Une décision de la Haute Autorité de Santé qui va faire jurisprudence au niveau international
La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de décider de dégrader l’évaluation de tous les traitements pour la "maladie d'Alzheimer", ce qui devrait à terme entrainer leur déremboursement. C’est une décision d'autant plus historique prise en l’absence de nouvelles données scientifiques entre 2007, année où il était allégué que ces traitements apportaient un Service Médical “important “ (SMR cf. note 1) et l'année 2011 où l'utilité est requalifiée "faible" (ce qui revient à "nul en prenant des gants blancs") !
Ce qui a changé entre 2007 et 2011, ce sont les experts mandatés par la Commission compétente de la Haute Autorité pour fixer la recommandation de prise en charge :
- en février 2007, l'avis est émis par des experts sous influence des firmes commercialisant les spécialités concernées (et dépendant d'elles donc) ; résultat :
* SMR "important" et
* ASMR de niveau 4 (minime).
Le manque d'impartialité a fait l’objet d’une ordonnance en Conseil d’État en faveur de l’association Formindep dont le recours a obtenu l’abrogation de ces “recommandations” ; - en juillet 2011, l'expertise réalisée par des experts sans lien d'intérêt avec les firmes pharmaceutiques concernées conclut à :
* SMR "faible" et
* ASMR de niveau 5 (absente = pas d'amélioration du tout).
La démonstration est faite que l'indépendance des experts est capable de changer totalement une donne réputée scientifique.
Est-ce transposable aux aides au sevrage du tabac ?
Si nous en avions les moyens, nous devrions procéder au même procès concernant les aides médicamenteuses et non médicamenteuses à l'arrêt du tabac. Les experts à qui l'Afssaps a demandé de statuer en 2003 étaient-ils "indépendants" des fabricants des spécialités de nicotine et autre Zyban ? Un tel projet dépasse nos ressources actuelles, mais qu'une chose soit sure : le niveau de "Service Rendu" des gri-gris pharmaceutiques pourrait se voir, de façon identique, ramené à l'épaissseur d'une feuille de papier à cigarette. Qu'il y ait 25 000 études - toutes ou presque financées par l'industrie pharmaceutique ou des partenaires de celle-ci - n'est pas probant : dans la réalité, ces produits n'ont pas d'efficacité pour l'arrêt durable.
Quelles conséquences pour la prise en charge de la démence sénile ?
Bien entendu la décision de la HAS va avoir des conséquences dommageables pour tous les spécialistes auto-proclamés de la "maladie d'Alzheimer" (nous mettons ces termes entre parenthèses car ses symptômes sont variés et peu spécifiques). Voici l'avis du Pr Mathieu Ceccaldi, neurologue au CHU de la Timone (Marseille), président du Conseil scientifique de l'association France Alzheimer :
« En tant que spécialistes, nous redoutons un impact négatif qu’aurait une telle dégradation du SMR sur la prise en charge. Les médecins traitants risquent de se dire : avec des médicaments au SMR mineur, rien de sert de faire le diagnostic, ni d’inscrire les patients dans une filière de soins.
« Nous savons, en effet, que l’arrivée de ces médicaments a permis de structurer la prise en charge. On peut craindre que cette position ne s’inscrive pas dans la dynamique positive suscitée par le Plan Alzheimer. »
Ces médicaments ont permis de "structurer la prise en charge" selon l'avis de la HAS en 2007 : "Les médicaments ont un rôle structurant la prise en charge globale des patients." Ils permettent d'établir un lien avec le patient dément et sa famille... sans effet thérapeutique notable.
Pourtant le Pr Bruno Dubois (groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris) affirme dans les colonnes du Journal du Dimanche (18.09.2011) :
« Si ces médicaments n’enrayent pas l’évolution de la maladie, ils agissent sur les symptômes et sur la qualité de vie des patients. Il y a danger à ne se fonder que sur la seule rationalité économique. Au-delà de son action sur le symptôme, le médicament est un lien entre le malade et le médecin. Cesser d’en prescrire ferait courir le risque de voir de nombreux patients disparaitre dans la nature. »
La HAS ne se laisse plus endormir par ces balivernes... « Il ne s’agit là que d’un argument de circonstance, un argument d’un autre temps sans aucune valeur méthodologique ou scientifique », rétorque un spécialiste de l’évaluation du médicament.
