Unairneuf.org ne cesse de contester l'allégation d'efficacité des palliatifs nicotiniques comme aide à l'arrêt du tabac. Pour être crédible, il faut présenter des preuves : en voici un exemple.
La manipulation scientifique est devenue courante, naturelle
Les preuves 'scientifiques' négatives ont du mal à être publiées : les revues professionnelles, même aussi réputées que le British Medical Journal (BMJ), le JAMA ou le New England Journal of Medicine (NEJM) ne sont pas à l'abri des pressions de l'industrie [6]. Les études cliniques négatives sont souvent publiées avec beaucoup de retard (trois ans en moyenne !) et dans des revues moins réputées [5].
Souvent, les conclusions des études, celles indiquées dans le résumé que la plupart se contentent de lire, ne sont pas conformes au résultat expérimental. La conclusion est éventuellement spécifiée lors de l'élaboration du cahier des charges de l'étude, par les financeurs intéressés... Ainsi même si les résultats disent le contraire, il est rabâché que les palliatifs nicotiniques 'doublent les chances de succès'. À force de répétition, 'Plus blanc que blanc' comme disait Coluche devient une vérité, comme le savent les techniciens de la propagande et de la publicité 'Vu à la télé'.
Un exemple de désinformation du NEJM
Il n'est pas toujours facile de révéler les supercheries. L'écart entre les études cliniques et les résultats de la prévention du tabagisme sur le terrain permet de penser qu'elles sont nombreuses. Nous en avons découvert une par hasard, datant de 1996, solidement documentée.
L'étude a trait à des études faites en centre hospitalier aux États-Unis, sur des anciens combattants atteints de complications cardiaques. L'impact du tabagisme (actif) sur le fonctionnement du système cardiaque est bien établi : tous les vétérans concernés savaient que fumer était gravement nocif pour leur santé. L'étude compare - entre autres résultats - les taux d'arrêt du tabac avec des patchs (autocollants) diffusant de la nicotine par la peau avec le score de timbres transdermiques (placebo) sans nicotine.
Les 'vrais' timbres sont rapportés à court terme comme à 24 semaines plus efficaces au sevrage tabagique (14 abstinents pour cent participants) que les 'faux timbres' (11 %). C'est ce qui est publié par le NEJM [1].
À l'horizon d'un an, le timbre placebo (12 %) s'est révélé par contre plus efficace que celui à la nicotine (10 %) : ceci n'est pas publié, alors que 12 mois est la norme concernant le traitement d'addictions ! Cette inversion a déjà été documentée pour la population en général [7]. Science alibi, patascience comme nous aimons à le dire ! Les dispositifs de vérification (relecture par des pairs) ne protègent plus de la désinformation caractérisée, il n'y a plus de garde-fous.
Vous trouverez ci-après le courrier au NEJM de deux spécialistes hospitaliers concernés par l'étude dénonçant, en 1999, les conclusions biaisées de la publication dans une lettre intitulée explicitement : "Manque d'efficacité des timbres transdermiques pour la cessation du tabagisme".
Les auteurs proposent notamment qu'il conviendrait, avant d'annoncer des chiffres flatteurs pour l'industrie des médicaments, considérer la vraie population à qui est destinée un traitement. On sait par exemple, sans le trompeter, que les substituts nicotiniques sont sans preuve d'efficacité avec les jeunes comme avec les femmes enceintes. Distribués gratuitement aux frais de la Solidarité nationale, ils sont sans effet sur l'arrêt du tabac de titulaires de la CMU. Sur les personnes malades de cette étude, ils sont sans utilité à long terme sur l'arrêt aussi.
La dérivation de résultats de tests cliniques optimisés pour donner des résultats positifs en slogans commerciaux est illégitime.
En France, Grippeminaud garde scientifiquement le poulailler
Le principal avantage des palliatifs de nicotine est que leurs effets secondaires sont limités : peu de risque de scandale comme avec le Vioxx ou le Mediator. La supercherie risque de durer encore quelques décennies. Le temps de convertir les bureaux de tabac en officines pharmaceutiques ?
En France les spécialités nicotiniques sont de toute façon bien à l'abri de toute poursuite pour allégation mensongère : le Professeur Dautzenberg, Grippeminaud de l'Office français de Prévention du Tabagisme et lié - notamment - aux firmes Novartis et Pfizer commercialisant des produits chimiques d'aide au sevrage tabagique, est aussi un des experts mandatés auprès de la commission de l'agence du médicament (AFSSAPS) chargée du contrôle de la publicité [8]. Gare aux produits et services alternatifs !
