La prohibition du tabac diminue les infarctus
(Le Figaro, 15/10/2007) est devenu dans Le Figaro du 14 janvier 2010 :
La loi antitabac ne fait pas chuter le nombre d'infarctus...
Extrapolant à partir d'une donnée une tendance à long terme, l'Office de Prévention du Tabagisme (OFT) avait affirmé début 2008 que le ban du tabagisme dans les lieux de lien social avait fait baisser brutalement les hospitalisations pour accidents cardiovasculaires de l'ordre de 15 % [1] :
Évaluation des bénéfices de l’interdiction de fumer suite au décret du 15 novembre 2006
Unairneuf.org rapportait son étonnement quelques semaines plus tard : L'Office Français de prévention du Tabagisme OFT couvre la France de ridicule dans une conférence internationale [2] puis enfonçait le clou quand le Pr Dautzenberg persistait dans ce qui apparaît aujourd'hui comme de la propagande, de la science par communiqué de presse, bref de la « Patascience », comme UBU et sa pataphysique :
Patascience et désinformation médicale :
pas de baisse des incidents cardiaques en Angleterre suite au ban du tabagisme.
Jusqu'à tout récemment, et depuis des années, la rumeur a couru que l'interdiction du tabagisme en public réduisait les risques d'accident cardiaque : il s'agissait de montrer que le tabagisme passif était dangereux pour les non-fumeurs, afin de justifier la prohibition.
Las, toutes les pseudo-études se sont avérées biaisées, pour ne pas dire pipeautées à fin de propagande anti-fumeurs. Les bénéfices allégués du ban sur les incidents cardiovasculaires relèvent de la patascience avec différents artifices [3].
Ainsi il aurait été justifié de conforter la décision des autorités suisses avec cette courbe des maladies cardiaques dans le canton de Bâle-Ville : une baisse de 15 % entre 2006 et 2007.
Il y a un hic : le ban du tabagisme en public ne serait effectif qu'en avril 2010.
Pour le grand public et les journalistes pressés, plus c'est gros, plus ça passe.
Récemment, il a été montré sur des données statistiques et avec une méthodologie solides qu'il n'y a pas eu de baisse des accidents cardiaques en Toscane dans la première année suivant le ban [4].
Et en France enfin, des travaux préliminaires présentés aux XXes Journées de la Société Française de Cardiologie à Paris la semaine dernière [5] tendent à reconnaître qu'il en est de même :
« Depuis 2003, les hospitalisations pour infarctus ont diminué régulièrement en France, mais il n'y a pas eu de cassure nette en 2007 et 2008 (dates d'application des derniers décrets) » affirme le Pr Daniel Thomas (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) en présentant les données.
« Certes, ces résultats sont décevants, mais ils ne doivent pas discréditer l'application de la loi. Les effets du tabagisme passif sur les vaisseaux ont été largement démontrés.
« La méthodologie de l'étude Évincor doit être affinée, et d'autres données (régionales par exemple) sont nécessaires, » admet le Pr Thomas, mais, selon lui, ces conclusions ne devraient pas remettre en cause les bienfaits de l'interdiction de fumer dans les lieux publics.
Car la médecine serait infaillible ? Cette anecdote permet d'en douter.
Le fait qu'il ait pu être montré expérimentalement que le tabagisme passif peut avoir un effet sur les vaisseaux sanguins n'implique en aucun cas que cet effet augmente les risques immédiats pour les non-fumeurs. Les chiffres le montrent ! Il est illégitime autant qu'hasardeux d'extrapoler un facteur isolé à un risque global : c'est pourtant courant. Ainsi il est prétendu que soulager les envies de fumer avec de la nicotine augmente les chances de sevrage : il reste à le montrer dans la vraie vie...
Pourquoi ne pas reconnaitre que l'on diffuse des informations sans fondement ? Parce que politiquement cela vient à point nommé - en février 2008 les buralistes et autres lieux festifs faisaient la grimace - et qu'il est impossible de reconnaître l'intention de manipulation de l'opinion ?
Si cette manipulation était involontaire et isolée, on pourrait la pardonner : l'erreur est humaine et nous n'y échappons pas. Mais l'histoire de la lutte contre le tabagisme montre à l'envi que la désinformation est massive, continue, délibérée, organisée. Ainsi ont été inventées de toutes pièces des allégations que le ban accroissait l'état de santé de la population fragile au plan cardiovasculaire. Mensonge international (et encore relayé en Suisse il y a quelques jours [5]).
