Samedi 20 novembre 2010 après-midi se tiendront à l’Hôpital Paul Brousse de Villejuif (94) les 5e Rencontres du Formindep sur le thème du surdiagnostic [1].
Comment les conflits d’intérêts mènent-ils à traiter inutilement des surdiagnostics, à savoir des « cancers » qui n’auraient pas eu de conséquence sur la vie des patients s’ils n’avaient pas été découverts ?
Les preuves épidémiologiques sont là : dépister plus pour soigner plus ? Le succès des traitements ne serait-il qu’illusion ?
Le conflit d’intérêts est caricatural : l’épidémie apparente de cancer profite directement à l’industrie de la santé.
Tabac = maladie ?
De façon similaire, l'industrie pharmaceutique a réussi à imposer un quasi monopole des traitements pharmacologiques - sous contrôle de médecins donc - pour l'aide à l'arrêt du tabagisme. Plus c'est gros, plus ça marche ! Ainsi le professeur Dautzenberg déclarait à l'AFP récemment [2] suite à la publication du baromètre Santé 2010 :
"Le tabac c'est une maladie et comme toutes les maladies, elle touche plus les pauvres que les riches.
"C'est une injustice qu'il faut corriger en instaurant en particulier la gratuité de l'arrêt du tabac pour les personnes défavorisées".
Le tabac = une maladie ? Alors il a un homonyme qui est une plante, avec des belles fleurs. Quand on est professeur on s'oblige à utiliser correctement le vocabulaire. Pourquoi pas un "péché" tant qu'on y est ?
Fumer n’est-il pas un comportement à risque, quoi qu'on fume : de la sauge comme du fumier de cheval (comme on l'a fait en France à la Libération) ? Diaboliser "le tabac" est insupportable. Ce qu'il convient de prévenir, c'est le risque qu'il y a à terme à fumer du tabac : un comportement social. Et ce comportement peut se perpétuer des décennies sans aucun symptôme de 'maladie'.
Il existe aussi des modes de consommation du tabac quasiment sans risque, ainsi le Snus suédois. Pourquoi sa vente est-elle interdite en France et ailleurs monsieur Dautzenberg ? Parce que cela fait du tort à vos partenaires industriels ? Nous voila revenu aux questions gênantes que pose le Formindep.
Malades, les fumeurs ? Par définition !
Malades, les fumeurs ? Bien sûr il convient de les en convaincre pour qu'ils consultent dans les centres spécialisés, qui se doivent respecter les stratégies scientifiquement établies par les autorités de santé. Elles ont pour cela le soutien de la dévouée et désintéressée Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour qui :
"La dépendance tabagique est reconnue comme une maladie, tant dans la classification internationale des maladies de l’OMS (ICD-10) que dans l’American Psychiatric Association’s Diagnostic and Statistical Manual (DSMIV).
"La dépendance tabagique est une maladie chronique récurrente et même dans la population générale de fumeurs essayant d’arrêter le taux de rechute est élevé.
"A l’heure actuelle, les principaux traitements de la dépendance tabagique sont les substituts nicotiniques et le bupropion. Les fumeurs fumant 10 cigarettes par jour ou plus, désirant s’arrêter de fumer devraient être encouragés à utiliser la substitution nicotinique ou le bupropion pour l’aide à l’arrêt." [3]
Si l'OMS, particulièrement dévouée à favoriser les financeurs privés qui abondent l'essentiel de son budget, dicte que le fumeur (la fumeuse) est un(e) malade, qui lui ferait l'affront de la contester ?
L'échec des Diafoirus à la solde de l'industrie pharmaceutique
Vous voulez arrêter de fumer ? Alors il n'est pas dans votre intérêt d'écouter les discours des marchands de nicotine déambulant en blouse blanche. En voici quelques éléments probants.
La proportion de fumeurs quotidiens dans la population française a augmenté de 1,8 % ces cinq dernières années [4]. Rapporté aux 65 millions d'habitants en France, cela représente une croissance de 900 000 fumeurs par rapport à 2005, environ un milliard d'euros de taxes supplémentaires dans les caisses du Trésor Public (le double du remboursement annuel au titre du bouclier fiscal depuis son instauration mais ceci un autre débat...).
