. L’État français y investit des clopinettes : environ 1 % des recettes fiscales du tabac. |
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Cette formulation est incorrecte : la recherche des équipes autour du neurobiologiste Jean-Pol Tassin (INSERM et Collège de France) est menée sur des lignées génétiquement modifiées de rats de laboratoire . Car bizarrement il est extrêmement difficile de rendre des rats naturels dépendants de la nicotine ! La transposition à l’homme fumeur nécessitera quelques études supplémentaires ;-) Par contre ces travaux – de classe mondiale et incontestables – ont permis de montrer que la dopamine, ce médiateur du bien-être jusqu’à présent supposé induire la dépendance, n’était pas la cause de l’addiction au tabagisme. Ainsi les théories supposant que les fumeurs fument par plaisir est mise à mal. S’il y a des fumeurs qui fument par plaisir - les amateurs de narguilé ou de cigare par exemple - ils sont généralement des fumeurs non dépendants ! Les fumeurs dépendants ne fument pas par plaisir mais plutôt pour soulager un déplaisir, le déplaisir d’être en manque. Le moteur du tabagisme n’est pas le plaisir mais la souffrance. Ceci est difficile à accepter par les fumeurs candidats à l’arrêt : ils se sont fait berner parfois pendant des décennies sans éprouver de réel plaisir. Ce qui est difficile dans l’arrêt, ce n’est pas le ‘sevrage’, car une envie de fumer ne fait mal nulle part, ce qui est difficile est de comprendre et d’accepter que l’on baigne dans une terrible méprise. Car subjectivement le fumeur dépendant éprouve quelque chose qui a le goût du plaisir… Au delà de la simple compréhension, c’est l’intérêt des formations comme celles que nous proposons de permettre l’assimilation, l’appropriation pour soi des conséquences de cette révélation. Pour cela la chimie est au mieux inutile, au pire dangereuse. Une formation par contre est le plus souvent suffisante, du moins pour l’immense majorité des fumeurs en bonne santé générale. |
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Le Professeur Molimard accorde une utilité aux palliatifs nicotiniques au début du sevrage et s’oppose à ceux qui prétendent que les rechutes sont dues à un traitement trop rapidement arrêté. Même avec des produits gratuits, les traitements ne dépassent pas trois semaines en moyenne : les fumeurs se rendent alors compte qu’ils n’ont plus d’utilité, qu’ils aient rechuté ou non. Trois semaines correspondent à la durée du sevrage en l’absence d’adjuvant de nicotine. Prendre de la nicotine prolonge cette période délicate : il existe des gens qui aiment se faire du mal... Nos constats sur le terrain auprès des milliers de fumeurs que nous avons rencontrés nous a mené à comprendre pourquoi les prétendus ‘substituts de nicotine’ (qui sont de la nicotine juste purifiée, pas un autre produit en copiant les effets) sont facteurs de rechute. C’est la raison pour laquelle nous en interdisons totalement l’usage aux clients qui nous font confiance. Se passer de substituts permet de dépasser 50 % de chance de succès durable. Nous ne sommes pas habilité à nous prononcer dans le cas de fumeurs malades ou hospitalisés. Il peut y avoir des circonstances (une opération par ex.) où un traitement palliatif à la nicotine peut être moins nocif que fumer la cigarette : nous parlons alors de palliatifs. Les palliatifs ne soignent pas, ils permettent temporairement de ne pas fumer, ce qui n’est pas la même chose. Il ne serait pas correct de penser que nous dénigrons les palliatifs de nicotine ni que des laboratoires gagnent indûment de l’argent en les fabriquant et en les commercialisant. Nous connaissons des personnes ayant arrêté malgré des patchs. Qu’il nous soit permis de penser que les substituts jouent un rôle psychologique et qu’il est avantageux de procéder différemment, sans esquiver les envies de fumer. Les données du terrain, qui n’ont rien à voir avec les contextes de tests cliniques en laboratoire sur des publics souvent rémunérés pour participer aux études, de