Suite à la récente publication scientifique expliquant l’inefficacité des traitements par substitution nicotinique pour le sevrage tabagique, la Société Française de Tabacologie et l’Alliance contre le tabac s’associent pour rappeler leur position et publient un communiqué de presse intitulé [1] :
« Les preuves scientifiques accumulées depuis 20 ans confirment l’efficacité des substituts nicotiniques dans l’aide à l’arrêt du tabac ».
Il est intéressant de constater comment la patascience se répand dans les media : il existe une démarche scientifique basée sur la publication de résultats d'études expérimentales dans des revues spécialisées après soumission à des pairs choisis pour leur compétence sur le sujet concerné. Le savoir scientifique progresse par la réfutation d'hypothèses passées se révélant infondées. Pour les tabacocologues français défendant leur honneur et les traitements inefficaces dont le public ne veut pas, cela ne saurait suffire : il convient de prendre le grand public à témoin, avec des arguments vaseux :
" Les tabacologues et les responsables du contrôle du tabac encouragent vivement la recherche animale et clinique pouvant faire avancer les connaissances dans la compréhension et le traitement de la dépendance au tabac.
Toutefois, pour la pratique clinique, il est évident que les résultats de centaines d’études validées donnant une certitude d’efficacité chez l’homme ont plus de poids que des hypothèses construites à partir de données expérimentales obtenues chez la souris."
Les lecteurs disposant du baccalauréat ont appris qu'il suffit d'un contre-exemple pour invalider une théorie. Pendant longtemps l'homme a cru que le soleil tournait autour de la terre. L'étude scientifique réalisée dans les laboratoires de la Faculté de Paris VI, au CNRS, à l'INSERM et au Collège de France (excusez du peu), et publiés dans une revue scientifique réputée, n'entament pas la croyance des défenseurs de traitements inefficaces. On nage dans le dogme de l'Église de Tabacocologie le plus complet, en substance :
Ne croyez pas ces vulgaires scientifiques faisant des vraies expériences sur des animaux de laboratoire, écoutez plutôt nos refrains en chœur, nous regroupés dans des associations Loi 1901 alliées dans une guerre (politique et intéressée) contre le tabac.
Les études sur l'animal, dites de phase I, sont systématiquement menées dans la recherche de nouveau traitements pharmaceutiques : il doit y avoir une raison. Apparemment les neurones de souris ont un fonctionnement biochimique suffisamment voisin des neurones humains pour que la transposition soit justifiée a priori.
Les phases d'études ultérieures vérifient les hypothèses. Mais si une molécule n'est pas active sur l'animal, il y a peu de chance que le projet se poursuive, ne serait-ce que par on ne peut pas tester un traitement directement sur l'homme : cela a été une des difficultés des recherches concernant le HIV par exemple, et il a fallu, devant l'épidémie, déroger à certains principes éthiques.
Ce que montrent les récentes recherches publiées, c'est que la nicotine ne suffit pas à entraîner la dépendance comme le font d'autres produits psychoactifs comme l''héroïne, la cocaïne ou l'alcool. Si elle n'entraine pas la dépendance des rats de laboratoire, il est peu probable que cela puisse le faire sur le cerveau de l'homme, en tout cas aucune connaissance scientifique actuelle ne permet de le mettre en doute. Ceci révèle la fragilité de ces milliers d'études cliniques répétées sur les palliatifs nicotiniques, dont on n'a pas la confirmation épidémiologique sur le terrain.
Pour faire bonne mesure et insinuer définitivement la suspicion, le communiqué ajoute :
" La mise en cause du rôle de la nicotine dans la dépendance au tabac coïncide avec les intérêts de l’industrie du tabac qui a longtemps nié dans sa communication externe, que l’addiction à la nicotine était la cause principale du maintien de la consommation et du marché du tabac alors que ses documents internes prouvent qu’elle en avait pleinement conscience."
Là on est dans le délire le plus complet ! Ceux qui osent contester la parole divine sont des démons investis par le diable en personne : l'industrie du tabac. Facile, cela commence à être une grosse ficelle et il n'est surtout pas besoin de l'embryon d'une preuve, juste cracher du venin.
Aux croisés de l'anti-tabac, à ces chevaliers zèlés de blanc vêtus, vous demanderez en quoi être aidé par une industrie ou une autre a une importance. Pourquoi la Société Française de Tabacologie accepte les subsides désintéressés de l'industrie pharmaceutique pour remplir ses caisses [2, 3]. L'argent de Big Pharma aurait-il une odeur plus suave ? Les actionnaires de Big Pharma seraient-ils généreux et désintéressés ?
Il faut des financements pour conduire des recherches scientifiques et les amener au niveau d'une publication faisant référence dans le monde entier. Dans le cas présent, il est possible que le CNRS, le Collège de France, l'Université Paris VI ou l'INSERM aient reçu des aides de l'industrie du tabac ou des agriculteurs le produisant : et alors, qu'est-ce que cela change sur la réalité scientifique observée expérimentalement ? D'autant qu'ici le but n'est pas de commercialiser des souris génétiquement modifiées ! Les actions de la SFT contribuent par contre à la diffusion de produits commerciaux en vente dans toutes les bonnes pharmacies : cela est un peu plus monnayable non [4]? D'où proviennent les fonds pour ses études ? Alors ces discours de curés, voire d'évêques en toque pointue sentent un peu trop l'intérêt sectaire pour faire la leçon de moralité : que chacun balaye devant sa porte...
Références
- Alliance contre le tabac et SFT ; Les preuves scientifiques accumulées depuis 20 ans confirment l’efficacité des substituts nicotiniques dans l’aide à l’arrêt du tabac
Communiqué de presse (pdf), Paris, 28 janvier 2009 - Unairneuf.org La tabacologie sous influence de la pharmacie : un congrès tronqué
- Unairneuf.org Congrès de tabacologie et mendicité
- Par exemple, le nouveau président de la SFT, Henri-Jean Aubin, déclare avoir reçu des honoraires de GlaxoSmithKline, Pfizer, Lundbeck, Merck, Pierre Fabre Santé, Prempharm et Sanofi-Aventis au cours des trois dernières années (source : congrès SFT 11/2008). Les déclarations de lien d'intérêt sont fixées dans le Code de la Santé Publique et ceux qui s'en dispensent peuvent être poursuivis.
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