Nous avons retrouvé sur internet un ancien entretien du professeur Dautzenberg au magazine Aufeminin.com [1]. Il y a à boire, à manger et même à bouger les tables...
Quels conseils donneriez-vous pour éviter toute rechute ?
Pr Dautzenberg : D’abord, il faut se mettre dans la tête que, quand on a été fumeur, d’autant plus si l’on a commencé à fumer avant 15 ans, on a un "cerveau de fumeur". Ça veut dire qu’à la moindre cigarette, même des années après le sevrage, la dépendance peut reprendre. Il faut donc rester vigilant, même des années après l’arrêt du tabac. Il n’est pas rare de voir des gens rechuter 10 ou 15 ans après avoir arrêté de fumer.
Ensuite, il faut savoir pourquoi on a rechuté. Il faut analyser les causes qui sont personnelles à chacun. Cela permettra, à la prochaine tentative, au prochain arrêt, de ne pas tomber dans le même piège.
Avez-vous des petits trucs à nous conseiller ?
Pr Dautzenberg : Oui. Il faut "baliser le terrain". C'est-à-dire qu’il faut installer un dispositif anti-tabac, anti-rechute, partout. Poser des substituts nicotiniques partout, dans la voiture, dans les vide-poches, dans les poches de veste, dans les tiroirs du bureau.
Il faut aussi changer ses repères. A la maison, changer les fauteuils de place, si c’est possible, changer la disposition des meubles. Changer ses habitudes, ne pas traîner à table après le repas, bouger. Adopter de nouvelles habitudes sans cigarette.
L'excès de confiance
La rechute, bien souvent, ne se fait pas dans les premiers jours de l’arrêt du tabac. Les premiers jours du sevrage, la motivation est importante. On a généralement prévu l’arrêt. On a surtout mis en place tout un dispositif de protection : les substituts nicotiniques, la visite chez un médecin, l’aide de l’entourage… Bref, le terrain est balisé.
En revanche, au bout de deux ou trois mois en général, la vigilance s’amenuise. On prend confiance. On sait, on a vérifié que l’on pouvait vivre sans cigarette. La vie ne s’arrête pas avec l’arrêt du tabac. Du coup, on croit pouvoir s’autoriser une petite faiblesse. On se dit que si l’on a réussi à dominer la situation pendant toute cette période de sevrage, ce n’est pas une petite, une toute petite cigarette qui va nous vaincre. Erreur ! C’est justement celle là qui va tout mettre par terre. C’est celle là qu’il faut éviter ! Sachez que l’on rechute plus facilement le soir que le matin. Le soir, la vigilance est moins vive.
Sachez aussi que l’on rechute plus facilement l’été que l’hiver. L’été, c’est le temps des vacances, des pots entre amis, des terrasses, des sorties nocturnes... La fin des vacances est l’ennemie du sevrage !
Les bouffées d’envie
Pr Dautzenberg : On peut les prévoir. Et il faut savoir qu’une envie de fumer dure entre deux et cinq minutes. Pas plus. Il faut donc anticiper ces moments de manque. Avoir toujours près de soi des substituts nicotiniques même longtemps après l’arrêt du tabac. Et surtout dans ces moments de gène, ne pas hésiter à sortir, faire une petite marche accélérée ou se défouler sur un bon vieux chewing-gum.
Pas de curiosité dangereuse
Pr Dautzenberg : Tous les anciens fumeurs vous le diront. Au bout de quelques jours ou quelques semaines, on éprouve une sorte de curiosité morbide. Une sorte d’envie de ressentir le goût de la cigarette pour bien vérifier à quel point cela est mauvais. Une sorte d’envie, aussi de se tester. De bien vérifier sur soi-même que l’on est plus fort que la dépendance, que l’on est capable de s’en passer. Cela s’appelle « jouer avec le feu ». La dépendance sera toujours plus forte que vous ! Ne tentez pas le diable. Vous savez que cela sent mauvais. Vous avez arrêté, vous savez donc que vous êtes le plus fort. Pas besoin de fumer pour vérifier tout cela !
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Baliser ? Kesako ?
Pour le dictionnaire, balise est un terme de marine : « repère en bois renforcé de fer, servant à indiquer les endroits dangereux », emprunté du portugais « baliza », lui même dérivé du latin « palus », pieu ou pal.
« Balise » est employé pour désigner une marque fixe, alors que le mot bouée désigne une marque flottante et le mot amer un point notable, naturel ou artificiel servant de repère (Le Clère, 1960).
Baliser le terrain ce n'est pas ici « indiquer par des balises les hauts fonds et les passes d'une rivière » ni placer des marques ou planter des poteaux.
Non, quand le professeur Dautzenberg indique de "Poser des substituts nicotiniques partout, dans la voiture, dans les vide-poches, dans les poches de veste, dans les tiroirs du bureau", il ne s'agit pas de les y coller comme des auto-collants. Les patchs ne sont pas étudiés pour bombarder la nicotine à distance, même en forme de sous-munitions ! Il faut comprendre baliser ainsi : le fumeur se lançant dans l'aventure de l'arrêt du tabac doit avoir sous la main une grosse réserve de munitions pharmaceutiques pour s'éviter d'allumer une cigarette pour pallier une envie soudaine de fumer. Car chacun sait que c'est irrésistible : vous n'y arriverez ja-mais ! Sans substituts vous êtes condamné. Au bout de quelques années de balisage, ne pas oublier de renouveler le stocks en fonction de leur date de péremption.
Durant les rapports sexuels, garder ses patchs mais éviter les gommes ; de toute façon évitez définitivement les sorties nocturnes.
Pour les personnes pratiquant la natation, s'assurer que les timbres transdermiques restent bien collés sinon rapidement sortir de l'eau pour éviter une catastrophe. Non c'est stupide : on ne peut pas fumer dans l'eau. Il n'y a pas de 'terrain' à baliser non plus ! Comment on fait docteur ?
Lâcher une bonne fois pour toutes
Soyons sérieux un instant : on ne peut pas être plus fort que la dépendance. Au contraire, on se facilitera grandement la tâche en acceptant qu’elle a définitivement gagné la guerre et que gesticuler est sans issue.
Renoncez à un combat que vous avez vainement tenté.
Avec le tabagisme, reconnaissez votre défaite.
Finalement cela soulage bien de renoncer.
La clé de l’arrêt du tabac, ce n’est pas de ‘tenir’ mais de ‘lâcher’.
Ça vous évitera de compenser en mangeant ou autres habitudes.
Références
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SantéAZ - Tabac : éviter la rechute Entretien avec le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue et président de l'Office français de prévention du tabagisme. Les illustrations et mise en relief du texte original sont de UnAirNeuf.org.