toute façon très sélectionnés, suivis aux petits oignons (4 heures par personne étant la norme actuelle), etc. indiquent que les médicaments sont à écarter si l’on veut optimiser ses chances de réussite. Bien sûr, d’une vérité statistique on ne peut tirer aucune conséquence sur un cas particulier. Si une pharmacothérapie est envisagée pour l’arrêt, ce que nous pouvons alors dire c’est ce traitement ne suffit pas. Le Professeur Dautzenberg le confirme : pas de médication sans prise en charge médicale. Ceci révèle l’erreur d’autoriser la vente libre, qui est à plus de 95 % suivie d’un échec. On n’apprend pas grand chose de ces échecs là, si ce n’est confirmer qu’arrêter est problématique. Cela nous le savons depuis nos toutes premières bouffées de l’adolescence. |
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Note : Le Pr Dautzenberg se dispense de déclaration de liens d’intérêts avec les industriels du médicament. Il se trouve qu’il a été l’investigateur principal récemment d’une étude d’efficacité des produits qu’il prescrit dans cette mise en scène médiatisée. Ceci est en infraction avec la Code de la Santé publique (article L 4113-13). Nous avons été choqué de voir le stéthoscope du médecin brandi comme un étendard, dans une pièce apparemment sans lit d’examen. La blouse blanche et le stéthoscope sont un code vestimentaire comme la chasuble et le chapelet pour le curé, un signe de dissymétrie : “Moi je sais”. Docteur étymologiquement est celui qui sait, qui est ‘docte’. Cette séquence est une pitoyable mise en scène de cinéma, comme les juges au tribunal. Molière déjà se moquait des toques pointues des Diafoirus de son époque, jouant avec un latin de cuisine et divers accoutrements pour faire impression et masquer leur incompétence. Si vous êtes un fumeur en bonne santé, il n’est pas forcément utile de consulter un pneumologue formé à prendre en charge des ‘malades’. Il n’y a pas avantage à prendre les fumeurs pour des ‘malades’ pour les aider à s’affranchir de leur dépendance. Au contraire, il peut être utile de mobiliser leurs ressources personnelles en évitant ces signes distinctifs les dévalorisant inconsciemment… |
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Vous avez noté ce ‘Je vois’ ? Bertrand Dautzenberg lit … dans le dossier. Est-ce qu’il traite un individu ? C’est le problème de cette médecine spécialisée qui focalise sur des symptômes, des causes de pathologies et en oublie l’homme qui en est atteint. Qu’il nous soit permis de préciser aussi que cette échelle de dépendance inventée par le suédois Fagerström : 1°) résulte de déclarations subjectives et non de mesures objectives ; avec un peu de latin de cuisine on en fait un étalon-or de la ‘dépendance’ ! 2°) n’est basée sur aucune théorie (et nous savons qu’aucune n’avait été établie) ; 3°) n’est pas basée sur une métrique ; en d’autres termes, être à 8 au score ne signifie pas que son cas est deux fois plus grave qu’avec 4 ; nous avons remarqué que les gros et anciens fumeurs cessent le tabac aussi facilement que les fumeurs modérés ! La détermination du score de Fagerström est utile pour le dosage de la nicotine suffisante pour pallier aux envies, c'est un outil pour le prescripteur.C’est la dépendance qu’il faut traiter, avant que les poumons et le reste soient atteints de préférence. La dépendance est un phénomène irréversible quasi binaire, comme un interrupteur : allumé ou éteint. La détermination d’un niveau subjectif de dépendance permet au médecin, qui ne sait pas de quoi il parle à défaut de théorie, de faire croire qu’il diagnostique. Ceci est de l’enfumage pour gogos naïfs ; malheureusement c’est ce que le Pr Dautzenberg et une majorité de ses collègues enseigne à nos tabacologues… |
