Pharmacie Angers* a publié le 2 novembre dernier un plaidoyer pour allouer aux pharmaciens le monopole de la vente du tabac. Son auteur est Jean-Pierre MARGUARITTE, fondateur et animateur de l'association SOS Tabac. Nous avons d'abord pris cela pour un canular : non, l'argumentation est solide, lisez plutôt.
À votre santé !
Vente du tabac :
une drogue licite bientôt en pharmacie ?
Le tabac a été reconnu par la Mission Interministérielle contre les Drogues et la Toxicomanie (MILDT) comme une drogue au même titre que les médicaments psychotropes.
Le tabac est donc considéré comme une drogue dangereuse dont la vente doit être contrôlée comme le sont les médicaments. Or le système de santé s’assure de ce contrôle par le biais des pharmacies d’officine.
Une expérience tentée au Québec aurait pu se développer si la vente du tabac ne s’était pas limitée à un seul acte commercial. Dans un contexte économiquement difficile du fait des mesures passées et à venir visant la maîtrise des dépenses de santé, cette expérience a permis aux officines de réaliser un chiffre d’affaires supplémentaire de l’ordre de 25 %.
Le contexte politique
Le Gouvernement annonce un trou de 30 milliards d’euros pour la branche maladie de la Sécurité Sociale en 2010 alors que le tabagisme engendre à lui seul une dépense estimée de dix milliards d’euros.
Le tabagisme touche 20 millions de fumeurs soit plus d’un tiers de la population française. Il est la cause majeure de 66 000 décès évitables. Madame la Ministre de la santé Roselyne BACHELOT-NARQUIN entend bien tout mettre en oeuvre pour endiguer ce fléau. La dernière mesure annoncée étant une augmentation significative du prix du tabac.
Outre cet aspect sanitaire et économique propre à la France, l’Union Européenne invite tous les Etats membres à améliorer les mesures visant à protéger les enfants et à encourager l’arrêt du tabac avec pour objectif la fin du tabac en Europe d’ici 2012.
Le rôle des professionnels de santé et des pharmaciens en particulier
Les professionnels de santé sont les mieux placés pour se mobiliser et les pharmaciens pourraient avoir un rôle majeur pour aider à combattre ce fléau. Leur implication supposerait l’instauration d’un contrôle des ventes des produits du tabac qui ne pourrait se faire que si les pharmacies détiennent le monopole de leur vente et qu’une coordination soit établie avec les médecins « tabacologues ». Ce monopole ne pourrait être remis en cause. Le tabac est une drogue qui nécessite la mise en place d’un contrôle de son utilisation.
De même, l’incompatibilité de la vente du tabac avec la profession de pharmacien ne pourrait pas non plus être soulevée, puisqu’il ne s’agit pas de la vente d’un produit du commerce. Le pharmacien qui vend les produits et substituts nicotiniques qui aident au sevrage tabagique est, de par sa compétence et son rôle de conseil, la personne la mieux placée pour conseiller un fumeur qui viendrait acheter des cigarettes dans son officine et contrôler de façon rigoureuse sa vente.
Et il faut bien admettre que l’interdiction de la vente aux mineurs n’étant actuellement pas respectée par les débitants de tabac, il apparaît difficile de leur confier un rôle qui appartient aux seuls pharmaciens.
Le statut de pharmacien l’emporte ainsi sur celui de commerçant et il ne peut lui être reproché de contrôler la vente d’une drogue. Le rôle du pharmacien ne consiste pas simplement à vendre des médicaments, il est aussi habilité à contrôler la vente des drogues telles que la morphine et autres médicaments psychotropes.
Pour lui donner les moyens de contrôler cette vente, il suffit de lui demander de faire son métier comme il le fait pour la vente des médicaments. Le terme « droguery » ne définit il pas les pharmacies dans les pays anglo-saxons ?
Le système de contrôle
Les experts en santé publique s’accordent pour estimer que la dangerosité du tabagisme n’est pas uniquement liée à la consommation du tabac mais aux facteurs de risques sanitaires associés (hypertension, diabète, cholestérolémie…) et aux pathologies existantes : cardio-vasculaire, pulmonaire…
Le corps médical étant habilité à diagnostiquer la présence ou non de facteurs de risque qui pourrait être appréciée par l’existence d’un syndrome métabolique, il appartiendrait à chaque fumeur désireux de se procurer du tabac de demander à son médecin référant un certificat d’absence de facteurs de risque.
Dès lors, le pharmacien devra recueillir ce certificat médical pour pouvoir paramétrer un « pass » donnant accès à l’achat d’un produit du tabac, étant entendu que sa mission tant par son rôle de conseil que par la communication faite autour du point de vente sur les produits anti-tabac, viendrait en appui des messages sanitaires divulgués par le ministère de la santé.
Le médecin apprécierait ainsi la nécessité de cesser de fumer et proposerait à son patient une aide au sevrage en fixant une date au delà de laquelle l’achat du tabac ne lui serait plus accessible.
Un programme d’aide au sevrage sous contrôle médical établi en trois phases serait proposé :
- une phase préparatoire,
- une phase de sevrage,
- une phase de consolidation,
avec visite de contrôle à 6 et 12 mois puis d’année en année avec tests urinaires et pulmonaires à l’appui.
En cas de refus du fumeur porteur de facteurs de risque, un malus pourrait être perçu sur le remboursement de ses dépenses d’assurance maladie, ses cotisations d’assurance maladie et/ou de complémentaire santé. Cette taxation pourrait être calculée de façon proportionnelle aux revenus établis par paliers.
