Bien que Unairneuf.org l’ait remarquablement passé sous silence, Zyban° fait partie des traitements médicamenteux "recommandés" pour l'aide au sevrage tabagique. Ses effets secondaires en limitent l'usage. Et de toute façon les médecins ne le prescrivent plus ou presque depuis qu'il en existe une version générique, sous la dénomination internationale "Bupropion".
Des médicaments à retirer du marché
L'utilité de ce "médicament" est mise en question. Le magazine L'Express vient de publier une liste de dix médicaments à retirer du marché en raison d'effets indésirables l'emportant clairement sur les bénéfices [1]. L’hebdomadaire a dressé cette liste avec l'aide de la revue indépendante Prescrire et celle du Professeur Giroud, pharmacologue membre de l'Académie nationale de médecine.
Sont visés (par ordre alphabétique) :
- Actos,
- Adartrel,
- Di-Antalvic ,
- Hexaquine,
- Intrinsa,
- Ketek,
- Nexen,
- Vastarel,
- Zyprexa et,
- Zyban, vendu comme aide au sevrage tabagique.
Cette louable initiative apporte une brèche supplémentaire dans le mur protectionniste des intérêts de l'industrie du médicament. Le collectif Formindep publiait le 11 décembre dernier un éditorial intitulé : "Il y aura d'autres Mediator" [2], en référence à cette spécialité des laboratoires Servier accusée d'avoir causé des centaines de décès en France. Ce long article offre une synthèse ahurissante de l'état de décomposition de la pharmacine [3]. Ajoutons y que les politiques y compris aux plus hauts niveaux de l'État sont forcément complices de l'enrichissement des entreprises commerciales aux dépens des déficits de la "Sécurité Sociale" financée par nos solidaires cotisations.
Un médicament au rapport utilité/risques défavorable
Selon L'Express :
« Dans l'indication "sevrage tabagique", les bénéfices du Zyban (de GSK : Glaxo Smith Kline), une substance proche des anorexigènes amphétaminiques comme le Mediator, sont incertains et, au mieux, très modestes, alors que des effets indésirables graves sont, eux, avérés, comme l'hypertension artérielle.
Ce médicament n'apparaît pas plus efficace que les gommes à mâcher ou les patchs à base de nicotine, qui présentent moins d'effets indésirables. »
Ancienne spécialité pharmaceutique miraculeuse - comme toutes celles passées et toutes celles à venir - pour cesser de fumer, Zyban n'est quasiment plus prescrit en France. Depuis 2008 et la disponibilité du médicament alternatif Champix° de Pfizer, le bupropion/Zyban ne représente plus que 1 % du volume des ventes de produits médicamenteux censés compenser les envies de fumer.
L'Express ne court pas grand risque de retour de manivelle de la part de GSK, qui n'investit plus dans la promotion de ce produit auprès du corps médical : concurrencer les produits génériques doit se faire à moindre coût.
Fig. 1 : Ventes de Zyban° en France en mois de traitement x 1000
Si l'on observe la courbe des ventes en France, celles-ci s'effondrent très rapidement. Le produit ayant été mis sur le marché en septembre 2001, le volume de vente cette année-là ne concerne que quatre mois. En année pleine, la baisse aurait été continue de l'introduction à ce jour [4], malgré la mise en vigueur des interdictions de fumer dans les lieux publics en France. Très vite en effet, les effets secondaires parfois graves sont apparus : les premiers utilisateurs ont fait fonction de cobayes.
[Mise à jour 28.12.2010 : sur le plateau de France 5/C dans l'Air, le Pr Philippe Even indiquait le 28 décembre que le Zyban appartient à la même classe médicamenteuse que le Mediator]
Un phénomène similaire avec Champix
Fig. 2 : Ventes de Champix° en France en mois de traitement x 1000
Le même phénomène est en train de se manifester pour Champix : apparition tardive des effets secondaires graves, restrictions d'utilisation, et inefficacité relative ont fait chuter les ventes de façon continue depuis l'introduction en France. Et ce malgré les interdictions renforcées de fumer dans les lieux à destination du public. Le volume des ventes reste relativement plus élevé, la proportion d'incidents graves à l'utilisation étant a priori moindre.
Cela n'empêche pas les accidents, notamment avec des personnes anxiodépressives ou ayant des antécédents psychiatriques. Pour des raisons que l’on peut comprendre, ces publics ont été écartés des tests d’homologation. Le problème c’est qu’ils constituent une part importante, voire majoritaire, des personnes sollicitant les services médicaux pour cesser le tabagisme [5].
Actuellement il y a plus de 1000 procès en cours contre Pfizer aux USA, et 1000 supplémentaires anticipées [6]. Aucune de ces - longues - procédures n'a encore abouti, le scandale se réglera, comme cela est d'usage maintenant, à coup de centaines de millions de dollars d'indemnités.
Indice que Champix et Zyban ne sont pas des produits sûrs, ils font tous les deux partie de la liste des 76 spécialités suivies en pharmacovigilance selon l'agence du médicament AFSSAPS. Mais ne rêvons pas, la pharmacovigilance est une passoire à trous en France. Le scandale du Mediator a encore montré ces temps derniers la difficulté à faire interdire un médicament mortel pour ses utilisateurs (et inefficace en plus) : les politiques sont par trois fois passé outre les avis négatifs de la Haute Autorité de Santé…
L'avis de la revue de référence Prescrire n'est pas plus favorable pour le Champix° qu'il ne l'était pour le Zyban° :
« Si une aide médicamenteuse est jugée nécessaire, autant en rester en première intention à la nicotine » (La revue Prescrire, octobre 2006)
La demande d'interdiction du Champix interviendra quand une nouvelle formule miraculeuse, pas dangereuse, on vous le promet, sera installée sur le marché. En attendant, la vente continue.
Références
- 10 médicaments à retirer du marché
Julie Joly et Estelle Saget, L'Express, 15/12/2010 - Il y aura d’autres Mediator
Formindep, 11 décembre 2010
"Le scandale du Mediator, médicament inefficace et dangereux qui aurait coûté la vie à plus de 500 personnes et ruiné celle de milliers d’autres, résume bien les tares d’un système de santé soumis à bien d’autres intérêts que ceux des usagers.
"Il y a eu, il y aura d’autres Mediator. Ce n’est pas jouer les Cassandre que l’annoncer, car les conditions qui ont permis ce scandale, et que le Formindep ne cesse de dénoncer, restent réunies. Et certaines ne font que s’accentuer."
Note : l'auteur est signataire de la Charte du collectif Formindep et vous invite à la signer à votre tour - i.e. cette pratique commerciale mettant la médecine sous l'influence débridée des firmes pharmaceutiques, sans aucun contre-pouvoir institutionnel.
- pour 2010, nous avons fait une extrapolation sur l'année entière (à fin octobre respectivement 16 535 x moisTt et 232 298 x moisTt). Les données sont issues du tableau de bord tabac de l'OFDT.
- Fumeurs malades et fumeurs pas malades : la différence qui fait une différence (2)
- With Pfizer, FDA Shunning Tests on Mentally Ill, Promise of Smoking Remedy Chantix Turns to Ashes for Some
FairWarning, 15.12.2010
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[Dernière mise à jour 23.12.2010 14h40]
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