Michael Siegel, professeur au département des Sciences Sociales et du Comportement de la faculté de Santé Publique de Boston (USA) est un chercheur ayant consacré 20 ans de sa vie à la prévention du tabagisme.
Il a récemment demandé via son blog Tobacco News Analysis and Commentary que Champix soit retiré du marché. Le 7 avril 2011 il détaille ses arguments dans un article :
Chantix: Why the Black Box Warning is Not Enough
and Drug Should Be Removed from the Market [1].
Les avertissements sanitaires concernant les effets secondaires du traitement ne sont pas suffisants. Comme nous l'avons déjà fait par le passé, nous vous en proposons ci-après la traduction intégrale de son article. D'accord ou pas d'accord ?
Varénicline (marque Champix de Pfizer) :
pourquoi les avertissements sont insuffisants et
pourquoi ce produit devrait être retiré du marché
Hier, j'ai appelé à la suppression de la varénicline (marque Champix de Pfizer) du marché [2], en faisant valoir que l'avertissement en encadré noir [black box warning] n'était pas suffisant pour protéger le consommateur contre les graves effets secondaires indésirables qui ont été observés avec ce traitement. Aujourd'hui, je vais expliquer pourquoi cet avertissement n'est pas suffisant pour protéger le public.
L'avertissement pour la varénicline précise ce qui suit :
« Tous les patients traités avec la varénicline devrait être surveillés pour les symptômes neuropsychiatriques, y compris les changements de comportement, l'hostilité, l'agitation, les humeurs dépressives et les événements liés au suicide, y compris les idées, les comportements et la tentative de suicide. Ces symptômes, ainsi que l'aggravation de maladie psychiatrique pré-existante et de tentatives de suicide, ont été rapportés lors du suivi en pharmacovigilance renforcée chez certains patients sous traitement à la varénicline essayant d'arrêter de fumer. [...]
Il est conseillé aux consommateurs et aux soignants que les patients cessent de prendre la varénicline et de contacter un professionnel de santé immédiatement en cas d'agitation, d'hostilité, d'humeur dépressive ou des changements dans le comportement ou la pensée qui ne sont pas typiques pour le patient ou si le patient développe des idées ou un comportement suicidaire. »
L'avertissement conseille aux médecins de surveiller les patients sous varénicline pour tout "événement lié au suicide, y compris le suicide."
Une question simple vient à l'esprit :
- Comment fait-on pour surveiller le risque de suicide d'un patient ?
- En quoi cela protègera le consommateur ?
- Si un effet secondaire du médicament est de se suicider dans les jours suivant le début du traitement, comment le suivi du patient va être utile à prévenir le risque de suicide ?
La Food & Drug Administration (FDA) a elle-même signalé un cas caractéristique d'idéation suicidaire associée à la varénicline comme suit :
"Une femme de 30 ans a déclaré avoir été traitée par la varénicline à 0,5 mg/jour pour l'aider à arrêter de fumer, elle a indiqué qu'elle avait pris le médicament pendant 5 jours comme indiqué. Dans son rapport, elle a déclaré
« Je suis devenu très déprimée sans raison apparente et a commencé à avoir des pensées suicidaires. Je craignais de me faire du mal ou blesser quelqu'un d'autre. J'ai aussi été dans un état de panique et incapable de manger. J'ai pensé que je pourrais devenir folle et me sentais complètement hors de mon assiette. J'ai arrêté de prendre le traitement. Environ 36 heures plus tard, je me suis sentie à nouveau redevenue moi-même. »"
Heureusement, cette femme a stoppé son traitement. L'histoire aurait cependant pu facilement être différente. Au lieu d'arrêter le traitement elle aurait pu faire, voire réussir, une tentative de suicide en réponse à ses idées suicidaires. La surveillance des patients pour les tentatives de suicide n'a pas de sens. Le but du suivi est de prévenir ces conséquences néfastes - et particulièrement le décès - de survenir.
Il existe trois situations dans lesquelles un avertissement peut être efficace dans la protection des consommateurs. Je vais décrire chacune de ces situations et montrer pourquoi la varénicline ne remplit aucun de ces critères.