Il est un peu facile d'accuser la crise ou les taxes trop faibles (la France est le pays d'Europe continentale où les cigarettes sont déjà les plus chères). Cet échec de santé publique sanctionne l'incapacité des offres médicales à satisfaire les deux tiers de fumeurs déclarant vouloir cesser de fumer à court ou moyen terme.
Dans la gente féminine, la hausse de la proportion de fumeuses quotidiennes est particulièrement importante entre 45 à 64 ans : une augmentation globale de 7 points sur cette tranche d’âge :
Vous ne pourriez pas croire que ces fumeuses se sont mise à fumer dans les 5 dernières années, d'autant que seule la proportion de fumeuses de moins de 20 ans s'est réduite.
On peut même affirmer sans trop se tromper que toutes sont preneuses d'une solution pour arrêter ! Celles prétendues efficaces selon l'OMS ne le sont pas apparemment et/ou ne sont pas utilisées. L'OMS nous ment et le Pr Dautzenberg est son complice, complice primé par l'OMS en 2005 pour services rendus ! Drôle de politique dont les résultats sont aussi désastreux : une forte croissance du nombre de fumeuses dans l'incapacité de cesser le tabagisme passé l'âge de la maternité, comme prises au piège de la propagande médicale.
Dans ces conditions préconiser un remboursement plus élevé des aides médicamenteuses comme le fait M. Dautzenberg est proprement du vol de nos contributions fiscales. Cette politique ne profiterait qu'à l'industrie du médicament, accessoirement à ses intérêts personnels, sur le dos de l'Assurance Maladie, mais pas aux fumeuses concernées.
Arrêter de fumer, c'est gratuit !
Notre président de multiples officines (OFT, Alliance Contre le Tabac en Ile-de-France (ACTIF), Paris sans Tabac, etc.) poursuit sur un ton compassé :
"Les derniers fumeurs qui restent dans un pays quand le tabagisme régresse c'est les plus pauvres, ceux qui n'ont pas les moyens de s'informer, l'argent pour s'arrêter et qui sont les plus malades du tabac".
Mais s'informer est gratuit, il y a les journaux, internet, la télé, etc. Sans compter les campagnes de publicité pour les produits pharmaceutiques. Cette vision misérabiliste du 'pauvre' qui serait aussi "bête et con" est - pour le moins - sournoise...
Arrêter de fumer, c'est gratuit aussi ! Il n'y a même rien à faire, même pas acheter des cigarettes ni les allumer.
Monsieur Dautzenberg fait mine d'ignorer que plus de 90 % des arrêts du tabac se font de façon franche, sans prise en charge médicale. Parce que l'immense majorité des fumeurs ne sont pas malades justement, et refusent qu'on les prenne pour des malades (et gogos naïfs). Pour les pauvres, UnAirNeuf.org a fait part de ses propositions il y a deux ans tout juste.
Les services d'aide à l'arrêt 'scientifiquement recommandés' n'inspirent plus confiance
Il est vrai que les fumeurs consultant les centres de tabacologie présentent le plus souvent une comorbidité anxiodépressive. De la petite minorité qui circule dans les couloirs de son illustre hôpital parisien, M. Dautzenberg fait une règle générale.
Il est heureux qu'en cas de complication - parce qu'il a tardé à s'engager dans une démarche d'arrêt - le fumeur puisse disposer d'une prise en charge globale et personnalisée :
- en commençant par la réduction du risque,
- avec un traitement optimisé des troubles anxiodépressifs qui peuvent être avivés par les déséquilibres propres au sevrage,
- en associant à ce dernier un accompagnement comportemental et cognitif,
- et éventuellement des conseils diététiques pour minimiser la fréquente prise de poids (dans un tel contexte pathologique) [5].
En réalité, en dehors des personnes hospitalisées, la proportion de fumeurs atteints de complications à cause du tabagisme est minime : étudions ceux qui consultent les services médicalisés par exemple.
L’activité des consultations de tabacologie est inconnue (secret Défense) : "Le nombre total de centres et de consultations de tabacologie en France est inconnu à ce jour" précise benoîtement l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT). Leur activité est probablement sans rapport avec le nombre de 15 millions de fumeurs réguliers et occasionnels en France dont, rappelons-le, au moins les deux tiers consentiraient à arrêter pour peu qu'ils disposent d'une solution efficace. Il est incroyable :
- que personne ne suive l'activité de ces services financés par la collectivité,
- que l'Administration de la Santé n'en connaisse même pas le nombre.