La conséquence de ce déremboursement sera de vider les consultations des centres spécialisés ayant pour but de prescrire des tests et des médicaments qui ne servent à rien. C'est ainsi que nous avons pu lire dans le journal Le Monde le "cri du coeur" d'un praticien hospitalier : Si on n’a plus de médicament à donner aux patients, alors il n’y a plus rien à faire avec eux... [4]. Ce Monsieur a dû oublier son serment d'Hippocrate !
Il y a un risque de vider les consultations de tabacologie médicale
Vous voyez où nous voulons en venir ? S'il n'y avait pas les dérivés pharmaceutiques de nicotine, quelles seraient les motivations des fumeurs - qui ne sont pas des "malades" du tabagisme - pour consulter un professionnel de santé pour se faire assister à cesser de fumer ? Pour que les tabacologues puissent remplir leurs consultations - aux frais de la collectivité soit dit en passant - il FAUT qu'il existe des médicaments.
Si l'on ne dispose plus de médicaments bidon, l'on n'enverra plus les fumeurs faire des tests stériles comme le score de Fagerström (qui n'a aucune validité scientifique, cf. note 2), aussi inutiles que souffler dans un CO testeur : celui qui fume sait bien qu'il fume. Cet appareil sert au tabacologue à biologiser son patient et éventuellement à vérifier les dire des anciens fumeurs sur leur abstinence.
Si l'on ne dispose plus de médicaments bidon, l'on pourra s'occuper de procéder à une aide efficace, non orientée sur des substitutions qui n'en sont pas : dispenser de la nicotine sous une forme purifiée n'est pas plus efficace que dispenser de l'alcool pharmaceutique à un alcoolique en cours de sevrage.
Si l'on ne dispose plus de médicaments bidon, il sera moins facile de recruter des cohortes de cobayes pour le test de futurs médicaments (et vaccins !) tout aussi inefficaces, puisque incapables de traiter le problème de la capacité à faire face à une envie occasionnelle de fumer, suite à une émotion par exemple.
Si l'on ne dispose plus de médicaments bidon, il faudra mettre en place de nouvelles filières d'assistance, avec des personnes diplomées en psychologie notamment.
Puisse cette décision faire jurisprudence. Permettons aux autorités de santé d'évaluer les aides à l'arrêt du tabac de façon indépendante de l'influence de médecins dont la carrière a été façonnée par l'industrie des médicaments et visant à réintégrer le fumeur dans son environnement psychologique, social, médical, biologique, culturel, familial, etc.
Gageons que nous aurons aussi quelque belle surprise : au moins on bourrera plus le mou des fumeurs avec des pseudo-solutions que tout le monde reconnait comme inefficaces dans la vraie vie. Personne n’a pu prouver jusqu’à présent que bourrer un orifice avec de la farce provoquait un orgasme aux dindes [3].
Références
- Le Service Médical Rendu (SMR) est un critère qui prend en compte plusieurs aspects :
- d’une part la gravité de la pathologie pour laquelle le médicament est indiqué ;
d’autre part des données propres au médicament lui-même que sont l’efficacité et les effets indésirables ;
- la place dans la stratégie thérapeutique (notamment au regard des autres thérapies disponibles) ;
- l’existence d’alternatives thérapeutiques ;
- l’intérêt pour la santé publique.
En fonction de l’appréciation de ces critères, plusieurs niveaux de SMR ont été définis permettant de classer les médicaments : insuffisant, faible, modéré, important, majeur.
