Nous avons constaté que les personnes incapables d'imaginer puis de formuler un changement positif concret ont peu de chance de réussir. La santé ou l'économie sont des raisons pour en finir avec la cigarette mais pas des motivations durables à l'abstinence.
Deux formes du bonheur
Dan Gilbert [1] nous explique les codes du bonheur, en opposant bonheur naturel et bonheur imaginé.
« L'homme anticipe l'avenir. Mais il anticipe de façon erronée, de façon trop optimiste l'impact hédonique [=heureux] des évènements futurs.
« Conclure une romance, être reçu à un examen, etc. tout cela devrait contribuer à notre bonheur. Mais les études montrent qu'un an après, un gagnant au loto n'est pas plus heureux que celui qui est devenu paraplégique. L'effet a beaucoup moins d'intensité et de durée que ce que les gens attendent. Pourquoi ? Parce que le bonheur peut être synthétisé, nous n'avons pas besoin de le trouver dans notre environnement.
« Le bonheur synthétisé semble de moins bonne qualité que le bonheur naturel :
- le bonheur naturel est ce que nous obtenons quand nous obtenons ce que nous voulions,
- le bonheur synthétisé est ce que nous faisons quand nous n'obtenons pas ce que nous voulions.
« La possibilité de choisir est l'ennemie du bonheur synthétisé.
Quand on n'a pas le choix, une sorte de système immunitaire psychologique nous fait trouver la situation agréable. On peut aider les gens à accepter une situation sur laquelle ils ne peuvent agir. C'est la même chose avec le mariage et le lutinage sexuel.
On trouve un moyen d'être (plus) heureux avec ce qui arrive. »
Voilà des réflexions intéressantes pour celui ou celle qui envisage de cesser le tabagisme. Il est vrai que c'est bon et pour la santé et pour le moral (sans compter le portefeuille), il est cependant judicieux de ne pas construire une cathédrale de bien-être une fois que l'on sera sevré. La déception vécue ouvre la porte de la rechute. Pourquoi continuer à s'abstenir de fumer si l'on ne ressent pas tous ces bienfaits annoncés ?
Le sésame de votre arrêt du tabac
C'est la raison pour laquelle nous insistons pour que l'expression des motivations à l'arrêt se fasse sur des sensations observables ou mesurables, physiques (souffle, voix) ou émotionnelles (par ex. fierté, liberté).
En se passant de fumer,
que va t-on TRÈS VITE pouvoir ressentir ?
L'exposé de Dan Gilbert (en anglais...) met aussi en évidence la force de la contrainte, quand on accepte une situation sur laquelle on ne peut agir. Dans le cas de la cessation du tabagisme, cela entraine souvent des compensations dramatiques, la dépression et la prise de poids en étant les symptômes les plus courants.
C'est pourquoi il est important de ne pas compter sur la contrainte ni la volonté. La volonté n'est pas une ressource, comme cela est précisé par ailleurs et aussi par le Pr Molimard [2].
La contrainte peut entraîner une obsession de la cigarette, qui est génératrice d'inutile souffrance, une souffrance qui s'auto-amplifie : la rechute met un terme à ce qui est devenu insupportable, alors qu'au début se passer de fumer - quelques heures ou quelques jours - ne posait pas de problème.
Alors tentez avant toute chose de répondre honnêtement et concrètement à la question :
« En me passant de fumer, que vais-je TRÈS VITE
ressentir dans mon corps ou dans mon coeur ? »
Faites de votre réponse le sésame de votre arrêt serein et durable.
Références
- Dan Gilbert, Why are we happy ?, video de TED visible sur le blog de Vanina Delobelle
- Robert Molimard (mai 1999), Arrêter de fumer