Le rassemblement annuel de la Tabacologie médicale pour la promotion de l'aide à l'arrêt du tabac approche à grand pas, et Unairneuf.org profite de l'occasion pour interpeller nos "savants" réunis en conclave.
Quand la vérité dépend de la décision de la désigner comme telle et non de la réalité des choses
Ce raout francophone annuel fait se rassembler — et se ressembler — ceux qui s'intéressent au business de l'arrêt du tabac. Il a une fonction homogénéisante de partage des avis des leaders d'opinion liés pieds et poings à leurs sponsors habituels pour l'avancement de leur carrière : ceux qui ne prêtent pas allégeance sont mis à l'écart, comme le raconte le Pr Molimard. Autre effet non négligeable de se retrouver physiquement : on se sent plus fort, même si l'on doute parfois en son âme et conscience.
On se rassure béatement de vérités d'experts données comme catéchisme. Ce lien d'intérêt culturel et psychologique (et non perçu) est terriblement efficace... Organisé avec le soutien de l'industrie pharmaceutique et d'autres sponsors intéressés, il est peu probable que l'on mette en cause les scies usées du genre :
- les substituts nicotiniques doublent la probabilité d'un arrêt ;
- Champix est efficace et sans danger avéré (variante : fumer est tellement dangereux qu'à côté les risques du traitement sont de la roupie de sansonnet) ;
- faute de financement des agences de santé par leurs fabricants, il n'y a pas d'étude prouvant que la cigarette électronique est une aide à l'arrêt,
- etc. (vous pouvez compléter à votre guise avec notre rubrique Patascience).
Comme l'écrivait Montaigne, la vérisimilitude émerge non de la réalité des choses mais de la décision de la désigner comme telle [1] :
Cette apparence de verisimilitude qui les faict prendre plustost à gauche qu’à droicte, augmentez la ; cette once de verisimilitude, qui incline la balance, multipliez la de cent, de mille onces ; il en adviendra en fin, que la balance prendra party tout à faict, et arrestera un chois et une vérité entière.
Montaigne, Essais 2, 12 – Apologie de Raymond Sebond
Créant un astigmatisme scientifique de haut en bas [2], les liens d'intérêt des professionnels de santé sont devenue un risque majeur, systémique, pour la population. Que les professionnels de santé se maintiennent sous la coupe d'influences délétères n'est plus acceptable. Le temps est venu de passer aux décisions douloureuses.
L'influence de l'industrie pharmaceutique s'avère un risque sanitaire
Les affaires récentes du Mediator, des médicaments anti-Alzheimer et de vaccins divers ont montré que l'influence de l'industrie pharmaceutique est devenue un véritable risque sanitaire.
Ainsi, la mainmise médicale sur l'aide à l'arrêt du tabac crée une perte de chance pour les fumeurs. Pour preuve de son manque d'efficacité, ceux-ci sont toujours aussi nombreux malgré la stigmatisation du tabagisme passif, les interdictions qui s'accumulent et la publicité pour l'arrêt affichée sur chaque paquet.
Il est donc légitime d'affirmer que la politique sanitaire d'aide à l'arrêt du tabac est utile à ceux qui en profitent, médecins tabacologues et autres "spécialistes" d'organe recyclés notamment, plutôt qu'aux fumeurs désabusés à qui l'on dénigre toute alternative non médicale comme, par exemple, la cigarette électronique.
La cigarette électronique, objet extra-terrestre non identifié
Parmi d'autres, voici un exemple de l'ignorance "docte" : la cigarette électronique n'est pas à l'ordre du jour du colloque. Elle est pourtant devenue en quelques années un phénomène d'ampleur, des milliers de vapoteurs se déclarent enthousiastes, ce malgré une offre perfectible en termes de qualité !
Toutes les études confirment que la cigarette électronique est une aide efficace à l'arrêt du tabac. Son principal défaut est que l'arrêt se produit sans aide de spécialistes : "ange" pour certains et inversement "démon" pour d'autres, comme l'évoquait J-F. Etter lors de la réunion européenne de la Society for Research on Nicotine and Tobacco (SRNT) en septembre dernier [3]. La cigarette électronique reste objet non identifié : le rassemblement n'abordera donc pas les questions suivantes :
- Pourquoi la cigarette électronique est-elle si appréciée, au point de rendre les gri-gris pharmaceutiques quasiment obsolètes ?
- Pourquoi un tel engouement sur internet ? Quels enseignements en tirer comme pour la communication en direction des fumeurs en recherche de solutions pour cesser de fumer ?
- Pourquoi certains n'ont pas été convaincu lors de leur première expérience avec le dispositif (nous en connaissons un bon nombre) ?
- Comment objectivement conseiller une personne qui souhaite essayer la cigarette électronique, par ex. sur Tabac Info Service ?
- Comment les professionnels de santé - tabacologues, médecins, etc. - peuvent-ils introduire ce dispositif dans une stratégie d'arrêt durable (définitif) du tabagisme ?
- Comment se déroule le processus de découverte, d'essai, d'adoption, de cessation d'utilisation ?
- Y a t-il un risque majoré pour des utilisateurs non dépendants au tabagisme de devenir durablement dépendants de l'usage de la cigarette électronique avec nicotine?
- Y a t-il un risque majoré pour des utilisateurs ayant cessé le tabagisme de rechuter après un usage occasionnel de la cigarette électronique, avec nicotine, sans nicotine ?
- Et aussi : comment faire évoluer le statut du tabacologue si une transition efficace vers l'arrêt de la dépendance au tabagisme devient largement disponible ?
Les congressistes peuvent doctement se rassurer avec les sempiternelles antiennes sur un risque supposé, qui de toute évidence devrait être proche de celui des prétendus "substituts" nicotiniques [4] : il convient de protéger la manne commerciale de ces derniers. Cette absence d'examen dans le programme officiel, cette impossibilité à mettre un sujet brulant à l'ordre du jour par censure ou pression des sponsors intéressés, atteste de l'incompétence d'une profession malade de ses œillères, en plein déni de la réalité.
Références
- Cf. Jean-Pierre Hamel, citation du 14 novembre 2011
- Dans ses Essais, Montaigne affirme : "La vraie science est une ignorance qui se sait." et "Le beaucoup savoir apporte l'occasion de plus douter."
- Débat autour de la cigarette électronique ; résumé des présentations au congrès de la SRNT Europe (8-11 sept. 2011), La lettre de la SFT
- Un distributeur de cigarettes électronique nous précise que si l'abus de propylène-glycol inhalé est dangereux, l'ingestion de plusieurs litres d'eau aussi :
Marathon runners who drink too much water are at risk of a deadly condition
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- Congrès 2011 de la Société Française de Tabacologie : pour labo-tomiser ?
- Carl V. Phillips : Epistemic and Ethical Failures in Research on Electronic Cigarettes, SRNT Europe, Antalya, September 2011
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