2010 aura été une année charnière en vue de la transparence, arme la plus efficace contre la dictature. Pour le journal Le Monde, l'homme de l'année est Julian Assange de Wikileaks [1]. D'autres indices abondent : ainsi l'agitation des politiques français sur le nouveau scandale pharmaceutique du Mediator. Nicolas Sarkozy a affirmé, mercredi 22 décembre souhaiter la "transparence la plus totale" (sic) dans le traitement du dossier. Bien évidemment il s'agit d'une couverture pour l'ex-avocat d'affaires dont les laboratoires Servier ont été un client de référence. Une enquête de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) devrait permettre de voir un peu plus clair dans les opaques conflits d'intérêt de la gestion des médicaments en France... si elle est indépendante du pouvoir et publique, ce qui est loin d'être acquis.
Un embryon de réaction à la question des conflits d'intérêt
En publiant un livre sur la question des conflits d'intérêts, Martin Hirsch a mis les pieds dans le plat [2].
Il faut dire que ce livre arrivait au moment où les français, peu au fait de ces questions, les découvraient grâce à un ministre du Budget également trésorier du Parti principal au pouvoir.
Pour éteindre l'incendie, la Présidence de la République a décidé d'instituer une "Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique", qui aurait dû rendre ses conclusions avant le 31 décembre. La lettre de mission au président de la commission de réflexion stipule :
« Il existe une attente de davantage de transparence à laquelle il convient de répondre, sauf à altérer la confiance de nos concitoyens dans les institutions de l’État et des collectivités territoriales. Il ne suffit pas que la République soit irréprochable : il faut encore qu’elle ne puisse même être suspectée de ne pas l’être. »
Qu'est ce qu'un conflit d'intérêt ? C'est une situation irrégulière dans laquelle une personne ayant à accomplir une fonction d'intérêt général se trouve avec des intérêts personnels contraires avec la mission qui lui est confiée, l'intérêt de son administration ou de sa société. Dans notre France politiquement dominée par des avocats affairistes (Sarkozy, Copé, Dati, Borloo, etc.), ce pavé dans la mare aux canards est celui d'un ancien directeur de la pharmacie centrale des hôpitaux. Martin Hirsch a touché où ça faisait très mal.
Des scandales sanitaires à la mitraillette
Il y aura eu en 2010 les procès contre l'OMS et contre l'Administration de la Santé suite à la gestion de la grippe A H1N1. Puis le scandale de la recommandation d'une prescription préventive de Tamiflu sans qu'aucune preuve scientifique le justifie : l'association Formindep attend toujours les explications du Directeur Général de la Santé [3]...
--> Quand l'Administration de la Santé ordonne de généraliser des pratiques médicales sans preuve scientifique valable, il ne faut pas s'étonner si elle mine sa crédibilité dans l'opinion, à commencer auprès des médecins dits de proximité exerçant en libéral.
Le collectif Formindep est à la pointe des combats pour faire en sorte que non seulement les informations relatives à la santé soient transmises de manière 'transparente' - en déclarant les liens d'intérêts éventuels comme l'exige la loi - mais aussi que ces informations soient indépendantes des acteurs économiques et politiques, dans le seul intérêt des patients. Ainsi il a intenté deux recours en Conseil d'État pour faire annuler deux recommandations de la Haute Autorité de Santé, établies selon lui de façon 'partiale' [4].
Indépendante sur le papier, la HAS s'avère incapable d'élaborer des recommandations médicales conformément aux statuts qui la fondent. Pas étonnant que les français aient perdu confiance dans leurs autorités de santé [5]. Ils leur préfèrent d’autres sources d’information échappant a priori aux influences de tous ordres.
Quand on lui montre la lune du doigt, l'imbécile regarde le doigt
C'est à Confucius que l'on attribue la sentence « Quand on lui montre la lune du doigt, l'imbécile regarde le doigt ».
Bien sûr, Unairneuf.org est souvent tenu au mieux pour ridicule par les professionnels de santé droits dans leurs bottes. Nous sommes en général complètement ignorés [6]. Mais les renforts se multiplient. La chronique du médecin de France-Info, Jean-François Lemoine - à ne pas prendre svp pour le premier des charlatans - faisait ainsi part de ses doutes sur la médecine conventionnelle le 24 décembre dernier. [7]
« Les études de médecines sont ainsi faites que l’on n’apprend pas les autres médecines et que je n’ai donc pas d’expérience pour favoriser une technique inconnue.