Une évaluation utilité/coût est évidemment impossible : nous suspectons que ce rapport est très défavorable au maintien de ces structures médicales siphonnant de l'argent public ; et il n'y a pas de pilote dans l'avion.
Les appels à Tabac Info Service fournissent un autre indice. En 2009, malgré les mentions sur toutes les présentations de tabac, seuls 13 728 appels ont été traités par des tabacologues selon l'OFDT. A ces données téléphoniques de la ligne Tabac Info Service s’ajoutent les appels reçus par les lignes Drogues info service, Écoute cannabis et Écoute alcool, gérés par le GIP Addictions Drogues Alcool Info Service (ADALIS). En 2009, ces 3 lignes ont reçu 2 895 appels portant sur le tabac. Au total 16 623 appels dans l'année soit en décomptant les appels répétés disons 15 000 appelants : 15 000 appelants sur 15 millions de fumeurs, 0,1 % du public concerné. Une misère et Unairneuf.org est désolé pour les personnes dévouées s'efforçant de rendre sincèrement un service, handicapées par une formation sur des recommandations inopérantes.
Pour être complet, il conviendrait d'ajouter le site www.tabac-info-service.fr de l’INPES, qui propose notamment un accompagnement interactif d’aide à l’arrêt du tabac. En 2008, le site avait 15 000 inscriptions au 'coaching'. Ce qui fait là aussi 0,1% du public. Ce n'est pas l'hystérie collective ! Il est probable que l'efficacité de ce service sans interactions sociales avoisine zéro aussi...
Les services médicaux officiels ne donnent pas confiance : les fumeurs ne les consultent qu'à contre-cœur, le plus tardivement possible, quand les complications sont là. Une offre alternative plus commerciale, sans cette disymétrie blouse blanche et stéthoscope autour du cou favorisant l'ego du corps médical, mais plutôt favorisant l'initiative - libre - du patient, est souhaitable et devrait être développée [6].
Des petits prestataires privés (pris pour des charlatans) ont obtenu dans les entreprises, toutes choses étant égales par ailleurs, des résultats quatre fois meilleurs que ceux résultant des prestations de OFT Entreprise, société commerciale filiale de l'Office de Prévention du Tabagisme présidé par Pr Dautzenberg : plus de 50 % d’arrêt durable comparé à 12,6 % seulement via l'OFT. Précisons que ce sont des chiffres validés par les services de santé au travail.
Bien sûr l'Administration de la Santé, cohérente et persévérante dans son erreur, ne tient pas à ce qu'une évaluation comparative sérieuse soit menée : ce serait catastrophique pour sa politique passée. Gageons que le médiatique Pr Dautzenberg, l'expert que les agences de presse consultent dès que le tabagisme fait le buzz, n'a pas peu contribué à une telle faillite sanitaire : malgré les taxes, malgré les interdictions généralisées, 900 000 fumeurs quotidiens en plus en France en cinq ans. Félicitations !
Matraquer « Consultez votre médecin », ou que les médicaments sont une « solution efficace » à l'arrêt du tabac n'est plus crédible dans le public
Un dernier indice pour la route ? Passé le pic de février 2008, le volume des forfaits de 50 € accordés par l'Assurance Maladie a baissé, puis cessé de paraître dans le tableau de bord Tabac de l'OFDT un an plus tard. Pourquoi une telle cachotterie ?
Nous faisons l'hypothèse que ces forfaits de remboursement des aides médicamenteuses, qui nécessitent une consultation d'un professionnel de santé, ne sont pas populaires. Faute de transparence, qu'il nous soit permis d'estimer que matraquer que les médicaments sont la solution à l'arrêt du tabac n'est plus crédible dans le public. Monsieur Dautzenberg, les fumeurs peuvent se blouser une fois à la rigueur : cela suffit à les convaincre que vos gri-gris "efficaces" sont des remèdes de charlatan. Le patch ou le chewing-gum n'éduquent pas, ils rendent bête et passif, ils déresponsabilisent : peu probable que cela réduise les risques de récidive chronique...
