Dans un précédent article, Dr Kamal Chaouachi répondait à nos questions :
1°) Comment caractériser un consommateur régulier de narguilé ?
2°) Dans quelle mesure pourrait-on conseiller de se rabattre sur un usage exclusif du narghilé pour se libérer de sa dépendance au tabagisme ?
Nous lui avons demandé pourquoi les haltayollahs de l'anti-tabac étaient si hostiles à un dispositif aussi populaire chez les ados et les étudiants.
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UnAirNeuf.org : À votre avis, pourquoi les anti-fumeurs profèrent-ils autant de contre-vérités sur le narghilé ?
Tout d’abord, pour une raison physique : les volumes de fumée sont beaucoup plus importants. Les anti-fumeurs qui, depuis une vingtaine d’années, terrorisent les usagers de cigarettes se sont vus soudain eux-mêmes terrorisés à la vue des importants nuages de fumée produit par le narghilé. De là leur réaction hystérique que la manipulation du rapport de l’OMS (2005) par les « experts »ad hoc a particulièrement nourrie [3, 4].
Ensuite, et ce point me paraît le plus important, c’est que le narghilé nous vient d’Orient et qu’il ne sied pas que l’on fume ainsi à une époque - qui n’est plus celle de la reine Victoria ou du roi Louis XIV - où une grande partie du monde est devenue la cible d’une croisade menée au nom de « la lutte contre le terrorisme ». Des reportages télévisés ou disponibles sur la Toile montrent ainsi des fumeurs de narguilé (quand ce ne sont pas des tessons de verre de ces mêmes pipes….) près des endroits où les armées de l’OTAN larguent leurs bombes : de l’Afghanistan en 2001 à l’innommable guerre contre la Libye aujourd’hui sans oublier l’Irak [5]. Même le prestigieux British Medical Journal a récemment versé dans la haine de l’Autre en publiant récemment un point de vue du Dr Liam Farrell intitulé The prophet of nudge (critiqué ici).
Un professeur de la Sorbonne me dit un jour que, d’une manière très intéressante, mon terrain de recherche couvrait ce qu’il appelait « la faille géostratégique ». En effet, ceci expliquerait aussi pourquoi la recherche en sciences sociales est restée muette sur le narguilé. Pourtant, l'objet et les relations sociales qui l’entourent sont bien visibles. Les Sciences Humaines ont ainsi laissé, sans jamais réagir, le champ libre à une approche exclusivement médicalisée, excessivement positiviste et politisée (anti-fumeurs). Un tel silence, une décennie durant, équivaut à une forme d’acquiescement, voire de lâcheté et de complicité.
Les chercheurs anti-fumeurs (de l’OMS en particulier) ont cru à « la fin de l’Histoire » après avoir clamé à tout vent qu’un narguilé = 200 cigarettes [3] ; ou 450-900 cigarettes selon la BBC [6] ou 100, puis 40… pour le couple de plagiaires Bertrand Dautzenberg et Jean-Yves Nau. Ces derniers ont propagé le mensonge que la fumée du narghilé contiendrait, comme celle de la cigarette, près de 4000 substances chimiques (page 23 de leur « livre »). On retrouve d’ailleurs cette même erreur dans une brochure largement diffusée en France par l’OFT [7]. Or, des pharmacologues de l’Université Royale d’Arabie Saoudite en ont dénombré moins de 150 il y a de cela 20 ans (cf. l’article du Guardian). L’allégation des chercheurs anti-fumeurs invoquant une identité de nature entre deux objets chimiquement différents est donc scientifiquement fausse.
En fait, les chercheurs anti-fumeurs se sentent d’autant plus terrorisés qu’ils sont en train de se rendre compte par eux-mêmes (par leurs propres expériences) que la fumée du narguilé est moins toxique que celle de la cigarette : ceci est souligné depuis des décennies par des chercheurs indépendants de l’industrie pharmaceutique et de celle du tabac.
