Une étude clinique sur la cigarette électronique a été présentée à la 13e réunion de la société savante européenne Society for Research on Nicotine and Tobacco (SRNT Europe) en septembre dernier [1]. Dénonçant la patascience et la science par communiqué de presse, nous avons attendu la publication de cette recherche dans une revue scientifique [2] avant d'en faire mention sur Unairneuf.org. Ce délai a aussi permis de mieux cerner les forces et faiblesses de cette étude [3, 4, 5].
Participation
- 66 personnes (38H, 28F) ont répondu à une annonce dans la presse pour "essayer un nouveau substitut plus propre pour la consommation de tabac et surveiller son impact sur les habitudes tabagiques".
- 14 personnes (9H, 5F) souhaitant une aide pour cesser de fumer ont été exclues.
- 12 personnes (3H, 9F) ont été inéligibles à cause de critères de santé prédéfinis.
- 40 personnes, 26 hommes et 14 femmes sont inclus au lancement de l'expérimentation, qui ne comprend aucun conseil pour l'arrêt.
- 27 personnes (18H, 9F) ont participé à tous les bilans intermédiaires jusqu'au bilan semaine 24 (soit 13 perdus de vue avant le bilan final).
Résultats
Pour 32,5 % des participants (13/40), la consommation quotidienne médiane de cigarette est passée de 25 cigarettes/jour à 6 cigarettes/jour lors du bilan à 6 mois.
Pour cinq participants (sur 40 au départ de l'expérience), la réduction du tabagisme atteint 80 %, passant d'une médiane de 30 cigarettes et plus par jour à 3 cigarettes.
L'irritation de la bouche (20,6 % à un mois), de la gorge (32,4 %) et une toux sèche (32,4 %) étaient fréquentes mais considérablement réduites à la semaine 24 (respectivement 14,8 %, 7,4 % et 11,1 %).
Les chiffres ci-dessus sont à considérer par les puristes en intention de traiter : le résultat est calculé non pas sur les participants toujours présents au bilan mais sur l'effectif au départ de l'expérience, en comptant les abandons comme des échecs. 13 participants sur 40 n'ont pas participé au bilan et sont considérés comme perdus de vue : pour près d'un tiers des volontaires, il peut être considéré que la cigarette électronique n'a pas donné satisfaction.
Globalement, 2 à 3 cartouches/jour ont été utilisées tout au long de l'étude. La perception des participants et l'acceptation du produit a été bonne.
Une abstinence complète de tabagisme lors du bilan à 6 mois a été constatée avec 22,5 % des participants (9/40). Ce résultat est remarquable si l'on tient compte qu'aucun de ces participants n'a souhaité de l'aide pour arrêter. Accepter de l'aide pour cesser de fumer était un critère d'inéligibilité pour entrer dans l'étude, et aucun participant de l'étude n'en a fait la requête ensuite (alors que cela était possible dans le contexte expérimental de l'hôpital).
Ces 9 arrêts du tabagisme concernent huit hommes et une femme, fumant précédemment une moyenne de 25 cigarettes par jour, depuis une moyenne de 29 ans. Six utilisaient toujours la cigarette électronique lors du bilan.
Forces de l'étude
La grande force de cette étude est d'exister : les financements pour les études sur la cigarette électronique ne sauraient venir des industriels du médicament, qui sont vent debout contre cette innovation majeure dans le domaine de la tabacologie.
Sa qualité première est de n'avoir concerné que des fumeurs NE DÉSIRANT PAS solliciter de l'aide pour cesser de fumer. Il est ahurissant - stupéfiant, déroutant, déconcertant, médusant, etc. - que ces fumeurs invétérés aient si considérablement réduit voire cessé leur tabagisme sans que cela ait été leur objectif. À titre de comparaison, nous citerons les résultats de l'étude menée sous la direction de Bertrand Dautzenberg pour des pastilles de nicotine : à l'horizon de six mois, 3,5 % des participants américains (8/230) suçant les pastilles de nicotine pharmaceutique dosées à 1 mg avaient cessé de fumer [6]. Ici les usagers de cigarette électronique ont 5 fois plus de chance d'arrêt.
Faiblesse de l'étude
Comme le remarque le Pr Polosa dans sa conclusion [2], le nombre de participants est trop faible pour qu'une preuve statistique de l'efficacité soit significativement assurée. On ne peut rien conclure de façon définitive. Attendons donc sa prochaine étude sur quelques centaines de cobayes pour dénoncer les tabacologues inféodés à l'industrie pharmaceutique. Pour le Pr Dautzenberg par exemple, dont la liste des liens d'intérêt avec l'industrie est longue comme une phrase de Proust [7] et dont la carrière dépend tant de Pfizer & Co, comme pour les tabacologues français en général, se défroquer sera délicat. Il semble cependant que certains commencent à retourner leur veste : tant mieux pour les fumeurs !