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Pauvre homme ; cela fait huit mois qu’il se colle des patchs (ce qui n’est pas dans la norme des pratiques autorisées soit dit en passant, six mois étant un maximum). Et on lui prescrit un autre traitement, qui statistiquement n’est pas plus efficace : le même traitement, avec le même principe actif, qui n’est pas la cause de la dépendance. Nous vous autorisons à en penser ce que bon vous semble. Errare humanum est… Nous pourrions être poursuivi en diffamation à écrire ici ce que nous pensons de la prise en charge d’un président de plusieurs associations de prévention du tabagisme : votre imagination pourra le faire. Ce qui est dramatique, c’est que ce soit le canon, le standard de la bonne tabacologie, celle que l’on montre dans les medias : peut-être plus pour très longtemps ! |
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Faire souffler dans un appareil de mesure du monoxyde de carbone, marqueur de la fumée de tabac, fait aussi partie des pratiques systématiques des tabacocologues en blouse blanche. Même sans blouse blanche et sans l’accessoire du stéthoscope, cela est recommandé ! A quoi sert-il de montrer à ce fumeur de quarante ans qu’il s’intoxique ? Il le sait bien, de façon naïve, mais plus évidente qu’avec une mesure insensée. Les médecins fumeurs, bien placés pour connaître des risques encourus, fument quand même : cette menace n’est pas opérante. Nous déconseillons ces pratiques, masquant à nouveau une incompétence – psychologique - dans l’aide à l’arrêt. C’est du cinéma pour justifier la médicalisation de la prise en charge. |
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L’inventivité des laboratoires pour vendre des produits inutiles est sans limite. Si l’herboristerie avait encore cours – écrivons-nous en buvant une tisane de menthe cultivée par Patrice dans sa vallée perdue sans même l’électricité en Drôme provençale – si l’herboristerie pouvait être ‘brevetée’ alors on y ajouterait de la poudre de perlimpinpin, du kudzu broyé, de la décoction de valériane, etc. : même pas, les herbes, cela n’intéresse plus les laboratoires. Il faut pouvoir protéger ses procédés de fabrication pour instaurer un monopole, justifier des prix élevés et limiter la concurrence.
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Il est heureux que les différents fabricants aient été tous équitablement présentés pour ne pas faire de jaloux ni de publicité déguisée : il faudrait chronométrer ! L’indépendance par rapport aux produits des firmes pharmaceutiques aurait été renforcée en y ajoutant une cigarette électronique (chinoise). Ces appareils ne se trouvent pas – encore – dans les consultations de tabacologie mais d’ici cinq ans, nous n’en préjugerions pas. Quand les laboratoires en auront pris le contrôle via les agences sanitaires… |
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Le chiffre de 80 % est celui cité dans l’étude originale de Jean-Pol Tassin. 20 % d’abstinence est un chiffre optimiste, que certains centres de tabacologie atteignent (à 12 mois). Auprès de publics salariés, l’OFT présidé par B. Dautzenberg rapporte seulement 12,6 % d’arrêts à 12 mois : voir Résultats à un an de l'arrêt du tabac en entreprise avec l'aide de l'OFT |
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Les tabacologues pouvant attester d’une cursus académique en psychologie sont donc avantagés. Sauf erreur, les cours de psychologie durant les 8 ou 10 ans d’études nécessaires à la soutenance d’un doctorat en médecine représentent … 30 heures. Et cela doit concerner la relation thérapeutique plus que les arcanes complexes de la dépendance. Il serait judicieux que les professionnels de santé désirant pratiquer la tabacologie suivent une formation un peu plus conséquente. Cela éviterait de considérer les fumeurs à peu près comme des poumons sur pattes (et fesses patchées). |
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Cette étude est un vrai coup de massue pour les industriels vivant de la crédulité et des fumeurs et des professionnels de santé. Un travail scientifique invalide un principe, mais malgré tout les porteurs de soutane de la tabacologie continuent de prescrire des gri-gris inefficaces. Le problème c’est qu’il n’y a guère d’alternative : la médecine est nue. Et si l’on s’avisait qu’une telle médecine de patascience n’est pas la discipline la mieux placée pour traiter le tabagisme ? |