Les fumeurs francophones sont toujours aussi nombreux, et à se geler dehors maintenant : cela ne doit pas être tip-top pour leur état de santé. Et la pression des haltayollahs vise maintenant à en faire des délinquants : ce n'est pas comme cela qu'on aidera les fumeurs dépendants.
Références
- OFT - Communiqué de presse 23/02/2008
Évaluation des bénéfices de l’interdiction de fumer suite au décret du 15 novembre 2006 (pdf)
- Intervention dont la sermonnade finale était (pdf) :
"The fast improvement of health need to be confirmed by others studies but they are an encouragement in applying that decree to all the sectors;
a major lesson for the countries that hold an authorization for smoking in hospitality sector;
a confirmation of the early profit of not being exposed to second-hand smoking."
- La critique exhaustive de ces publications bidonnées se trouve sur le site de Michael Siegel (en anglais) : "The Rest of the Story".
- Published Study Finds No Effect of Smoking Ban on Heart Attacks in Tuscany, Italy in First Year After Ban
(European Journal of Epidemiology, volume 24, number 10 / octobre 2009)
- Pr Daniel Thomas, Tabagisme passif et syndromes coronaires aigus : effet de l’interdiction de fumer dans la population française ; XXes Journées de la Société Française de Cardiologie, C28, 14/01/2010 (cf. Note ci-après)
- Trachsel & al. ; Reduced incidence of acute myocardial infarction in the first year after implementation of a public smoking ban in Graubünden (pdf) ;
Swiss Medical Weekly – Early Online Publication, 7. January 2010
Note
« Le Comité d’Organisation des XXes Journées de la Société Française de Cardiologie, sensible à l’aide et au support financier que les firmes ont apporté, remercie tout particulièrement les 70 firmes pharmaceutiques et de matériel [par ordre alphabétique] :
ABBOTT, ACTELION PHARMACEUTICALS FRANCE, ALOKA, ANTADIR, ASEPT IN MED - FUKUDA, ASTRAZENECA, AXILOG, AXIS SANTE, BAYER SANTE SAS, BIOTRONIK, BOEHRINGER INGELHEIM FRANCE, BOSTON SCIENTIFIC, BOUCHARA-RECORDATI SAS, BRACCO IMAGING, BRISTOL MYERS SQUIBB, CARDIONICS, CLUB NAUTILUS, COMPLIOR, CONTENT’ED NET SAS, DAIICHI SANKYO FRANCE, DICTAPLUS, EDWARDS, ESAOTE - KONTRON MEDICAL, FLAMMARION - LAVOISIER, GE HEALTHCARE, GENOPHARM, GENZYME, GLAXOSMITHKLINE, IPSEN PHARMA, IRSN, LABORATOIRE EUROBIO, LABORATOIRES NEGMA, LABORATOIRES SERVIER, LABORATOIRES TAKEDA, LILLY FRANCE, LOGICIEL CEGEDIM, MEDA PHARMA, MEDICASOFT, MEDISON, MEDTRONIC FRANCE, MENARINI, MORTARA, MSD-CHIBRET / SCHERING PLOUGH, NOVACOR SA, NOVALAB FRANCE, NOVARTIS PHARMA, NYCOMED, OMRON HEALTHCARE EUROPE BV, PFIZER, PHARMA NORD, PHILIPS MEDICAL SYSTEMS, PIERRE FABRE, PLANETE CARDIO, PROCTER & GAMBLE, PROTHIA, RESMED, RESPIRONICS INTERNATIONAL, ROCHE DIAGNOSTIC, SAINT JUDE MEDICAL FRANCE, SANOFI AVENTIS, SAVE 33 – 2MDI, SCHILLER MEDICAL, SIEMENS SAS - MEDICAL SOLUTIONS, SONOSCAPE CO. LTD, SORIN GROUP FRANCE, THE HEART.ORG, THE MEDICINES COMPANY, TOSHIBA, UNILEVER, VISUALSONICS. »
Avec un tel fan club, nous ne pouvons douter un instant que les intervenants à ces journées soient indépendants des laboratoires et industriels et s'expriment seulement en fonction des données objectives de la science ;-)