(Merci au Pr Polosa d'avoir eu la gentillesse de nous communiquer la publication dès son acceptation par BMC Public Health)
Mise à jour
(14.10.2011) Comme le commente Carl V Phillips, une qualité de cette étude est d'être proche de la réalité de l'arrêt du tabac. Il ne s'agit PAS d'une étude probante, certes, mais les mises en scène scientifiques visant à disposer d'un groupe de contrôle pour comparer n'ont aucune signification. Il s'agit de science simiesque, de "patascience".
La majorité des fumeurs abusés se rendent très vite compte de la supercherie (par exemple en leur faisant croire qu'il y a de la nicotine dans les cartouches alors qu'il n'y en aurait pas). Penser que l'on peut tromper un addict avec du Canada Dry de nicotine ne marche pas : il n'existe pas de substitut à la nicotine qui vaille...
Nos 'scientifiques' et leurs méthodologies artificielles et insensées feraient bien de cesser de nous enfumer avec des protocoles trompeurs ne reflétant pas la réalité (sans parler de leur mauvaise foi dans l'interprétation des résultats et dans la formulation des conclusions). C'est comme cela qu'ils nous rabachent depuis des années que les succédanés pharmaceutiques de nicotine 'doublent les chances de succès' d'arrêt du tabac, alors que la réalité ne le confirme pas ; quelle que soit la dose...
Références
- CATEGORIA ELECTRONIC CIGARETTES A SAFE ALTERNATIVE TO SMOKING TRADITIONAL CIGARETTES
Pr Riccardo Polosa, SRNT Europe presentation, 10.09.2011 - Effect of an Electronic Nicotine Delivery Device (e-Cigarette) on Smoking Reduction and Cessation: A Prospective 6-Month Pilot Study
Polosa R, et al. BMC Public Health 2011; 11:786 doi:10.1186/1471-2458-11-786
"Conclusion: e-Cigarettes can substantially decrease cigarette consumption without causing significant side effects in smokers not intending to quit. However, large and carefully conducted RCTs will be required before a definite answer about the efficacy and safety of these devices can be formulated." - Electronic cigarettes help to reduce cigarette smoking
CASAA, 12.09.2011A report on the clinical trial results, which showed that switching to an e-cigarette may assist smokers to reduce or eliminate cigarette smoking in 55 % of cases, will be published soon in BMC Public Health. - E Cigarette Interview with Professor Riccardo Polosa, The Ashtray blog, octobre 2011
- First Clinical Trial of Electronic Cigarettes Suggests They May Be More Effective Than Traditional NRT Products
The rest of the story, 12.10.2011 - Pharmacokinetics, safety and efficacy from randomized controlled trials of 1 and 2 mg nicotine bitartrate lozenges (Nicotinell®)
BMC Clin Pharmacol. 2007; 7: 11. doi: 10.1186/1472-6904-7-11 - Déclaration des liens d'interêt du Pr Dautzenberg (OFT) à l'AFSSAPS
Note
Cet article constitue le 994e billet de Unairneuf.org depuis 2006 et le 67e dans la seule catégorie Cigarette électronique (nous en parlons depuis 2007).
Nulle part je vois mentionné le partenariat/accord un peu gros entre le professeur/président de la ligue anti tabac italienne et l'entreprise qui vend la marque utilisée lors de l'étude et qui appose sur ses produits un logo de la dite ligue anti tabac. Ce qui en fait à mon sens sa première faiblesse
http://teciel.free.fr/blog/post/2011/09/22/Etude-italienne-sur-la-baisse-et-l-arret-du-tabac-avec-une-e-cigarette
Rédigé par : teciel | 14/10/2011 à 14:01
Teciel > Evidemment, il convient TOUJOURS de commencer la lecture de ce genre de documents par le fin : la déclaration de liens d'intérêts.
Voici ce que j'ai lu :
"Riccardo Polosa has received lecture fees from Pfizer and, from Feb 2011, he has been serving as a consultant for Arbi Group Srl.Arbi Group Srl (Milano, Italy), the manufacturer of the e-Cigarette supplied the product, and unrestricted technical and customer support."
Il est évident qu'une telle opération ne peut se mener sans la fourniture gratuite des produits testés : la quasi totalité de la recherche médicale est faite en osmose avec les industriels qui la financent. Ce qui ne favorise pas leurs intérêts est le plus souvent mis sous le boisseau. C'est ce que l'on appelle le "biais de publication" : on ne publie pas les résultats. Il en est d'autres, de nombreux autres...
Par contre, ce "partenariat" avec le fabricant italien est intéressant : comme il a de fait le monopole local du marché, il a intérêt à financer des études. En France l'offre est atomisée entre de petits acteurs raisonnant à court terme. Il convient donc de faire la part des choses...
Rédigé par : Randall | 14/10/2011 à 15:37