Un cadre réglementaire contraignant
« Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l'exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles. L'intérêt personnel de l'agent public englobe tout avantage pour lui-même ou en faveur de sa famille, de parents, d'amis ou de personnes proches, ou de personnes ou organisations avec lesquelles il a eu des relations d'affaires ou politiques. Il englobe également toute obligation financière ou civile à laquelle l'agent public est assujetti. »
Conseil de l'Europe, Recommandation n° R (2000)10 du Comité des ministres
sur les codes de conduite pour les agents publics, 11 mai 2000
Dans un souci de transparence, la Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a voulu encadrer la communication des médecins sur les produits de santé. En voici les dispositions :
Code de la Santé Publique Article L.4113-13 prévu par loi 2002-303 du 4 mars 2002
« Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
Art. R.4113-110 (décret d’application du 25.03.2007)
« L'information du public sur l'existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l'article L.4113-13 est faite, à l'occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu'il s'agit d'un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur Internet, soit de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu'il s'agit d'une manifestation publique ou d'une communication réalisée pour la presse audiovisuelle. »
Les manquements à ces obligations sont punis de sanctions prononcées par l'Ordre professionnel compétent : ces textes prévoient l’obligation de déclaration et de sanction disciplinaire éventuelle par l’Ordre a posteriori.
La Loi donne mission à l’Ordre des Médecins de veiller à l’indépendance professionnelle des médecins (article 5 du Code de déontologie – R4127-5 du Code de la Santé Publique). Ainsi l’Ordre doit recevoir les déclarations des conventions passées entre les médecins et l’industrie pharmaceutique et biomédicale. Cependant l’Ordre ne peut actuellement qu’émettre un avis : il ne peut interdire, il n’a aucun pouvoir en cas d’omission de déclaration ni de non respect d’un avis de non-conformité à la Loi.
Une proximité privilégiée avec l'entreprise commercialisant la varénicline (marque Champix°)
Ainsi l'Ordre des Médecins devrait être en mesure de savoir si le Pr Dautzenberg a bénéficié de convention avec l'industrie pharmaceutique ces dernières années. Dès lors que celui-ci s'abstient de déclarer spontanément ses liens d'intérêt avec des entreprises proposant des aides médicamenteuses à la cessation du tabagisme, par exemple récemment sur La Chaine Parlementaire [1], cela ne devrait pas être le cas. Ceci nous est impossible à vérifier, mais nous paraît peu probable.
Constituent aussi un lien d'intérêt les missions de conseil ou les interventions publiques, comme lors du récent Congrès de la Société française de tabacologie, dont Bertrand Dautzenberg présidait le Comité d'organisation ou animait jeudi 4 novembre 2010 le Symposium Pfizer. Poste honorifique peut-être, mais qui laisse entrevoir une proximité privilégiée avec l'entreprise commercialisant la varénicline (marque Champix°) et la possiblité de profiter de sa puissance en relations publiques et en logistique événementielle (congrès, symposiums, colloques, presse).
Longtemps Bertrand Dautzenberg a été le Directeur de la Rédaction d'une revue trimestrielle Sevrage Tabagique Pratique financée par cette firme pharmaceutique.
Mais les liens d'intérêt ne se limitent pas aux liens directs. Il y a l'aide des firmes aux activités des nombreuses associations que préside ou a présidé Bertrand Dautzenberg :
- Office de Prévention du Tabagisme (OFT), avec par ex. son projet e.SCCAN financé par Pfizer Europe visant à accréditer les centres anti-tabac médicalisés ;
- Paris sans Tabac ;
- Actif (Alliance contre le tabac en Ile de France) ;
- etc.
Plus généralement, les besoins de la recherche médicale amènent les professeurs de médecine à collaborer avec l'industrie. Ceci n'est pas condamnable, bien au contraire. La notoriété dans le milieu médical passe par la participation aux essais thérapeutiques subventionnés à au moins 80% par l’industrie pharmaceutique.
Ce qui est condamnable, c'est de ne pas en avertir les auditeurs des présentations publiques, le manque de transparence. Il s'agit de mensonge par omission.
[Mise à jour 19.07.2011]
Référence
- Etat de Santé : Faut-il interdire le tabac ?
La Chaine Parlementaire, 02.05.2011, interview de Bertrand Dautzenberg
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