Par "médecines parallèles", on entend "médecines différentes". Ces "autres médecines" présentent probablement un intérêt. Un intérêt que les malades ont bien noté puisque ces autres moyens de se soigner progressent dans tous les pays. Des progrès inquiétants pourrait dire la médecine traditionnelle. C’est d’ailleurs souvent ce qu’elle dit.« Elles ont en particulier pour but d’améliorer la vie des malades. Et de ce fait, d’explorer tout ce qui pourrait les soulager. Parallèle ou pas. L’explosion de ces médecines illustre bien le fossé dangereux qui est en train de se creuser faute de dialogue entre le médecin et son patient, le recours à ces médecines étant souvent la réponse à l’absence précisément de réponses du médecin traitant. Tout ce qui soulage ne doit pas entrainer de la part du médecin autre chose que du respect. Nous les médecins [devons] faire preuve d’un peu plus d’humilité au regard des scandales récents de la médecine... »
Saluons le message de J-F. Lemoine : dire que la médecine a perdu la tête par overdose d'opacité, de conflits d'intérêts et de désinformation, ce n'est pas forcément l'enfoncer. C'est précisément le dogme de la parole unique qui amplifie la perte de confiance.
Nous pensons évidemment au dogme de l'Église de Tabacologie et à ses hosties de nicotine, voie de salut recommandée au fumeur à l'exclusion de toutes celles ayant fini par s'imposer dans le grand public... C'est la crédibilité même de la médecine conventionnelle qui est globalement en jeu.
Un espoir pour 2011 !
À des niveaux divers (et évidemment incomparables), Wikileaks, Formindep et Unairneuf.org agissent pour favoriser la transparence et combattre les combines, magouilles, corporatismes et autres dictatures de l'information.
Ne nous y trompons pas : c'est la démocratie même qui est minée par les conflits d’intérêts obscurs et l'étouffement des contre-pouvoirs médiatiques. Le vent de transparence qui a soulevé les voiles de l'opacité en 2010 est celui de la sagesse et du respect des intérêts de chaque individu, fumeur ou pas. Il semble que le grand public aspire à cette transparence et à une indépendance mieux garantie. Internet en est l'outil privilégié à notre disposition à tous, ensemble.
Bonne année 2011 à tous nos fidèles lecteurs !
Références
- Julian Assange, homme de l'année pour "Le Monde" , Le Monde.fr, 24.12.10.
- Conflits d'intérêts : Pourquoi Martin Hirsch a-t-il touché où ça faisait mal
NouvelObs.com, 01.10.2010 - Le directeur général de la Santé a rencontré le Formindep - enfumage et incompétence
Formindep, 17 janvier 2010 - Le Formindep saisit le Conseil d’Etat , Formindep, 8 décembre 2009
- Observatoire des risques sanitaires 2010 (pdf)
Selon la 4ème vague de l'"Observatoire des risques sanitaires", réalisée par l'institut Opinionway, la "crise de confiance dans le politique s'aggrave" dans le domaine des crises sanitaires, comme le souligne le cabinet de conseil Vae Solis.
Scientifiques (66%) et associations (51%) viennent loin devant l'administration (21%) ou le gouvernement (6%) quand on cite les deux acteurs à qui on fait le plus confiance pour dire la vérité sur une crise sanitaire. La confiance des Français "s'appuie bien sûr sur la connaissance ou l'expertise, incarnée par les scientifiques, mais aussi sur le degré d'éthique", note Vae Solis. - cf. Tabagisme Fractal
- Les médecines parallèles , France Info, chronique du 24.12.2010
À lire sur le même sujet
- Comment les conflits d’intérêts ont tué la médecine 1.9
Dominique Dupagne, Atoute.org - En défense d'Internet et de WikiLeaks (2): la question démocratique
Edwy Plenel, Mediapart, 28.12.2010
[Mise à jour 31.12.2010 9H30]
Laurent JOFFRIN, directeur du journal Libération nous aurait-il lu ? Nous sommes en tout cas conforté à lire son éditorial daté du 31 décembre : Transparence.
Le mot de l'année ? Transparence, évidemment. On assiste non pas à l’émergence d’un totalitarisme nouveau, qui n’est qu’un épouvantail destiné à protéger les puissants, mais à un progrès de la démocratie, qui oblige les responsables à écouter leurs mandants et à rendre compte de leurs actes, au préalable rendus publics. Une république impérieuse et opaque cède la place à une démocratie accessible à tous.
D'après quelques rumeurs, 2011 devrait être une année très difficile pour le cigarette électronique, ces bons messieurs de madame Europe préparant quelques textes prohibitifs de derrière les fagots. Il conviendra d'être prudent concernant la transparence.
Rédigé par : Rick | 31/12/2010 à 10:26