Les Alcooliques anonymes sont bien connus et une formule qui a aidé pas mal de buveurs. Qu'en est-il pour les fumeurs avec le tabac ?
Il existe en France un réseau bénévole Nicotine Anonyme qui opère dans quelques villes. Ni "Nicothon" ni "Tabathon" : cette possibilité est restée en France très discrète ; il faut chercher pour établir le contact. Voici un témoignage - anonyme évidemment ! - d'une de ses membres, qu'Unairneuf.org remercie. Puisse t-il être utile à au moins une personne...
Je n’oublie pas cette galère où j’étais quand je fumais tout en désirant ne plus fumer
Voilà quelque temps que je désire témoigner de mon parcours dans le tabagisme. Je m’appelle M. et je suis dépendante de la nicotine. Aujourd’hui je n’ai pas fumé, ni n’en ai eu envie, et je désire vivre encore une belle journée sans nicotine, sans manque, sans nostalgie, sans grimper aux murs ni aboyer !
J’ai cette chance là, de vivre maintenant chaque journée sans fumer ni penser à fumer, quoi qu’il arrive : beau temps - mauvais temps, bon an - mal an, bon moral - triste moral, vent en poupe ou vent de front…
Je n’oublie pas toutefois cette galère où j’étais quand je fumais tout en désirant ne plus fumer - ou fumer moins, ou fumer plus tard… - et je n’y arrivais pas ; et je trépignais ; et j’en voulais aux clopes, aux fumeurs, aux non fumeurs, à moi, à mes proches… et à la vie tant qu’à faire.
Au début, bien sûr je croyais que « j’arrêterai un jour », demain, plus tard,
- quand je serai prête,
- quand j’irai mieux,
- quand je serai motivée,
- quand il le faudra…
Puis j’ai constaté que c’était plus difficile qu’il n’y paraissait : ni grossesse, ni bébé, ni travail, ni proches malades ne m’arrêtaient… Et mes propres bronchites continuelles ne m’empêchaient pas de fumer…
Est venue la litanie des tentatives, avec des aides diverses et variées :
- homéopathie,
- acupuncture,
- auriculothérapie,
- tai chi juan,
- cours de chant,
- plan de 5 jours,
- laser,
- régime alimentaire…
Et merde… rien ne marche… Et merde, je suis nulle… Pas même une seule petite journée sans fumer… toujours il m’en fallait une pour ne pas prendre les suivantes, et encore une, et encore une, juste une, rien qu’une, et encore une…
Je n’ai pas oublié, je n’oublie pas, j’aime ne pas l’oublier car, si j’oublie, je risque bien de me prendre les pieds dans le tapis, vite fait bien fait, hop ! roulée dans le tapis, comme mes belles clopes à la Lucky Luke que je roulais si bien !!! Pfffffuit, envolée ma belle vie sans nicotine…
Non merci
Non merci la rechute. Merci l’abstinence. Merci la vie de m’avoir permis de goûter ça. Merci la vie de m’avoir permis de laisser s’éloigner mon paquet de tabac, sans pleurer ni crier, sans mordre personne ni devenir barzingue. Au contraire, c’est dans le « fumage » que j’étais barzingue, dans ce fumage contre mon gré !
Barzingue ? Je vais un peu fort ? Que nenni : Je voulais arrêter, et pour ce faire je ne voulais plus avoir de clopes sur moi ; alors je ramassais les mégots dans les rues, je séchais les clopes mouillés au micro-onde, j’achetais un nouveau paquet et le jetais immédiatement dans une poubelle du square, et j’y revenais le soir même pour le récupérer ; je volais dans les poches de ma fille, je tapais les inconnus, je tapais même les SDF, ou je repartais en ville en chemise de nuit sous mon manteau et mon pantalon, et faisais des kilomètres pour trouver un buraliste ouvert ; accroupie derrière la poubelle, je me cachais de ma fille pour fumer… une dernière ! …etc. etc. etc.
Comment j’ai fait pour arrêter ? Bah je n’en sais rien ! Si je le savais, je pourrais fumer, puisque je pourrais m’arrêter ! Mon souci aujourd’hui est de ne pas oublier que je ne savais pas arrêter !!! Il m’a été donné un beau matin de ne pas allumer, et j’ai pu continuer à ne pas allumer, et les jours ont passé, les semaines, les mois et les années… Bientôt deux lustres...
Je continue de parler de cette dépendance aussi régulièrement que possible
Je continue de parler de cette dépendance à la nicotine aussi régulièrement que je peux. Pour ce faire, je continue de participer à des réunions où je peux en parler, et où je peux entendre d’autres en parler. Dans les participants, il y en a qui vont bien et d'autres qui vont mal, mais tous expriment leur désir de vivre ce jour sans fumer, quoi qu’il arrive.
Ce serait idiot de dire que ceux qui ne fument pas vont bien et ceux qui fument ne vont pas bien… Bien sûr les choses ne sont pas si simplissimes… Mais ce qui est vrai, c’est qu’à partager notre désir de vivre sans nicotine nous nous entraidons :
- ce qui était impossible devient possible ;
- ce qui était inimaginable devient envisageable ;
- ce qui était désespéré devient plausible.
La peur laisse place à la confiance, la mésestime cède la place à la bienveillance, la culpabilité s’efface devant la joie… C’est ce que je peux transmettre. Ce que chaque jour je ressens. Et ça fait maintenant presque deux lustres que je participe à des réunions de Nicotine Anonyme chaque semaine dans ma ville, et régulièrement sur internet.
C’est un soutien fabuleux que j’ai trouvé là, me permettant de prendre honnêtement la mesure de la tyrannie de la nicotine, d’admettre mon impuissance devant ce produit - et devant bien d’autres choses… et accepter que, peut-être, à plusieurs, dans l’honnêteté, l’humilité et la compréhension, on pourrait éventuellement s’en sortir… Et ça a marché. Et ça marche encore. Je voulais partager cela avec vous.
Je ne suis pas là dans quelque cabotinage ou mièvrerie, je suis chaque jour dans l’étonnement de me voir sortie de cet esclavage où j’étais, sortie de prison et heureuse hors de la prison (ce qui n’est pas si évident que ça ! Ceux qui y sont passés comprendront).
Merci de votre lecture. Peut-être cela vous encouragera à essayer une nouvelle porte. N’hésitez pas, vous ne risquez que de vous faire du bien, non ? Donnez-vous une chance ! Écrire m’a aidée moi-même, et c’est déjà ça !
Très cordialement.
M.
Références
- Site Nicotine Anonyme France
- Pour particper au forum Nicotine Anonyme francophone, écrire à :
[email protected]
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VRAIMENT UN MAGNIFIQUE TEXTE, très bien rédigé ou l'on se dit "mais c'est tellement vrai..."
Petite pointe d'humour quand on lit le passage sur les mégots au micro onde... mais en fait ce n'est pas drole du tout... Quand on en est arrivé à ramasser les mégots et à taxer les inconnus, on se sent tomber bien bas, d'où l'engrenage de la culpabilité...
Merci pour cette lecture géniale.
Rédigé par : esther51 | 15/12/2011 à 06:59