Ne prenez pas les fumeurs pour des imbéciles svp. Ils ont montré un certain talent pour identifier les arnaques, comme l'hiver dernier ils ont refusé en masse une vaccination contre une grippe virtuelle. Les mensonges, devenus systématiques, les troublent doublement :
- ils ne savent plus qui croire. La médecine perd de son aura et sa légitimité ;
- ils en subissent les inconvénients, en n'ayant pas recours aux remèdes adaptés.
Retour sur la piste des liens d'intérêt
Nous étions parti sur la piste des liens d'intérêt. Sur le site de la Haute Autorité de Santé, dont il est évidemment un expert, la déclaration de liens d'intérêt du Pr Dautzenberg remonte à novembre 2007. N'aurait-il pas œuvré pour les intérêts des firmes pharmaceutiques depuis lors ? Juste un indice : le Pr Dautzenberg présidera le symposium Pfizer intitulé Fumeurs avec et sans comorbidité : quelles stratégies adopter ? En pratique, quelle conduite tenir ? jeudi 4 novembre prochain dans le cadre du salon de la Société Française de Tabacologie [7].
Sans Pfizer (Champix°) ni McNeil/Johnson&Johnson (Nicorette°) ni Pierre Fabre (timbres de nicotine) ni d'autres, le salon ne serait pas financé. Pouvez-vous imaginer que Pr Dautzenberg, qui diagnostique sans sourciller tous les fumeurs comme 'malades', puisse prétendre à une parole désintéressée ?
Le collectif Formindep pose ces questions. Venez nombreux pour débattre et échanger sur un thème majeur avec un des meilleurs spécialistes mondiaux de santé publique ; sans lien avec l'industrie, lui ! Ces chercheurs indépendants se font rares, leur carrière est le plus souvent freinée car il ne fait pas bon critiquer le système pharmaco-médical que nous nommons pharmacine, ce système où, de fait, c'est le pharmacien (privé) qui ordonne au médecin les traitements qui conviennent, dans son seul intérêt économique (pour satisfaire l'appétit de ses gourmands actionnaires).
Venez comprendre comment l'industrie de la santé vous berne avec des discours sophistiqués qui amplifient le nombre de malades et les risques de maladie. Preuves à l'appui.
Références
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Rencontres du Formindep samedi 20/11/2010 - Conflits d’intérêts et surdiagnostic du cancer du sein. Entrée gratuite sur inscription préalable mailto:[email protected].
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Les Français de plus en plus nombreux à fumer, en partie à cause de la crise ; Dépêche AFP, 18.10.2010
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Source : OMS, Recommandations sur le traitement de la dépendance tabagique basées sur les preuves scientifiques - Juin 2001
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INPES, Premiers résultats du baromètre santé 2010, 18.10.2010 (pdf)
- Les aides médicamenteuses au sevrage tabagique ne figurent pas dans cette liste : ce n'est pas un oubli. Une étude récente vient encore de contester leur utilité dans le cas de personnes anxiodépressives. Cf. University of Wisconsin News, 25.10.2010 (ce jour !), Common anxiety disorders make it tougher to quit cigarettes
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Par ex. : subventionner une cigarette électronique pour tous les chômeurs de longue durée, dont plus de un sur deux fume...
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4e Congrès de la Société française de tabacologie, dont Bertrand Dautzenberg est président... du Comité d'Organisation ; le programme n'est disponible que sur demande exprès (par courriel) au secrétariat de l'OFT.
Psychologue dans une clinique où j'interviens beaucoup dans l'aide au sevrage du tabac, je découvre votre site aujourd'hui, et je me réjouis d'y trouver tant de propos qui correspondent à ma vision et mon expérience. Il est temps en effet d'arrêter de prendre les fumeurs pour des malades, et ainsi de les déposséder encore un peu plus d'une confiance en eux pourtant si utile pour réussir un sevrage... Je reviendrai souvent vous lire !
Rédigé par : Michael | 26/10/2010 à 19:06
Merci. Pour lire régulièrement Unairneuf.org, le plus simple est de s'abonner : il y a le choix Twitter, Facebook, RSS/Feedburner... Bonnes lectures et commentaires bienvenus !
Rédigé par : Randall | 26/10/2010 à 20:04