L’UFC Que Choisir a décidé de porter plainte contre 9 médecins leaders d’opinion pour manquement à la loi sur la transparence de l’information médicale. Si elle était respectée, cette loi [1] permettrait de mettre en évidence les liens d’intérêts considérables des leaders d’opinion avec les firmes pharmaceutiques, quand ils s’expriment dans les medias grand public ou lors des sessions de formation ou d'éducation thérapeutique. La Santé, vos maladies, sont devenues un juteux business, y compris pour les professionnels de santé les plus réputés.
Les tabacologues échappent provisoirement à la plainte de l’UFC Que Choisir
Dans le domaine du tabagisme, unairneuf.org a rapporté les interventions dans le media des Dr Dautzenberg, Borgne, Nadjari : aucun n'a à notre connaissance pris soin d'indiquer au public qu'il a un ou des liens d'intérêt avec les firmes commercialisant des produits pharmaceutiques prétendus aider au sevrage tabagique. Si c'est leur intérêt de promouvoir commercialement ces produits, ce n'est pas forcément le vôtre de les croire.
Malgré les recommandations officielles élaborées par ces experts et d'autres (officiellement bénévolement !), malgré leurs interventions répétées de communication auprès des medias et des professionnels, il est de notoriété publique que ces traitements pharmacologiques d'aide au sevrage ne sont pas efficaces. Les fumeurs qui les essayent seuls savent ce qu'il en est : une fois leur suffit pour démasquer la supercherie.
Dans toute la mesure du possible, il est préférable d'aider à l'affranchissement de la dépendance au tabagisme sans adjuvant médicamenteux : dans la vraie vie et non dans des études profilées ad hoc, la probabilité de succès durable est statistiquement majorée, contrairement aux insinuations des professionnels de santé sous influence.
Si aucun leader d'opinion de l'arrêt du tabac n'est dans un premier temps concerné par l'initiative de Que Choisir [2], cela est imputable au processus de sélection des leaders d'opinion fautifs, identifiés durant le mois d'avril 2008 : ce mois là, il n'a pas été relevé d'activité de communication des tabacologues dans les trente medias surveillés par les bénévoles de l'association Formindep [3].
Un corruption généralisée du corps médical
De nombreux médecins tabacologues pourraient être ultérieurement visés par une plainte à titre disciplinaire : vous pouvez légitimement imaginer que les Dr Dautzenberg, Borgne, Nadjari et d'une façon générale les professionnels de santé recommandant lourdement et en public l'usage d'aides médicamenteuses en substitution au tabagisme (nicotine, bupropion, varénicline) ont un intérêt à le faire qui a plus à voir avec leurs liens avec l'industrie pharmaceutique qu'avec l'intérêt des fumeurs en mal de solution pour cesser le tabagisme.
Comme avec 85 % des médecins repérés dans l'investigation du Formindep, il est possible de relever pour ces personnes des liens non spontanément déclarés. Ces liens ne sont pas uniquement financiers : la corruption est beaucoup plus généralisée et peut prendre la forme d'avantages en termes de reconnaissance ou d'avancement professionnel, ou aussi de faveurs envers la famille, les collaborateurs ou les amis.
Comme l'analyse le dossier de UFC Que Choisir [4], ne sont invités à s'exprimer dans les medias que les professionnels ayant fait allégeance à Big Pharma. Cela est vrai tant pour les chaines privées aux liens nombreux et solides avec l'industrie que pour le service public de l'audiovisuel (France Télévisions comme Radio France) [5].
La fabrique d'un porte-parole
Pour devenir leader d'opinion, il faut avoir fait la preuve de sa compétence ; cette compétence est établie par la publication d'ouvrages ou d'études. Pour financer ces études le financement de généreux industriels est le plus souvent nécessaire. La carrière d'un chercheur, son autorité sur ses pairs et ensuite sur les politiques et le grand public sont le plus souvent façonnées par les intérêts de l'industrie. Malheur au chercheur honnête qui refuserait la compromission : sa carrière peut être brisée. Big Pharma a le bras long.
L'industrie contrôle aussi de façon indirecte (par les budgets publicitaires) :
- les revues scientifiques,
- les magazines professionnels,
- les sites de santé sur internet, pas tous encore ;-),
- les salons et les séminaires, y compris ceux de l'Union Européenne ou les colloques de l'Organisation Mondiale de la Santé [6].
La fabrique d'une mystification
C'est ce qui a rendu possible la mystification des so-called 'substituts nicotiniques' : les millions affluent pour promouvoir et justifier ces produits inefficaces qui seraient abandonnés depuis longtemps sinon.
Ne sont publiées que les études aux résultats favorables, les autres sont soigneusement déposées aux archives. Ce qui permet aux scientifiques peu honnêtes de se retrancher derrière des études ayant les apparences de la rigueur, comme le Canada Dry pour l'apéritif alcoolisé : cela en a toutes les apparences, sauf que c'est bidonné.
On ne peut plus aujourd'hui faire confiance aux données biaisées de cette 'patascience'. Les tabacologues sont - à quelques exceptions notables près - devenus des VRP de l'industrie pharmaceutique, des tabacocologues. Le fait qu'ils obtiennent des résultats cliniques particulièrement médiocres et que les fumeurs en fassent (doublement) les frais n'émeut personne, pas même dans les couloirs des ministères ou de l'Assurance Maladie.
Car les ressources allouées à la promotion de la pharmacine - dont le subventionnement des traitements - pourraient bénéficier autrement aux fumeurs qui sont preneurs de solutions alternatives. Il est temps de faire cesser cet écran de fumée, tout à fait similaire aux manipulations effectuées par l'industrie du tabac pour désinformer.
Références
- l’article L 4113-13 du Code de la Santé publique
- Communiqué Que Choisir 27/04/09
Conflits d'intérêts entre experts et industrie pharmaceutique - En finir avec la désinformation des médecins - L'association pour une Formation Médicale Indépendante Formindep a mené l'enquête permettant de justifier la procédure de l'UFC-Que Choisir.
- Erwan Seznec, Que Choisir N° 470, mai 2009, p. 39-43
- Cf. le limogeage de Dr Martin Winckler suite à des propos jugés offensants pour le lobby pharmaceutique
- Cf. unairneuf.org : Les médecins sont aussi dépendants de l'industrie pharmaceutique que le fumeur de sa cigarette
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