Lack of Efficacy of Transdermal Nicotine in Smoking Cessation
To the Editor:
The Transdermal Nicotine in Cardiac Patients Study was a randomized, double-blind, placebo-controlled trial designed to test the safety and efficacy of transdermal nicotine as an aid in the cessation of smoking in patients with at least one type of major cardiovascular disease. A total of 584 outpatients receiving care from 10 Veterans Affairs medical centers participated in the trial. The initial report of this trial described the safety of the therapy in this high-risk outpatient population; however, 24 weeks after randomization, only 14 percent of the subjects in the nicotine-treatment group and 11 percent of those in the placebo group were abstinent from smoking (P=0.67), suggesting that the efficacy of the therapy was limited. [1]
At 48 weeks after randomization, 10 percent of subjects in the nicotine group and 12 percent of those in the placebo group were abstinent (P=0.41). These data confirm the lack of effect observed at 24 weeks, and are inconsistent with the published results of behavioral-intervention studies in patients with acute cardiac disease and most other clinical trials of transdermal nicotine. [2]
There are several potential explanations for the lack of efficacy of transdermal nicotine in this trial. The subject population differed from that of many earlier studies in that the participants in this study were older (mean age, 61 years), received care at Veterans Affairs medical centers for numerous chronic medical problems, often had psychiatric or substance-abuse disorders or histories of such disorders, and had experienced multiple failed attempts at quitting. Also, the behavioral component of the intervention was brief (four visits of 10 to 15 minutes each).
Another recent trial in which the transdermal nicotine patch, bupropion, combination therapy with the patch and bupropion, and placebo were compared showed no benefit of the patch as compared with placebo. [3] Earlier published trials of the efficacy of the patch may have favored positive outcomes through the selection of optimal subjects, or the results of trials with negative outcomes may not have been published. [4] Other investigators have observed a downward trend in rates of abstinence over the past two decades and have attributed the observation to changes in the demographic characteristics of smokers. [5]
These data suggest that there is a need to conduct randomized trials of pharmacologic aids to smoking cessation in various subgroups of smokers and treatment settings before their effectiveness can be assumed. Such subgroups include both older and younger smokers, patients with peripheral vascular disease, those with chronic obstructive pulmonary disease, and those with a variety of psychiatric conditions. Smokers with these disorders are likely to be underrepresented in clinical trials, particularly those sponsored by the pharmaceutical industry.
It is critical that effective strategies be developed for patients with cardiovascular disease, because smoking cessation is associated with substantial reductions in morbidity and mortality. However, it cannot be assumed that the results of clinical trials that are conducted in young, healthy persons will be replicated in such patients.
Anne M. Joseph,
M.D., M.P.H., Minneapolis Veterans Affairs Medical Center, Minneapolis, MN 55417
David O. Antonuccio,
Ph.D., Reno Veterans Affairs Medical Center, Reno, NV 89520
Source
The New England Journal of Medicine -- October 7, 1999 -- Vol. 341, No. 15 ; Copyright © 1999 by the Massachusetts Medical Society. All rights reserved.
References
- Joseph AM, Norman SM, Ferry LH, et al. The safety of transdermal nicotine as an aid to smoking cessation in patients with cardiac disease ; N Engl J Med 1996;335:1792-8.
- Fiore MC, Bailey WC, Cohen SJ, et al. Smoking cessation. Clinical practice guideline no. 18. Washington, D.C.: Government Printing Office, 1996. (AHCPR publication no. 96-0692.)
- Jorenby DE, Leischow SJ, Nides MA, et al. A controlled trial of sustained-release bupropion, a nicotine patch, or both for smoking cessation ; N Engl J Med 1999;340:685-91.
- Irvin JE, Brandon TH. The increasing recalcitrance of smokers in clinical trials. Presented at the 5th Annual Meeting of the Society for Research on Nicotine and Tobacco, San Diego, Calif., March 1999.
- Ioannidis JP. Effect of the statistical significance of results on the time to completion and publication of randomized efficacy trials ; JAMA 1998;279:281-6.
- Selon Richard Smith, ancien rédacteur en chef du British Medical Journal (BMJ) dans son livre paru en 2006, The trouble with medical journals (BMJ Publishing group, 2006) :
- beaucoup d'articles publiés sont de qualité médiocre, voire parfois dangereux ;
- le processus de relecture par les pairs (peer-review) est mauvais et mal évalué ;
- beaucoup d'articles sont signés par des co-auteurs qui n'ont rien fait, et certains écrits par des auteurs fantômes (ghost-writers) ;
- les conflits d'intérêts sont fréquents, ont une influence forte sur le système et ne sont pas bien gérés ;
- les revues sont trop souvent le bras armé des industries des produits de santé ;
- beaucoup de travaux sont publiés plus d'une fois, tandis que beaucoup d’autres ne sont jamais publiés, ce qui conduit à une distorsion des données scientifiques dans la littérature ;
- des partenariats avec les patients sont importants en médecine, mais les revues ne tiennent pas compte des patients, voire les abusent ;
- la fraude en recherche est commune, et nous n'avons pas de réponse adéquate à ces pratiques ;
- des comportements malveillants de rédacteurs de revues existent, et les rédacteurs ne sont pas suffisamment responsables ;
- les revues gagnent de l'argent en limitant l'accès à l'information.
- Les patchs ne gagnent pas le match
- En pleurer ou en rire ?
À lire sur le même sujet
- Tous nos articles dans le catégorie Patascience
Commentaires