Une étude menée en Californie* a montré qu'un adolescent fumeur régulier sur cinq croyait que les palliatifs nicotiniques étaient efficaces pour cesser de fumer. Et les jeunes non fumeurs étaient 40 % à le croire.
L'efficacité de ces palliatifs en vue de l'arrêt durable, comparé au rien ou presque de l'arrêt franc étant minime au début (et négative passés neuf mois), l'intoxication publicitaire sur ces 20 % de jeunes fumeurs est déjà déplorable. Mais que cette proportion double pour ceux qui ne fument pas va à l'encontre d'une bonne politique de prévention. Cette croyance mène à un phénomène qualifié de compensation du risque :
"Vous pouvez fumer, vous dompterez le manque ensuite avec la nicotine thérapeutique"
est le message explicite de certaines publicités pour les patchs, gommes, inhaleurs, pastilles, etc. Cool !
Comme les jeunes non-fumeurs sont susceptibles de s'initier au tabagisme, le doublement de leur confiance dans les aides pharmaceutiques représente une menace pour les acteurs de la prévention du tabagisme. En outre, la croyance dans l'efficacité des palliatifs de nicotine ne vient pas de l'expérience des fumeurs proches mais de la promotion publicitaire et médiatique : la publicité pour les aides à l'arrêt du tabac contribue au développement du tabagisme.
Ainsi il n'est pas certain que l'État ne trouve pas intérêt à subventionner la distribution de produits pharmaceutiques à hauteur de 50 €/an : cela peut accroître les ventes de cigarettes et donc à terme le matelas de taxes. Un euro dépensé en publicité dans les média doit être assez vite remboursé, puisque 4 euros de taxes seront perçues à chaque vente d'un paquet de cigarette dans le futur.
Que les laboratoires pharmaceutiques fassent la promotion de leurs prétendus 'substituts' dans les lieux même de la vente de tabac, en dessous de table notamment, peut aussi être une façon insidieuse d'inciter à la consommation … de tabac. Tout le monde gagne à ce jeu, y compris les publicitaires et les tabacologues à la recherche de nouveaux clients captifs à l'arrêt.
Et - comme l'affirment les tabacocologues et la pharmacine - prétendre qu'il existe des SOLUTIONS EFFICACES pour cesser le tabagisme est un véritable pousse au crime. C'est faux évidemment : s'il existait des solutions efficaces, l'on ne constaterait pas que deux fumeurs sur trois désirent en finir avec la cigarette : il l'auraient fait ! On apprend vite combien on se ruine le portefeuille et la santé. D'autant que le tiers de fanfarons restant reconnait volontiers, si on le pousse un peu dans ses retranchements, qu'il aimerait bien aussi reprendre le contrôle de sa consommation.
Nous faisons ainsi l'hypothèse que TOUS LES FUMEURS MAJEURS sont candidats à l'arrêt : cela nous fait gagner du temps. Les motivations existent, au moins sous forme inconsciente, et ce sont celles-là qui sont opérantes et suffisantes pour engager la cessation du tabagisme.
Pour les mineurs, il suffit de constater qu'un jeune fumeur sur deux à 15 ans a déjà fait une tentative infructueuse ; mais de toute façon aucune aide médicamenteuse n'a fait la preuve de son utilité clinique avec les jeunes. L'Office de Prévention du Tabagisme (OFT) ne rapporte aucun succès après un programme test de distribution gratuite de palliatifs nicotiniques. CQFD (nous apprécions particulièrement les contre-références scientifiques de l'OFT).
Poison et antidote cohabitent en symbiose sans qu'il soit possible de déterminer qui parasite l'autre : les firmes pharmaceutiques incitent à la consommation en faisant la promotion des antidotes et d'autres traitements de confort à grosse marge et les cigarettiers récupèrent la mise pendant actuellement en moyenne 20 ans (pour les femmes) ou 16 (pour les hommes).
La difficulté est d'inciter le fumeur de passer à l'acte, car les palliatifs ne remplacent pas une bonne cigarette. Généralement le fumeur ayant repris la cigarette cesse de suivre son traitement médicamenteux : c'est une raison supplémentaire pour laquelle il est inexact de les nommer 'substituts'. Ce ne sont pas des 'substituts', seulement des dispositifs alternatifs de diffusion de nicotine. Ce ne sont pas des substituts au tabagisme non plus et il est intéressant de voir les gesticulations de l'OMS et des activites anti-tabac à la solde des industries du médicament pour écarter les cigarettes électroniques qui méritent l'appellation 'substitut au tabagisme', car leur usage conserve la gestuelle et la symbolique identitaire...
Ainsi paradoxalement la dénonciation de l'inefficacité (litote !) des palliatifs nicotiniques contribue à la responsabilisation des fumeurs et peut à terme amener une réduction de l'entrée dans la dépendance. Se mettre à fumer, c'est comme essayer une drogue dure, accrocheuse : voilà la stricte vérité. Il y aura un prix à payer ensuite, sans solution miracle.
Les fumeurs ne croyant plus vraiment à ces fumisteries commerciales, il reste aujourd'hui à convaincre ceux qui ont arrêté malgré elles (au prix d'une bonne prise de poids en général et de nombreuses tentatives) et ceux qui n'ont jamais fumé. Malheureusement nombre de tabacologues et professionnels de santé sont dans ce cas : il y faudra des évidences non pipotées et un peu de patience. Patience, patience, la toile se tisse au quotidien. La mystification est tellement énorme que ce sera dur à digérer…
* Source : Robins R, ed. The Seduction of Harm Reduction: Proceedings from the September 2004 Summit. Sacramento, CA: Department of Health Services; 2005.
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