Un fumeur ne présentant pas de facteurs de risques associés, serait toutefois tenu d’obtenir de son médecin tabacologue un certificat d’absence de facteurs de risques à présenter au pharmacien, l’occasion pour lui de faire un check-up annuel à visée préventive.
Ce système respecterait la liberté individuelle mais pénaliserait ceux qui, malgré l’avis du médecin, refuseraient toute aide et continueraient à fumer, faisant ainsi supporter à la société les dix milliards d’euros de dépenses générés par les pathologies liées de façon directe et indirecte à la consommation du tabac.
Le contrôle des flux en officine
Compte tenu du nombre estimatif de fumeurs (20 millions) et de la différence existante entre le nombre d’officines (36 000) et celui des débits de tabac (350 000), les flux de personnes dans les officines risqueraient de créer un encombrement au détriment de l’activité première de l’officine.
La fluidité du trafic serait alors assurée par l’installation d’un distributeur automatique de cigarettes à l’entrée de l’officine. Cet appareil serait équipé pour recevoir le paiement par carte bancaire dont l’utilisation serait validée par la remise d’une carte « pass » personnalisée (carte vitale par exemple) dont les informations seraient croisées avec la carte bancaire pour éviter toute fraude, et qui serait validée une fois l’an par le pharmacien sous contrôle de la présentation du certificat médical.
Ce système de vente présenterait également l’avantage de pouvoir réguler le volume de cigarettes à la vente, notamment, dans la phase préparatoire à l’arrêt.
L’application de la législation interdit la vente du tabac par les buralistes
Pour que ce mode de distribution des produits du tabac puisse être efficace, la vente du tabac par les buralistes devra être supprimée. Si l’on respecte les législations, européenne et française, ceci devrait déjà être effectif. En effet, lorsqu’il s’agit de commerce, la législation européenne interdit tout monopole d’Etat or la vente du tabac par les buralistes est un monopole. La vente du tabac par un débitant de tabac est assimilable à un commerce, ce qui n ‘est plus le cas lorsqu’il est vendu par un pharmacien.
La loi dite « Evin » interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur des produits du tabac or la publicité pour les jeux de la Française des Jeux et les paris hippiques du PMU, incitent les joueurs à pénétrer dans un lieu où sont vendus les produits du tabac. L’incitation à pénétrer dans un débit de tabac a été reconnue comme une infraction à la loi dite « EVIN » par un procureur de la République en 1999.
Le problème des buralistes
Les 350 000 débitants de tabac se répartissent la marge réalisée sur le vente du tabac qui était en 2008 d’environ 1,5 milliard d’euros. Cette marge pourrait être redistribuée par tiers aux pharmacies, aux débits de tabac et à l’Etat. Les buralistes, qui proposent les jeux et les paris hippiques, devraient bénéficier d’une augmentation de leur marge en compensation de la perte réalisée par la vente en ligne.
La stratégie
Déposer un projet de loi risquerait d’attirer la foudre de la puissante confédération des débitants de tabac avec les conséquences politiques que cela pourrait engendrer. Par contre, une action en justice initiée par une association « anti-tabac » indépendante (avec le soutien des organismes payeurs par exemple), rendrait obligatoire l’application des législations européennes et française en vigueur obligeant ainsi les débitants de tabac à se séparer le vente des produits du tabac pour permettre à la Française des Jeux et au PMU de poursuivre leur actions publicitaires.
Dès lors le ministère serait amener à prendre des dispositions visant à compenser partiellement leur perte de chiffre d’affaires grâce aux nouvelles recettes générées par l’augmentation du prix des produits du tabac et la récupération de la marge bénéficiaire, dont partie serait redistribuée aux pharmacies d’officine.
Une compensation a semble t’il été envisagée par le gouvernement pour compenser la perte de chiffre d’affaires occasionnée par la vente des jeux en ligne. L’analyse chiffrée de l’opération reste à affiner.
Conclusion
Le gouvernement ne peut laisser les buralistes continuer à vendre une drogue sans aucun contrôle alors que la protection contre le tabagisme est une priorité en matière de santé publique.
L’Union Européenne, le ministère de la santé et les organismes payeurs, la communauté médicale en général et l’association SOS Tabac en particulier, ne pourront que se réjouir de la prise de telles dispositions visant une protection pleine et entière contre la fumée du tabac et une diminution des maladies et de la morbidité liées au tabagisme.
Outre les intérêts représentés sur le plan sanitaire et économique par ce nouveau mode de distribution, l’hypocrisie que l’opinion publique attribue à l’Etat du fait du système de vente actuel, serait ainsi levée.
Jean-Pierre MARGUARITTE - SOS Tabac
* Références
- Pharmacie Angers, 02/11/2009
Vente du tabac : une drogue licite bientôt en pharmacie ?
- et de Jean-Pierre Marguaritte, ce commentaire du 6 mai 2007, peu de temps avant les élections présidentielles :
Ensemble, tout devient possible !
Alors adoptons une solution coherente car pour travailler et gagner plus,il faut rester en bonne sante…
et puisque le travail c’est la sante, la bourse et la vie sont compatibles.
Le tabac en vente exclusive sur internet et sur commande téléphonique avec centres de dépôts dans les hypers a l’instar des VPCistes, c’est possible ?
- Lire aussi dans la même veine :
Sex toys en pharmacie…. (les sex toys seraient bon pour la santé…)
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