Son article L'illusion keynésienne dans La Tribune lui donnait l'occasion de pourfendre les initiatives gouvernementales pour surmonter la crise [1].
Quel lien avec les remèdes au tabagisme nous direz-vous ? Il y en a deux :
- la revendication de liberté et,
- le bon sens économique.
Revendication de la liberté de cesser de fumer (ou de fumer)
Voici un extrait l'ouvrage Tabac et Liberté (Varla, 1997, épuisé) où Lemieux critique la vision d'un monde morne, sans saveur, sans fumée, sans odeur et aseptisé tel que voulu par les talibantitabacs [2] :
" [...] L'autre monde se situe aux antipodes : c'en est un de diversité, de couleurs, de liberté, de responsabilité, où chaque individu vit sa vie comme il l'entend, en assumant le risque de ses plaisirs et l'angoisse de sa mort. À la place de dispositifs qui administrent de la nicotine, de la caféine ou de l'éthanol à des ressources humaines remplissant leurs fonctions sociales, on y voit des gens qui fument, qui sirotent du café noir et qui boivent du vin de Bordeaux.
" Un dénominateur commun unit ces deux mondes : le taux de mortalité y est également de 100%. Mais les individus qui meurent ne sont pas les mêmes : dans le premier cas, ce sont des esclaves ; dans le second, des hommes libres. "
Il y a dans la pensée de Lemieux beaucoup d'idées inspirantes : une des difficultés de l'arrêt du tabac est en effet causée par l'obligation sociale qui en est faite. Combien de temps faudra t'il répéter :
'On ne combat pas un désir avec une interdiction'.
Pour aider les fumeurs dépendants à réaliser ce qu'ils désirent - cesser le tabagisme - il faut au préalable leur redonner la liberté de le faire à leur convenance, quand ils y sont prêts. Cela demande du temps : des mois, des années et avant d'être prêt ; les pressions sont aussi intolérantes et intolérables qu'improductives.
Les incompétences de l'Administration d'État
Dans son article concernant l'économie, Lemieux conteste la pertinence des plans de relance, ce qui l'amène à cette autre série d'observations :
" L’État ne possède pas et ne peut obtenir les informations nécessaires pour planifier efficacement l’économie. "Le troisième défaut, rédhibitoire, des solutions keynésiennes est qu’elles ignorent l’institution même qui est censée les mettre en œuvre."
"L’État est habité par des politiciens et des bureaucrates, qui sont des hommes ordinaires, et non par des Séraphins et des Chérubins. Les politiques publiques sont le produit de l’intérêt des politiciens et des bureaucrates de l’État. Les premiers adopteront devant la crise les mesures qui favorisent leur maintien au pouvoir ; les seconds chercheront à préserver leur statut et l’empire de leurs bureaux. "
"Le pouvoir de l’État finit toujours par servir des intérêts particuliers plutôt qu’un indéfinissable intérêt général. "
Conséquences sur la politique de régulation du tabagisme
Les conséquences sont double :
- les lois anti-tabac profitent aux hommes politiques,
- elle satisfait des intérêts particuliers.
Les lois anti-tabac profitent aux hommes politiques, et il convient de reconnaître le talent de Xavier Bertrand pour faire appliquer la loi Évin et en tirer politiquement avantage. Le décret Bertrand prévoyait aussi le subventionnement des aides pharmaceutiques et la constitution d'un réseau de 1000 centres médicaux d'aide à l'arrêt.
La décision d'encourager la formation de tabacologues et de constituer un maillage de centres de tabacologie semble être cohérente avec la politique de prévention. Il reste un problème : il n'y a pas de pilote dans l'avion, pas de structure responsable pour gérer ce réseau, qui résulte d'initiatives locales répondant à des intérêts particuliers. Ces centres ne sont pas évalués, ou s'ils le sont, c'est sans sanction.
Le subventionnement de l'industrie pharmaceutique se fait sur le dos de la Sécurité Sociale et contre l'avis de la Haute Autorité de Santé, qui préconise le subventionnement des services d'aide à l'arrêt, c'est-à-dire des tentatives plutôt que des seuls produits médicamenteux. La HAS justifiait sa recommandation par le fait que les aides pharmacologiques - palliatifs de nicotine ou substitut comme la varénicline - n'ont d'efficacité prouvée qu'avec un accompagnement par des personnes compétentes. Statistiquement, consommer des médicaments n'améliore pas les chances de réussite comparé à l'arrêt franc, comme UnAirNeuf.org l'a montré.
Il y aura eu environ 500 000 traitements pharmaceutiques subventionnés en 2008 : à 50 € le cadeau annuel, 25 millions d'euros sont gaspillés en pure perte chaque année, juste histoire de faire passer la pilule aux fumeurs et de continuer à profiter des bonnes grâces du lobby pharmaceutique. Souhaitons que ce dispositif cesse au plus vite, c'est de la pure gabegie. Tout se passe comme si l'État s'autorisait à piocher impunément dans la caisse de la Sécurité sociale, qui est quand même abondée par nos contributions sociales...
Comme le dit Pierre Lemieux, l’État ne possède pas et ne peut obtenir les informations nécessaires pour gérer un tel programme. Ce sont plutôt des intérêts particuliers qui le font à sa place, les intérêts
- des dirigeants politiques
- de praticiens hospitaliers,
- des communicateurs de l'OFT et leurs prestataires media,
- d'associations de médecins costumées en sociétés savantes ou
- de professionnels de santé préférant ne pas avoir à traiter des urgences, etc.
Un arrêt du tabac, cela ne relève pas de notre bon Dr Pelloux ! Cela se planifie avec un confortable délai, on n'est pas à une semaine près... Cool, sans risque et compatible avec des horaires raisonnables.
Le pire, c'est que ces centres ne font pas le plein et que l'objectif de 1000 centres ne sera jamais atteint : les fumeurs ne veulent pas les fréquenter ! [3] Leurs résultats sont médiocres : les meilleurs atteignent 25 % de réussite à un an, pas mieux que ce qu'obtiennent nombre de prestataires privés, qui eux acceptent la sanction du marché. Il serait économiquement justifié d'utiliser certaines ressources publiques à d'autres fins qu'à ces cache-misère.
Si l'État et son administration de la Santé font la preuve de leur incapacité à rendre le service attendu par les fumeurs, un peu moins de monopole d'État accroitra leurs chances d'arrêter le tabagisme. Quand les lois du marché peuvent s'appliquer, il semble que ce soit le moins mauvais système. Plutôt que de les dénigrer sous couvert d'alibis scientifiques, les autorités de santé gagneraient à faire une place honorable aux initiatives privées ayant réussi à gagner la confiance des fumeurs souhaitant bénéficier d'une aide (cf. notre page Prestataires recommandables).
Retrouvons un peu de bon sens économique :
c'est notre voeu pour 2010.
Références
- Pierre Lemieux, L'illusion keynésienne, publié dans La Tribune, 13/01/09
- Luc Dussart, Fascisme rampant
- OFDT, Tableau de bord novembre 2008
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