Il y a aussi la notion d'Amélioration du SMR (ASMR), par comparaison à d'autres traitements évalués. - Jean-François ETTER, Au-delà du test de Fagerström (PPT)
- Maïa Mazaurette, 10 compétences parfaitement inutiles pour le sexe, Sexactu, 25.10.2011
- Christophe Trivalle, praticien hospitalier, hôpital Paul-Brousse de Villejuif, sans liens d’intérêts directs déclarés avec les firmes des médicaments de prise en charge de la maladie d'Alzheimer. (sic, ceci est mensonger bien sûr, mais qui ira poursuivre ce charlatan?)
Le Monde, 19.09.11, Bientôt plus de malades d'Alzheimer en France !
Il y a en France environ un million de personnes présentant une pathologie démentielle, dont 70 % une maladie de type Alzheimer ou apparenté. Seulement 380 000 sont déclarées en affection de longue durée (ALD) et bénéficient d'une prise en charge à 100 % à ce titre. Pour l'instant, nous n'avons toujours aucun traitement curatif de ces pathologies, et aucune thérapeutique n'est attendue dans les années qui viennent.
Les traitements "anti-Alzheimer" ayant été cités à plusieurs reprises comme potentiellement dangereux et inefficaces, la Commission de transparence va revoir leur service médical rendu (SMR) - qui va devenir "faible" - avec pour conséquence probable un déremboursement total ou partiel (remboursement à 15 %) de cette classe thérapeutique. Le danger d'une telle décision est d'ignorer que ce qui est fait pour ces malades repose avant tout sur la mise en route d'un traitement spécifique. Supprimer le traitement, c'est courir le risque de voir disparaître les effets positifs des trois plans Alzheimer !
Qui dit thérapeutique (même très modeste) dit diagnostic et bilan spécifique. Si on enlève ces médicaments (déremboursement ou SMR faible), l'effet domino est évident et prévisible : à quoi cela sert-il de faire un diagnostic s'il n'y a plus de traitement ? Pourquoi adresser un patient à un centre mémoire ? Pourquoi faire un suivi si on ne fait rien ? C'est la disparition assurée des centres mémoire, des réseaux et de la recherche. Cette décision désastreuse, si elle était prise, entrainerait un retour en arrière de vingt-cinq ans et une perte définitive pour la recherche française de pouvoir un jour découvrir un traitement efficace.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas revoir le prix de ces médicaments à la baisse, et qu'il n'y a pas de possibilité de faire des économies qui sont nécessaires. Mais pour l'instant et faute de mieux, il faut leur garder leur "rôle structurant", qui est très important.
Si on supprime ces médicaments, la France sera le premier pays qui verra ainsi disparaitre la maladie d'Alzheimer, car plus personne ne fera de bilan diagnostique pour une pathologie sans aucun traitement. Et on en reviendra à la démence sénile et au bon vieux gâtisme d'antan.
À lire sur le même sujet (florilège)
- Alzheimer: rembourser ou pas des médicaments qui ne servent à rien ?
La plume et le bistouri, 20.09.2011
"Il y a quelque temps, la Haute Autorité de santé avait expliqué que ces médicaments avaient un intérêt thérapeutique très limité, voir nul, mais comme ils étaient les seuls ils permettaient d’établir un lien thérapeutique avec le patient. D’où leur usage recommandé. Cette recommandation a été suspendue quand il a été noté que certains experts de la HAS, qui avaient travaillé sur le sujet, avaient des conflits d’intérêts." - La Journée mondiale Alzheimer, entre espoir et impatience
France Info, 21.09.2011 - La guerre des Alzheimer
Atoute.org, 21.09.2011
Des rumeurs sur le déremboursement des médicaments de la maladie d’Alzheimer enflamment les médias depuis une semaine. Christophe Trivalle explique que la maladie va disparaître si les médicaments sont déremboursés. Veut-il dire que la maladie est apparue avec les médicaments ? Qu’elle n’existait pas auparavant ? Quelle belle définition du Disease Mongering.
