Pfizer, numéro un mondial de l'industrie pharmaceutique, inventeur de la varénicline (marque Champix ou Chantix° aux USA) conteste un nouveau rapport de pharmacovigilance mettant en évidence des risques majorés du sevrage tabagique avec ce médicament [1].
Champix premier facteur d'incidents graves
La base de données de pharmacovigilance de la US FDA concernant les aides médicamenteuses à la cessation du tabagisme rapporte, de 1998 à septembre 2010, 3249 signalements d'incidents graves de dépression ou de comportement suicidaire/automutilation :
- 2925 (90 %) concernent la varénicline (marque Champix de Pfizer),
- 229 (7 %) concernent le bupropion (marque Zyban de GSK, dans une indication d'aide à l'arrêt du tabac) et
- 95 cas (3 %) concernent les spécialités pharmaceutiques de nicotine dans leur ensemble.
On comprend ainsi la décision de maintenir une surveillance des médicaments de prescription bupropion et varénicline. En constatant qu'ils ne s'avèrent pas plus efficaces que la simple nicotine [3], on peut aussi se demander à qui leur maintien sur le marché profite : pas aux fumeurs !
Comparé à la nicotine pharmaceutique, le facteur multiplicatif d'incidents signalés est de
- 8,4 pour la varénicline (marque Champix de Pfizer) et
- de 2,9 pour le bupropion,
ceci bien que les substituts nicotiniques sont en vente libre depuis 1998 et la varénicline prescrite seulement depuis 4 ans environ (et cinq à dix fois moins consommée durant cette période).
Pour les suicides,
- la varénicline a été associée à 92 % des cas de suicide (272/295),
- le bupropion à 6 % des cas (19) et
- la nicotine pharmaceutique à 1 % (4 cas).
Les résultats sont similaires pour les tentatives de suicide, avec
- 85 % de toutes les tentatives de suicide rapportées pour la varénicline (323/381),
- 15 % pour le bupropion (56) et,
- moins de 1% des signalements avec les spécialités de nicotine pharmaceutique (2).
Rappelons que selon une étude de la FDA sur les comportements suicidaires sous varénicline, 44 % des cas concernent des individus sans antécédents psychiatriques.
Ces chiffres de pharmacovigilance sont à comparer à deux communications récentes de la FDA alléguant que la varénicline n'augmente pas ces risques de troubles mentaux, sur la base des cas d'hospitalisation durant un traitement d'aide au sevrage tabagique. Les personnes suicidées ne sauraient être comptées dans les admissions à l'hôpital, certes !
Quelques données extraites de l’étude [2]
Déclarations d’incidents graves :
Cas standard (SMQ) | Antibiotiques (pr référence) | Nicotine | Bupropion | Varénicline |
Suicide/ automutilation |
21 | 50 | 155 | 1819 |
Dépression et similaires |
31 | 58 | 121 | 2000 |
Cumul des signalements |
52 | 108 | 276 | 3819 |
En excluant les cas en présence d’un autre traitement connu pour induire des effets secondaires similaires (18 %), le rapport de risque avec la nicotine pharmaceutique est de :
- 11,2 fois pour la varénicline
- 3,4 fois pour le bupropion
Comparaison avec les traitements antibiotiques
En prenant pour référence les traitements antibiotiques, la fréquence de ces cas graves signalés (en données brutes, non pondérées) est :
Traitement | Antibiotique | Nicotine | Bupropion | Varénicline |
Rapport de fréquence | 1 | 3,7 | 12,7 | 41,7 |
Le constat est accablant : cesser de fumer avec l’aide de médicaments présente un risque majoré de certains effets secondaires graves. Pfizer s'assoit tranquilement sur ces statistiques de pharmacovigilance [4] : en France, la pharmacovigilance est de fait confiée aux industriels, le risque est donc bien surveillé : dormez tranquilles braves clients... Et si vous avez besoin d'un somnifère, demandez à votre médecin...
Bien sûr, l'arrêt franc n'est pas une panacée, mais ce n'est pas une raison pour gober n'importe quoi. Par précaution, ces traitements inefficaces dépendants d'une prescription médicale devraient être retirés du marché : il y faudra une bonne dose de courage politique.
Références
- New study says Chantix raises suicide risks, Reuters, 02.11.2011
- Suicidal Behavior and Depression in Smoking Cessation Treatments
Moore TJ, Furberg CD, Glenmullen J, Maltsberger JT, Singh S, PLoS ONE 6(11): e27016. doi:10.1371/journal.pone.0027016 - La seule étude clinique publiée (avec un financement Pfizer) comparant la varénicline et les substituts nicotiniques conclut à une efficacité similaire concernant l'arrêt du tabagisme après 12 mois : Varenicline versus transdermal nicotine patch for smoking cessation: results from a randomised open-label trial, Aubin et al, Thorax. 2008 August; 63(8): 717–724.
- Communiqué Pfizer, 02.11.2011 (pdf) : "Any conclusions based on comparisons between different drugs and reporting rates are not reliable."
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