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Il y a encore des gens pour penser que l’objet de l’industrie pharmaceutique c’est la santé. L’objet des firmes pharmaceutiques est de soutenir le cours de leurs actions, d’abord. La santé est un véhicule pour faire du profit. L’avantage avec les palliatifs nicotiniques, c’est qu’ils sont relativement inoffensifs. Et comme les fumeurs ne sont ‘généralement’ pas malades, le petit business peut perdurer sans risque pour les tabacocologues. Là où c’est un peu gênant c’est quand c’est l’Assurance Maladie qui sponsorise (24 millions d’euros de chèque 50 € en 2008 en France) des traitements dont les fumeurs ne veulent pas. Car non seulement les patchs sont inutiles mais en plus on pousse désespèrément à leur consommation. Il y a des flux financiers que j’ai un peu de mal à appréhender. |
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Les patchs ne marchent pas. Ce n’est pas en doublant la dose de quelque chose qui ne marche pas qu’on aura une meilleure solution. La nicotine est un poison : voir La nicotine pharmaceutique est dangereuse. Quinze collégiens se sont retrouvé à l’hôpital pour avoir avalé un paquet de bondons à la menthe contenant de la nicotine. Un dosage élevé n’est donc pas sans risque. Une envie de fumer ne fait mal nulle part. Il n’est pas prouvé dans la vie réelle que recourir aux substituts nicotiniques augmente ses chances de réussite. Cela apporte un confort dans les premiers jours, comme une béquille. Bien sûr les firmes pharmaceutiques promeuvent l’usage de béquilles le plus longtemps possible, mais un jour il faudra bien lâcher définitivement la bouée. Si redevenir non-fumeur relève d’un apprentissage, alors l’esquiver en pouvant s’en dispenser grâce à un palliatif ne le favorise pas. |
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Robert Molimard fait référence à des études montrant qu’avec complémentation en nicotine, le taux de rechute croit moins vite durant le sevrage, ce qui est avéré. Mais ce qui compte pour l’arrêt durable, c’est le résultat à 12 mois (au moins, il y aura encore 30 % de rechute ensuite). A un an, dans la vraie vie, il est statistiquement avantageux de NE PAS avoir utilisé de palliatif. Les tests cliniques se font tous AVEC un médicament factice pour comparer avec un bon niveau de preuve. Dans la vraie vie, personne n’achète de médicaments factices (en le sachant en tout cas) alors affirmer que les palliatifs nicotiniques ‘doublent les chances de succès’ par rapport à leur équivalent factice n’a pas grande utilité, si ce n’est induire les clients dans l’illusion. |
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Le Professeur Molimard a été le pionnier de la recherche en tabacologie en France. Il est assez âgé aujourd’hui pour ne plus craindre pour sa carrière. Mais gare au professionnel de santé qui s’oppose de front aux intérêts des firmes pharmaceutiques ! Les cas de carrières brisées sont avérés, ce n’est pas une hypothèse… ‘Ne pas attaquer la blouse blanche’ nous suppliait un médecin du travail salarié d’un grand groupe où nous sommes intervenu. Elle prenait des risques effectivement à recommander un prestataire ouvertement anti gri-gris : une plainte aurait pu lui créer des difficultés. |
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Les fumeurs n’aiment pas la nicotine, ils n’en veulent pas. Plus on fait de pression sur eux, moins ils obéissent. Ce qui est dommage, c’est que les intérêts économiques et politiques empêchent la diffusion d’approches efficaces ayant fait leurs preuves. Elles le sont sans médicaments... |
Unairneuf.org salue cette première initiative d'un grand media du service public mettant en débat le dogme de la tabacocologie encourageant l’usage de palliatifs nicotiniques pour l'affranchissement de la dépendance au tabagisme. Qui dit vrai ? Qui nous enfume ?
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