« Les recommandations médicales concernant les aides à l'arrêt sont contestables » écrivions-nous ici le 26 avril 2007 [1] :
- Nous constatons que le collège professionnel sollicité en 2003 pour élaborer un avis sur les aides à l’arrêt du tabac ne pouvait être compétent dès lors que les pratiquants de certaines approches en sont écartés. Il s’agit précisément de statuer sur des pratiques ne relevant pas nécessairement de la médecine.
- La formulation du document nous permet de supposer que les recommandations ne sont pas indépendantes de l’industrie pharmaceutique (une simple lecture critique le montre à l'évidence). Les solutions écartant les médications, qui ne sont pas évaluables selon les critères d'évaluation propres à la médecine, sont dénigrées sans examen de leur efficacité réelle.
Deux semaines auparavant, Unairneuf.org avait documenté une analyse du document faisant référence pour les professionnels de santé : Lecture critique des recommandations AFSSAPS de mai 2003 concernant les aides à l'arrêt du tabac [2].
À notre connaissance, ces affirmations n'avaient pas été contestées : la meilleure façon de dénigrer un avis est de l'ignorer… Depuis cette époque, le recours du Formindep pour obtenir l'abrogation des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) à cause de son manque d'impartialité a abouti [3]. La HAS a judicieusement décidé de réexaminer TOUTES les recommandations émises depuis 2005 par l'agence censée être indépendante.
En 2011, il s'avère que le cancer de la médecine est généralisé
Le scandale de recommandations non scientifiques continue avec la soutenance d'une thèse de médecine dénonçant d'autres biais sous l'influence de l'industrie pharmaceutique [4]. L'affaire commence à faire grand bruit, y compris dans les médias : nous publions ci-dessous la dépèche de l'agence de presse APM (disponible sur abonnement).
En synthèse (que cela ne vous empêche pas de lire le document, clair, précis et factuel) :
- Bon nombre des experts sont en situation de conflits d’intérêts majeurs et les autorités sanitaires dont ils dépendent, ne respectent ni les règles de transparence, ni les règles d’indépendance qu’elles s’étaient fixées ou que la loi leur impose.
- Aucune des quatre recommandations pour la pratique clinique choisies pour cette thèse n’est conforme aux données acquises de la science.
- Il est légitime de penser que ces guides de pratique clinique sont directement biaisés par l’industrie pharmaceutique.
Que personne ne doute que les anciennes recommandations de l'AFSSAPS sur les aides à l'arrêt du tabac soient aussi biaisées et bidonnées que toutes ces recommandations analysées. Les tabacologues, qui sont les premiers concernés, votre médecin généraliste, votre pneumologue ou cardiologue, auraient avantage à en être informés…
Références
- Les recommandations médicales concernant les aides à l'arrêt sont contestables
- Lecture critique des recommandations AFSSAPS de mai 2003 concernant les aides à l'arrêt du tabac
(05/04/2007) - Retraits de recommandations de la Haute Autorité de Santé : et deux de chute !
- Louis-Adrien Delarue, Les recommandations pour la pratique clinique élaborées par les autorités sanitaires françaises sont-elles sous influence industrielle? A propos de trois classes thérapeutiques, thèse acceptée, 215 pages, et document de travail intégral (non censuré) pour la préparation de la soutenance.
À lire sur le même sujet
- Scandale autour du Lombiator, Rhumatologie en Pratique, 21/08/2011
Les recommandations pour la pratique clinique sont sous
influence des laboratoires, selon une thèse de médecine
PARIS, 18 août 2011 (APM)
Dans sa thèse soutenue le 6 juillet à la faculté de médecine de Poitiers, le Dr Delarue dénonce les conditions d'élaboration des recommandations pour la pratique clinique en France, sous l'égide de la Haute autorité de santé (HAS) et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), en étudiant trois classes thérapeutiques :
- les anti-Alzheimer,
- les glitazones et,
- les coxibs.
Le Dr Delarue présente ce document de 215 pages comme "le fruit de quatre années de lecture et de réflexion", initié dès 2006, en relevant son "actualité frappante" compte tenu des "dernières tempêtes médiatiques" ayant frappé le paysage sanitaire français, notamment le scandale Mediator° (benfluorex, Servier) qui a suscité la mise en oeuvre d'une réforme de la gouvernance sanitaire.
La finalisation de cette thèse intervient alors que la HAS a engagé depuis la mi-mai le réexamen de l'ensemble de ses recommandations de bonnes pratiques publiées entre 2005 et 2010 afin d'éliminer tout soupçon de conflits d'intérêts, après avoir été sanctionnée par le Conseil d'Etat et avoir dû retirer ses recommandations sur le diabète de type 2 et la maladie d'Alzheimer.
La thèse souligne la nécessité d'irréprochabilité pesant sur les conditions d'élaboration des recommandations pour la pratique clinique, compte tenu du triple rôle qui leur est dévolu, à savoir constituer "le socle scientifique" permettant d'appuyer les pratiques médicales, fonder les décisions de prise en charge de l'assurance maladie et servir de références dans les affaires judiciaires.
Recommandations non conformes aux données acquises de la science
En conclusion, le Dr Delarue estime qu'aucune des quatre recommandations étudiées "n'est conforme aux données acquises de la science", compte tenu de biais multiples :
- études scientifiques omises,
- présentations de données mal étayées ou connues pour être falsifiées,
- conclusions hâtives et mal argumentées.
"Au final, ces guides recommandent des médicaments au coût prohibitif, mal évalués ou dont la balance bénéfices-risques est clairement défavorable. Ils sont potentiellement dangereux pour les patients et impactent directement les dépenses publiques à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros chaque année", souligne la thèse.