La recherche anthropologique montre que ce qu’il importe de considérer, ce ne sont pas les substances en elles-mêmes mais les usages (doux ou durs) qui en sont faits. Il y a des consommations douces du narghilé et il y a des usages durs. Fumer un narghilé par semaine, ce n’est pas comme s’y adonner cinq fois par jour. De même, un mésusage du charbon peut susciter l’inhalation de substances très toxiques (cf. la notion d’apprentissage dans le cadre d’une politique de réduction des risques).
Nous avons fait une mise au point au sujet de la nicotine. Rappelons que, contrairement à ce qu’affirme le rapport erroné de l’OMS [4], le tabamel ne fait pas l’objet d’une combustion comme dans le cas de la cigarette. Ce détail a des conséquences chimiques immenses. Pour ne prendre qu’un exemple récent, des chercheurs allemands ont découvert que les niveaux de nitrosamines (les substances les plus dangereuses dans le goudron) étaient beaucoup moins importants dans la fumée du narghilé (comparativement à la cigarette), ceci malgré des efforts pour « pousser » une machine à fumer le narghilé à produire le maximum de produits toxiques.
Pour terminer, il me semble important de rappeler que l’industrie du tabac (celle de la cigarette) est complice (par son silence et son financement aussi) de l’industrie pharmaceutique, dans la campagne mondiale anti-scientifique contre le narghilé (voir les deux références fournies au début). Les chercheurs anti-fumeurs de l’OMS, auteurs du rapport erroné sur le sujet, ont eu beau jeu de dénoncer l’industrie du tabac alors qu’ils ont été financés par elle… Quelle est leur crédibilité scientifique et morale ? Ces mêmes « experts » de la « waterpipe » sont actuellement financés à hauteur de plusieurs millions de dollars en vue d’une « régulation » de l’usage du tabac (via l’OMS/WHO TobReg) : interdictions, images et messages erronés sur les pipes, accessoires et paquets de tabamel, etc. Il s’agit sous prétexte de science au service de la « santé publique » d’une atteinte aux libertés [8]. Nous sommes en présence d’un totalitarisme - hygiéniste en l’occurrence - dont le prisme — trouble-fête — du narghilé permet de révéler les contours hideux.
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Références
- Ben Saad H. Le narguilé et ses effets sur la santé. Partie I : le narguilé, description générale et propriétés [The narghile and its effects on health. Part I: The narghile, general description and properties]. Rev Pneumol Clin 2009 Dec;65(6):369-75. Doi : 10.1016/j.pneumo.2009.08.010
- Snowdon, Chris. Shisha Madness: BBC and Department of Health accused of "gross exaggeration" in shisha story. 25 Aug 2009.
- Action on Smoking and Health (ASH). Shisha 200 times worse than a cigarette say Middle East experts. 27 March 2007 (prepared by Martin Dockrell) - Sub-heading: “Three leading experts from across the Middle East have warned that excluding “shisha bars” when England goes smokefree on July 1 could worsen the grave inequalities in health that already affect ethnic minorities.”
- Chaouachi K. A Critique of the WHO's TobReg "Advisory Note" entitled: "Waterpipe Tobacco Smoking: Health Effects, Research Needs and Recommended Actions by Regulators. Journal of Negative Results in Biomedicine 2006 (17 Nov); 5:17. Doi:10.1186/1477-5751-5-17
- Chaouachi K. Narghilistan. A Hot Summer in ““Waterpipe”” Blitzed Lands. Knol 2010 (Sep 25).
- Hayes, Patrick. Big trouble in ‘Little Cairo’. Spiked online 2009 (3 Sep)
- OFT (Office Français du Tabagisme ; président et spécialiste de la chicha : Bertrand Dautzenberg). Brochure sur la chicha, 2007.
- Snowdon, Chris ; A Global Prison? An interview with Dr Kamal Chaouachi. Velvet Glove, Iron Fist 2009 (8 Apr 2009)
[À suivre :
3 - « La dépendance au narguilé est une mystification »
4 - Êtes-vous fumeur régulier de cigarette ou de cigare ?]
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