Une étude anglaise [1] a testé l'hypothèse qu'avant la date d'arrêt du tabac un traitement plus long avec la varénicline (marque Champix de Pfizer) pourrait améliorer l'efficacité de cette spécialité pharmaceutique pour la cessation du tabagisme.
Ont été comparés trois mois de traitement avec la varénicline après arrêt avec d'une part,
- un prétraitement avec varénicline durant trois semaines et d'autre part
- un prétraitement 'placebo' (sans action pharmacologique) de contrôle.
Des études "en aveugle", comment est-ce possible ?
Mais il y a un problème avec cette étude, comme dans la plupart des tests cliniques d'aides à l'arrêt du tabac comparées à un traitement placebo : il semble que les participants se rendent compte de la supercherie le cas échéant. Ils devinent si le hasard les a affecté au groupe contrôle. En cas de levée de l'insu, il leur est difficile de continuer à croire qu'ils vont pouvoir bénéficier du traitement ; ceci peut expliquer l'écart de résultat :
- 47,2 % de taux d'arrêt à trois mois pour les personnes bénéficiant du traitement avant l'arrêt
- contre seulement 20,8 % avec prétraitement placebo.
Malheureusement l'étude ne vérifie pas dans quelle mesure le double insu a bien été assuré comme prétendu. Nous ne savons pas à quelle hauteur les participants étaient éventuellement rémunérés pour participer consciencieusement jusqu’au terme de l’essai.
Dans la vraie vie, les médicaments ne sont pas vraiment des aides…
Quand le dévoilement du caractère "insu" du test est fait, les études cliniques ne montrent plus guère de gain d'efficacité de ce que nous pouvons nommer les “gri-gris pharmaceutiques”. En d'autres termes, ce qui est allégué, comme par exemple
~~ les aides médicamenteuses doublent les chances de succès ~~
est vrai si et seulement si restent inclus les participants du groupe de contrôle ayant démasqué d'avoir été choisi comme cobaye et abusé pour les besoins d'une étude scientifique [2]. Ceci majore le résultat : dans la vraie vie, les aides médicamenteuses ne doublent pas les chances de succès. On peut considérer que leur contribution pour l'arrêt durable est nulle (hormis d'avoir soulagé le portefeuille de fumeurs naïfs au profit de médecins zélés et de pharmaciens).
Nous remarquons au passage que le taux de cessation du tabagisme de personnes ayant utilisé le Champix durant trois mois comme indiqué dans les RCP (résumé des caractéristiques du produit) n'est que ici de 20,8 %. 80% d'échecs de la varénicline à trois mois de la date d'arrêt permettent d'extrapoler que les scores d'abstinence à un an de la date d'arrêt ne seront pas significativement différents de ceux résultant d'un arrêt franc (sans adjuvant pharmaceutique).
La communauté scientifique de dispose toujours pas d'étude d'efficacité de la varénicline "dans la vraie vie" : aucune publication en français ou en anglais ne nous est connue ; ce qui est pour le moins surprenant ! Il est donc loisible, à défaut de preuve contraire, de répéter que, pour les fumeurs visant l'arrêt du tabac, le traitement avec la varénicline est au mieux inefficace. Au pire dangereux.
Références
- Use of Varenicline for 4 Weeks Before Quitting Smoking - Decrease in Ad Lib Smoking and Increase in Smoking Cessation Rates
Peter Hajek & al., Arch Intern Med. 2011;171(8):770-777 - The blind spot in the nicotine replacement therapy literature: assessment of the double-blind in clinical trials
Mooney M, White T, Hatsukami D., Addict Behav. 2004;29(4):673-684.
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