Par ailleurs, il relève que "bon nombre d'experts" élaborant ces recommandations "sont en situation de conflits d'intérêts majeurs, et les autorités sanitaires dont ils dépendent ne respectent ni les règles de transparence, ni les règles d'indépendance qu'elles s'étaient fixées ou que la loi leur impose. Dès lors, il est légitime de penser que ces guides de pratique clinique sont directement biaisés par l'industrie pharmaceutique", écrit le Dr Delarue.
La thèse vise quatre recommandations :
- la prise en charge de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées (mars 2008, retirée en mai 2011),
- le traitement médicamenteux du diabète de type 2 (novembre 2006, retirée en mai 2011),
- la prise en charge en phase d'état de la polyarthrite rhumatoïde (septembre 2007) ainsi que
- les recommandations sur les spondylarthrites (décembre 2008).
Pour chacune de ces recommandations, le Dr Delarue étudie la méthodologie de la HAS, décortique synthèse et argumentaire, en les confrontant ensuite aux données acquises de la science au moment où les guides ont été diffusés, en s'appuyant notamment sur une revue de la littérature effectuée par Prescrire et d'autres revues étrangères adhérentes à l'International Society of Drug Bulletins (ISDB).
Pour la maladie d'Alzheimer, l'auteur relève que la HAS incite les médecins à une prescription systématique des anti-Alzheimer, "tout en reconnaissant la faiblesse des preuves d'une efficacité clinique tangible", en omettant de signaler des risques graves et alors que les données de la science prouvent une balance bénéfice-risques "clairement défavorable pour ces médicaments".
Par ailleurs, il note que les quatre médicaments concernés (trois anticholinestérasiques et un inhibiteur de la neuramidase) utilisés à visée symptomatique, ont représenté un coût de plus d'un milliard d'euros pour le régime général d'assurance maladie entre 2006 et 2009.
Concernant le diabète de type 2, le Dr Delarue conclut que les experts de la HAS et de l'Afssaps "ont rédigé des recommandations sanitaires trop clémentes à l'égard des glitazones", relevant qu'elles étaient déjà "en inadéquation avec les preuves scientifiques disponibles" à leur publication en 2006.
Il relève que le guide de pratique clinique et le guide [des affections de longue durée] ALD n'ont fait l'objet d'aucune actualisation "malgré les données inquiétantes de toxicité qui se sont accumulée au fil des ans", et qui ont abouti au retrait des spécialités à base de rosiglitazone en novembre 2010 (cf APM CMNJR002) et à plus récemment des divergences des autorités sanitaires mondiales sur la pioglitazone (cf APM SOOGP005).
S'agissant des coxibs et des recommandations sur la polyarthrite rhumatoïde et les spondylarthrites, l'auteur note que la HAS, dans le premier cas, "fait l'impasse sur la balance bénéfices-risques et le coût des coxibs" (734 millions d'euros entre 2001 et 2009 pour le régime général), par comparaison aux anti-inflammatoires non stéroïdiens classiques (AINS), et relève que la HAS paraît minimiser dans son argumentaire, l'ampleur des dégâts sanitaires causés par Vioxx° (rofécoxib, Merck), retiré du marché en septembre 2004 en raison de ses effets secondaires cardiovasculaires.
Dans une deuxième partie, le Dr Delarue s'intéresse au lobbying exercé par "Big Pharma" sur les recommandations sanitaires, en s'appuyant notamment sur les rapports officiels français (Parlement, IGAS, Cour des comptes) ou étrangers, des enquêtes conduites par des journalistes ou des organisations non gouvernementales, la littérature scientifique et l'étude des déclarations publiques d'intérêts (DPI) des experts sur les quatre recommandations étudiées.
Manque d’indépendance et de transparence
L'auteur reprend le travail effectué par le Formindep (collectif pour une formation et information médicales indépendantes au service des seuls professionnels de santé et des patients) pour les deux premières, en le complétant par ses propres recherches pour la polyarthrite rhumatoïde et les spondylarthrites.
Il relève notamment un conflit d'intérêt majeur pour le président du groupe de travail sur la polyarthrite rhumatoïde, compte tenu de ses liens avec de nombreuses firmes commercialisant des coxibs. Il souligne qu'en mars 2011, soit trois ans après la diffusion de la recommandation, les DPI de 82% des membres du groupe de travail étaient absentes du site internet de la HAS.
Il déplore que la HAS, pour les guides étudiés, n'ai pas respecté ses propres règles d'indépendance exigeant l'éviction des présidents de groupe de travail dont les liens avec les compagnies pharmaceutiques sont considérés comme majeurs, et observe qu'"entre un tiers et la moitié" des professeurs de médecine intervenants "se trouvent en situation de conflits d'intérêts majeurs".
Il s'interroge sur la confiance à accorder à la HAS "qui n'exige pas de manière exhaustive les DPI ou qui ne s'efforce pas de les rendre publiques" et sur le crédit à porter à une autorité "qui vante son indépendance mais qui n'exige pas l'éviction des experts ayant signé des déclarations d'intérêts partielles".
Le Dr Delarue pointe ensuite les multiples influences s'exerçant sur les médecins, allant de la visite médicale à la formation continue en passant par les revues médicales et la presse sponsorisée dont l'essentiel des financements sont assurés par l'industrie pharmaceutique.
Il réfute l'idée selon laquelle l'honnêteté intellectuelle du médecin le mettrait à l'abri de toute influence commerciale, s'appuyant sur des études sociales et en santé montrant que "tout essai clinique, tout article médical, toute revue scientifique ou tout prescripteur qui bénéficie des largesses de l'industrie pharmaceutique, voit ses conclusions ou ses prescriptions modifiées au bénéfice de cette dernière".
© 2011 APM International, vg/FB/APM polsan, VGOHI001 18/08/2011 16:37 ACTU VIP,
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