1. La détection précoce des effets secondaires peut éviter les effets indésirables graves
Une situation dans laquelle un avertissement avec encadré noir peut être approprié se présente lorsque la surveillance des effets secondaires précoces peut prévenir des conséquences graves. Par exemple si un effet indésirable d'un médicament est des dommages au foie, alors le suivi des enzymes du foie d'un patient peut mettre en évidence des signes de lésion hépatique précoce : alertant le médecin de cet effet secondaire, le traitement peut être interrompu avant qu'il n'ait causé de réels dommages au foie.
La varénicline ne remplit pas ce critère parce que son effet secondaire le plus inquiétant - le suicide soudain - se produit souvent sans avertissement, souvent en quelques jours suivant l'initiation du traitement. Compter sur les patients qui deviennent déprimés pour appeler leur médecin et signaler des symptômes est inefficace parce que l'un des symptômes de la dépression est précisément l'incapacité de le faire. Que l'effet indésirable le plus inquiétant ne soit pas la dépression mais la tentative de suicide rend l'avertissement inefficace à cet égard.
2. L'utilisation restreinte du médicament peut prévenir les effets secondaires
Une deuxième situation pour laquelle un avertissement peut être approprié est lorsque les effets secondaires graves du produit pharmaceutique ont tendance à ne se produire qu'avec certains patients. Dans cette situation, avertir les médecins de ne pas prescrire ce médicament à ces patients peut prévenir les effets secondaires graves. Par exemple si un médicament provoque des caillots de sang chez les personnes qui sont obèses, alors la mise en garde des médecins de ne pas prescrire ce médicament aux patients obèses sera efficace dans la prévention de cet effet secondaire.
Ce n'est pas la situation avec la varénicline parce que ses effets secondaires potentiellement mortels ont été observés chez tout type de patient et pas seulement ceux souffrant de maladies psychiatriques. En fait, la revue par la FDA des effets secondaires de la varénicline a révélé que parmi les cas de comportements suicidaires liés au Champix pour lequel les antécédents psychiatriques était connus, 44% des victimes n'avaient pas d'antécédents de maladie psychiatrique.
3. Les avantages du médicament l'emportent largement sur les inconvénients et en dépit des effets secondaires graves, le traitement est recommandé si les avantages surpassent les risques pour un patient spécifique
La troisième situation dans laquelle un avertissement peut être approprié est si les avantages du médicament l'emportent largement sur les inconvénients pour un patient spécifique. Par exemple un médicament qui est utilisé pour traiter un cancer peut avoir un effet secondaire indésirable grave mais ses avantages l'emportent encore s'il n'y a pas d'autres traitements disponibles et donc que c'est le seul choix dont les patients disposent. Ce critère ne sera généralement pas respecté s'il y a beaucoup d'autres médicaments sur le marché qui sont également efficaces.
À mon avis, ce critère n'est pas respecté pour la varénicline (marque Champix de Pfizer) parce que ce traitement n'est pas particulièrement efficace pour arrêter de fumer. Il y a beaucoup d'autres traitements sur le marché (y compris une quantité de variantes de nicotine pharmaceutique) qui sont efficaces de façon similaire. En outre, le taux de réussite global avec la varénicline est encore extrêmement bas et dans l'écrasante majorité des cas, l'utilisation de Champix n'aboutira pas à ce que le patient à cesse de fumer.
Dans ces circonstances, je ne vois tout simplement pas comment les avantages du maintien de la varénicline (marque Champix de Pfizer) sur le marché l'emporteraient sur les nombreux décès qu'il a causés. Ce n'est pas une espèce de médicament miracle qui serait très efficace pour aider les gens à cesser de fumer ni une solution plus efficace que d'autres produits pharmaceutiques disponibles.
Comme aucun de ces trois critères n'est respecté, je ne crois pas que l'avertissement est approprié et je réitère mon appel pour le retrait de la varénicline du marché.
Références
- Chantix: Why the Black Box Warning is Not Enough and Drug Should Be Removed from the Market
Tobacco News Analysis and Commentary, 07.04.2011
- Rest of the Story Calls for Removal of Chantix from the Market: FDA, Pfizer, and Anti-Smoking Groups Have Done Enough Damage to People's Lives
Tobacco News Analysis and Commentary, 06.04.2011
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