Voici le décryptage de l'émission Allô Docteurs sur France5 qui a invité Dr Anne Borgne, tabacologue hospitalière à Bondy (93) pour répondre aux questions des auditeurs concernant l'arrêt du tabac : Arrêter de fumer : choisir sa méthode [1].
Une fumeuse bénéficiaire d'un produit pharmaceutique de prescription était aussi sur le plateau pour témoigner de son acharnement thérapeutique à cesser de fumer suivant les protocoles médicalement agréés. Nous analyserons l'intérêt de sa présence sur le plateau dans un moment.
Notre spécialiste qui a reconnu percevoir à l'occasion des avantages financiers de la part de laboratoires commercialisant les aides à l'arrêt du tabac s'abstient de déclarer ses liens d'intérêt : ceci est en infraction avec le Code de la Santé Publique [2].
L'émission Allô Docteurs gagnera en intérêt le jour où la loi sera respectée et où les professionnels de santé interrogés révéleront les financements directs et indirects (via des associations écran) dont ils bénéficient : les téléspectateurs auront au moins droit à la transparence. On saura pour qui travaille tel ou tel médecin médiatique (pour les journalistes, il est d'usage de parler de 'ménages') [3].
Marina Carrère d'Encausse introduit le témoignage de la fumeuse invitée sur la plateau par cette expression : « Vous avez essayé aussi des médicaments dont on ne citera pas le nom » :
Comment faire pour présenter un produit sans le nommer ?
Comment faire pour présenter un produit que l'on ne peut pas nommer ? Très simple, docteur Watson : il suffit de faire témoigner un client du produit, à qui l'on ne peut reprocher de citer "le produit" puisque c'est pour en parler qu'il est invité ! Mais lui qui n'est pas professionnel de santé n'est pas visé par la loi sur l'information médicale : c'est légal donc.
La promotion des (prétendues) aides médicamenteuses pour l'arrêt du tabac utilise maintenant les meilleurs procédés de la mère Denis : prenez une ménagère de moins de 50 ans en cours d'arrêt, après quelques mois de traitement pour faire plus crédible, et demandez-lui de témoigner : ça fait authentique. Cette brave Madeleine - bien sympathique au demeurant - se prête au jeu évidemment sans se rendre compte de la nature de la manipulation.
Si on est allergique au patch, comment peut on faire ?
Première question d'une auditrice : « Si on est allergique au patch, comment peut-on faire ? »
Réponse de Marion Adler, médecin tabacologue filmée dans une pharmacie (!) et qui ne déclare pas non plus de lien d'intérêt :
« Si on a une allergie au patch, ce qui arrive chez certaines personnes, ce n’est pas très grave, on prend un anti-allergique pendant tout le traitement et ça calme bien les allergies aux patchs. »
Nous ajouterons perfidement : si l'anti-allergique vous irrite, on vous prescrit un calmant ou l'on vous envoie en clinique psychiatrique ? Ces médecins vont finir par rendre les fumeurs réellement malades !
Comment fait-on pour se désintoxiquer des substituts nicotiniques ?
Jolie séquence suite à cette question :
« Comment on fait pour se désintoxiquer des substituts nicotiniques ?»
Réponse du Dr Borgne (transcription non éditée) :
« C’est un vrai problème. Je disais il y a quelque temps, c’est entre 5 et 10 % de personnes qui deviennent dépendants [aux gommes à la nicotine]. Je crois que le chiffre a augmenté aujourd’hui, surtout depuis que l’on utilise les substituts pas seulement pour un arrêt mais pour essayer de remplacer certaines cigarettes en en gardant […].
« On ne va supprimer un traitement efficace [sic] parce qu’on risque de devenir accro, d’autant plus que ça devient gênant sur le plan financier, sur le plan comportemental et dans la démarche de se dire ‘je suis accro à des gommes et je ne suis plus accro à des cigarettes' mais finalement c’est pas dangereux d’être accro à la nicotine parce qu’on n’a que de la nicotine. C’est juste un peu énervant d’être accro à ce truc là et donc on peut refaire une démarche après pour arrêter. Alors il n’y a pas de technique recommandée, il n’y a pas eu d’étude… »
Marina Carrère d'Encausse l’interrompant :
« Il y a les "gommologues" pour arrêter la gomme ? »
Si vous avez une réponse, merci de l'indiquer en commentaires !