Il semble que si désastre il y a avec le déremboursement de ces médicaments, il ne soit pas forcément pour les malades. - Alzheimer: quatre médicaments à oublier
Slate.fr, 20.09.2011
La collectivité doit-elle prendre en charge le coût de médicaments pour lesquels la démonstration de l’efficacité ne peut être véritablement apportée ? - Dr Claude Leicher, président du syndicat de la médecine générale, sur France Culture le 28.01.2011
« Pourquoi continue-t-on à mettre systématiquement des personnes de plus de 80 ans qui ne demandent rien à personne sous des médicaments dont le service médical rendu est considéré comme nul et dont la toxicité commence à émerger ? Il y a beaucoup plus besoin d’un accompagnement des patients que d’une prescription médicamenteuse (…) Nous devenons prisonniers de la prescription des spécialistes parce que les patients eux-mêmes sont devenus prisonniers de ces prescriptions. Il faut retirer ces médicaments du marché. » - L'Alzheimer, ça eût payé...
EN ATTENDANT H5N1, 21.09.2011
Les médicaments servaient surtout à faire exister la "filière" de prise en charge de la maladie… À cause de la dissémination sur Internet de thèses médicales mettant en évidence la supercherie orchestrée jusque-là en toute impunité par les pontes de la spécialité, le rapport bénéfice-risque de ces médicaments inutiles et pourvoyeurs de graves effets indésirables n'est plus assuré.
Les grrrands spécialistes expliquent à des journalistes bouche bée qu'il n'y a pas de débat sur l'efficacité de ces médicaments chez les grrrrrands spécialistes (mais c'est bien ce qu'on vous reproche, crétins !).
Magnifique exemple d'une "pensée" médicale incapable d'imaginer que la maladie peut exister sans médicament, incapable de s'avouer impuissante, toujours convaincue qu'il vaut mieux donner à un patient un comprimé qu'une vérité difficile à entendre.
Ce dont les malades d'Alzheimer ont besoin, ce ne sont pas des médicaments aux graves effets indésirables vasculaires, mais d'être entourés d'aidants, d'accompagnants, d'humains. L'avoir "oublié" pour faire fonctionner la filière médicale et pharmaceutique est une honte. - Maladie d’Alzheimer : Pas question d’accepter un déremboursement des traitements !
Communiqué de Presse de Marine Le Pen, Présidente du Front National, 21.09.2011
Marine Le Pen, Présidente du Front National, demande au gouvernement de Nicolas Sarkozy de sortir lui aussi du silence, et d’assurer le remboursement à 100% des molécules anti-Alzheimer en refusant catégoriquement quelque déremboursement que ce soit. - Alzheimer : le diagnostic s'améliore
JT TF1 20h00
Un diagnostic précoce est important pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Il est heureusement de plus en plus efficace.
"On peut rassurer les gens qui s'inquiètent et qui n'ont pas la maladie. Pour les 2 % qui ont un trouble, on peut les suivre, on peut voir les problèmes, on peut discuter avec l'entourage, voir quelles sont les capacités de l'entourage à prendre en charge le patient. Plus tôt on le fait, mieux ça se passe dans l'avenir. - Les médicaments anti-Alzheimer ne seront pas déremboursés
La-Croix.com, 19.10.2011
Mercredi 19 octobre, lors d’une réunion confidentielle, la Haute Autorité de santé (HAS) a tranché : sa commission de la transparence a voté un avis sévère sur les médicaments anti-Alzheimer estimant leur service médical rendu (SMR) « faible ».
Dans le second cas, celui du SMR « faible », le remboursement chute à 15 %. Ce qui ne change rien pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, classée parmi les affections de longue durée (ALD) pour lesquels ils sont remboursés à 100 %. Reste à savoir ce que fera Xavier Bertrand. En général quand un médicament est dégradé par la HAS, il est d’usage que le ministre demande aux firmes de baisser leur prix. Une option qui n’est pas à écarter. Le cout du remboursement de ces produits anti-Alzheimer s’est élevé à 270 millions d’euros en 2010.
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