« Les aides médicamenteuses doublent vos chances d'arrêter la cigarette » : ce slogan martelé à l'envi par ceux qui croient aux gri-gris pharmaceutiques est tout bonnement mensonger.
Nous l'avions déjà indiqué dans un récent billet [1] : les centres de tabacologie pour arrêter le tabac qui recourent de façon quasi systématique aux pharmacothérapies ne font pas mieux que l'arrêt franc.
Précisons à nos studieux tabacologues réunis à l'occasion de leur salon annuel qui débute à Paris ce jour les statistiques des centres anglais de tabacologie (NHS). Des chiffres publiés... et publics.
Égalité à un mois, donc avantage à l'arrêt franc ensuite
Un rapport récent publié en aout dernier [2] rend compte du taux d'abstinence quatre semaines après la date fixée pour l'arrêt. Le taux d'abstinence global est de 49 %, soit un fumeur sur deux. C'est aussi très exactement la moyenne des personnes consultant ces centres et qui n'ont pas eu recours aux aides médicamenteuses pour cesser de fumer :
People setting a quit date and successful quitters,
by type of pharmacotherapy received, April 2009 to March 2010
Nombre |
Enregistré |
Abstinent |
% |
Nicotine seule |
493 459 |
229 587 |
47 |
Bupropion seul |
9 509 |
4 761 |
50 |
Varénicline seule |
175 380 |
105 925 |
60 |
Nicotine et Bupropion |
852 |
387 |
45 |
Nicotine et Varénicline |
8 022 |
3 119 |
39 |
Pas de pharmacothérapie |
39 222 |
19 376 |
49 |
Total Angleterre |
757 537 |
373 954 |
49 |
Compte tenu des courbes de rechute présentées dans le passé par le National Cancer Institute [3], il y a tout lieu de penser que les personnes ayant opté pour ne pas prendre de médication de confort augmentent leurs chances de succès à long terme (au delà de six mois, cliquer svp. pour agrandir) :
On peut aisément comprendre qu'un palliatif de confort accroisse la probabilité de l'abstinence durant le sevrage proprement dit et que cette aide s'avère contre-productive sur la longue durée. De la même façon, ce n'est pas un cadeau à faire à son enfant que de trop le couver dans sa prime jeunesse : le jour où les temps seront devenus durs, il sera moins capable de faire face à la difficulté. C'est un des paradoxes de l'éducation. La science médicale est malheureusement allergique aux paradoxes et favorise plutôt l'usage de béquilles à vie...
Ainsi l'égalité parfaite des chances de succès avec ou sans aide médicamenteuse au sevrage devrait se traduire par un avantage à ne pas en user si l'on raisonne dans la longue durée. En outre toute médication présente des effets indésirables. Enfin, si un fumeur a déjà ressenti une douleur à cause d'une envie de fumer, qu'il nous écrive (confidentialité assurée) !
À un an, dans la vraie vie, il n'y a pas photo
Une autre étude anglaise remontant à 2005, avant la disponiblité de la varénicline de Pfizer (Champix°), compare les taux de succès à un an, ce qui est l'horizon représentatif minimal en matière d'addictions. Il est surprenant que le dogme de l'assistance médicamenteuse perdure quand on lit les chiffres [4]:
- 25,5 % de succès à un an sans pharmacothérapie,
- 15 % avec auxiliaire médicamenteux.
Frequencies of characteristics of smokers including
52-week CO-validated cessation rates and loss rates: intervention
Traitement ? |
n |
% |
% perdu |
% arrêt |
Nicotine seule |
1 568 |
78.6 |
37,6 * |
15,2 * |
Bupropion seul |
313 |
15.7 |
33,6 * |
14,4 * |
Nicotine et Bupropion |
68 |
3.4 |
38,2 * |
7,4 * |
Sans pharmacothérapie |
47 |
2.4 |
34,0 |
25,5 |
Total |
1 996 |
100.0 |
36,9 |
15,0 |
* = statistiquement non significatif
Moralité : les résultats des études cliniques (expérimentales) ne sont pas transposables dans la vraie vie. Ce sont des artefacts élaborés avec la collaboration d'experts - et de cobayes - intéressés. Aveugles de l'évidence, les tabacologues anglais du NHS semblent aussi "accro" à la promotion des adjuvants pharmaceutiques que les fumeurs à leurs clopes, avec des alibis tout aussi pitoyables...
Il semble, au vu du programme des conférences à venir, qu'il en est apparemment de même en France. Les petits fours des sponsors du salon justifient bien quelques arrangements, non ?
Notes
- Ce qui est valable statistiquement n'est pas applicable sur un cas particulier.
Parmi les fumeurs consultant les centres publics de tabacologie doit se trouver une proportion significative de personnes atteintes de complications. Il se peut qu'un adjuvant pharmacologique soit alors utile, même s'il rend le processus d'arrêt plus long et plus aléatoire qu'un arrêt franc : celui-ci n'est pas toujours envisageable. Il convient de s'en remettre à l'avis éclairé d'un professionnel de santé qui inspire confiance. - Certains centres de tabacologie français ne pratiquent pas de façon systématique l'usage de pharmacothérapie d'aide au sevrage. Les professionnels de santé qui ont les meilleurs résultats sont aussi ceux qui se sentent le moins contraints par les recommandations officielles des autorités (HAS), que l'on sait élaborées par des experts chloroformés par leurs liens d'intérêt.
- Malgré les vœux de certains responsables, il est dommage que les résultats des centres français restent si confidentiels. Le manque d'évaluation cache une incapacité à se remettre en cause.
Références
- Centres de tabacologie pour arrêter le tabac : pas mieux que l'arrêt franc
- Statistics on NHS Stop Smoking Services: England, April 2009 – March 2010
NHS Information Centre, 19/08/2010, p. 59 - Les patchs ne gagnent pas le match
- The English smoking treatment services: one-year outcomes
Janet Ferguson & al. ; Addiction (2005), 100 (Suppl. 2), 59–69
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