Ce qui est intéressant, c'est la reconnaissance que les gommes de nicotine entretiennent la dépendance. L'objectif des laboratoires de remplacer la nicotine des cigarettes par la consommation durable de nicotine pharmaceutique est en bonne voie. Et il n'y a pas de technique recommandée pour se défaire de la dépendance aux gommes, puisque le but commercial de ces gommes et pastilles n'est pas l'arrêt du tabagisme mais la continuation de la consommation de nicotine en réduisant le risque pour la santé. Mais chut ! Il ne faut pas le dire...
La révélation du produit sans nom
Bien sûr il y a d'autres traitements pharmacologiques, dont celui dont on ne peut citer le nom commercial sur la télévision de service public (ni ailleurs non plus, il s'agit de médicament) ! Alors on contourne la difficulté en mentionnant le Zyban°, qui est lui aussi un médicament de prescription. A ceci près : ce traitement est dorénavant génériqué et son nom en DCI (Dénommination Internationale) devrait être préféré (il s'agit de la bupropione). Moins rentable pour le fabriquant (sans compter des effets secondaires notables), la bupropione n'a représenté que moins de 3 % des traitements pour l'aide au sevrage tabagique en France en 2008. Dure, dure, et courte, la vie des traitements miracles pour l'arrêt du tabac !
Un bel écran de fumée car la solution 'efficace', c'est le produit dont nous devons taire le nom mais que vous avez peut-être identifié. Il faudra attendre que notre brave ménagère finisse par lâcher le morceau pour qu'enfin on puisse en parler. UnAirNeuf.org y consacre de nombreux articles ; un indice ? Sa marque commerciale commence comme l'appellation de ces « petits produits des campagnes » constitués généralement d'un pied surmonté d'un chapeau.
Le Dr Borgne auto-hypnotisée
La production du magazine a fait un reportage sur Gilles X., fumeur surpris de son arrêt du tabac suite à une (1) séance chez un hypnotiseur. Commentaires embarrassés de la spécialiste :
« Çà fait partie des traitements qui ont été testés dans des études. Ce n’est peut-être pas facile de traiter l’hypnose contre placebo (contre rien), parce que qu’est-ce qu’on fait contre 'autre hypnose' ? En tout cas, c’est pas dans les recommandations scientifiques. »
« Moi je… Mon principe, c’est de dire que quand il y a dépendance physique à la nicotine, il FAUT utiliser les traitements et les stratégies médicamenteuses qui sont recommandées actuellement. Si les gens veulent faire de l’hypnose en plus, pourquoi pas ? Si ça ne marche pas, il ne faut pas perdre de temps, il ne faut pas plus croire à rien, il faut… »
Marina Carrère d'Encausse lui soufflant la suite : « Consulter… »
Le seul souci de ce raisonnement, c'est que Gilles n'aura jamais besoin de médicaments, l'hypnose seule ayant suffit à son arrêt durable !
Gilles a arrêté de fumer sans aide médicamenteuse : cela n'empêche pas Dr Borgne de persister à réciter son catéchisme : tous les fumeurs dépendants DOIVENT recourir à un traitement médicamenteux.
Les autres approches viendraient en plus, en option, pour ceux qui y croient ! C'est son principe, son dogme : comment s'est-elle auto-hypnotisée pour dénier à ce point la réalité ? Les aides médicamenteuses ne sont, contrairement à ses croyances et affirmations (martelées comme si elle en doutait elle-même), pas une solution efficace pour l'arrêt du tabac.
Les gens rechutent dès qu’on arrête le traitement
Car voici la 'dernière goutte' du Dr Borgne :
« C’est vrai que les taux de réussite de tous les traitements pharmacologiques d’aide à l’arrêt du tabac pour l’instant on n’a jamais vu du 80 %.
« On est autour de 30 % et on baisse… les gens rechutent dès qu’on arrête le traitement. »
Et si l'on essayait sans traitement ? Ça ferait gagner du temps et de l'argent non ? Pouvez-vous imaginer qu'il y a mieux à faire que ces procédés inefficaces ? Le cas échéant, bienvenue sur UnAirNeuf.org !
Références
- Allô, docteurs, le 13 mars 2009
Frustrée de ne pouvoir répondre en dix minutes à près de 1 000 messages quotidiens au Magazine de la santé, France 5 en a fait un magazine à part entière : Allô, docteurs. Dans cette émission de 26', le duo du Magazine de la santé, Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymès, épaulés par des spécialistes, répondent aux questions des téléspectateurs posées par SMS ou Internet. - article L 4113-13 - Code de la Santé publique
« Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. » - La télé-santé vous ment
A lire sur le même sujet
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.