L’étude du Dr Polosa sur l’usage de la cigarette électronique auprès de fumeurs sans intention d'arrêter de fumer avait montré que 22,5 % des participants (9/40) étaient devenus complètement abstinents de tabac lors du bilan à six mois[1]. Pour la plupart des autres participants, une importante réduction du tabagisme était constatée. Même si cette étude ne présente pas de puissance statistique suffisante, elle corrobore les constats faits dans les nombreux forums spécialisés.
Près d'un quart des fumeurs sans intention d'arrêter de fumer à qui l’on met à disposition une cigarette électronique cessent spontanément complètement la cigarette. Qu’en est-il quand un groupe de fumeurs actuellement non motivés pour cesser leur tabagisme se voient proposé de la nicotine pharmaceutique en complément d’un programme de six semaines d'aide à l'arrêt ? C’est ce que présente une étude récente [2].
Le programme d'aide à l'arrêt était conçu pour accroitre
- la motivation,
- la confiance en soi et,
- les capacités à faire face au sevrage.
Deux groupes de volontaires furent répartis aléatoirement, le premier sans aide pharmaceutique, le second avec offre de substitution nicotinique. Les participants ont été suivis à 6 mois pour comparer les résultats. Les participants au groupe bénéficiant de nicotine de substitution se virent offrir des échantillons de pastilles de nicotine à sucer en vue d'améliorer leur acceptation des pharmacothérapies et de promouvoir l'usage des différentes possibilités d’aide à l'arrêt.
Comparé au groupe de participants bénéficiant seulement du programme d'aide, l'option de substitution nicotinique augmente la probabilité d'une tentative d'arrêt, qui passe de 40 % à 49 %. La probabilité d'une abstinence durant 24 heures augmente de 34 % à 43 %. Le traitement nicotinique de substitution a marginalement majoré la probabilité d'une abstinence de sept jours ou plus pendant la durée de l'étude. À six mois, il n'y a pas de différence significative de taux d'arrêt entre les deux groupes : 14 % et 16 % (RR=1,15, intervalle de confiance 0,9-1,6).
La conclusion des auteurs est :
"Nicotine therapy sampling during a practice quit attempt represents a novel strategy to motivate smokers to make a quit attempt".
Si nous comprenons bien, ce qui est une stratégie innovante, c'est de proposer de la nicotine pharmaceutique aux participants d'un programme d'aide à l'arrêt, quand bien même cela n'augmente pas leur chances de succès à l'horizon de 6 mois. L'examen des liens d'intérêt des auteurs avec les industriels du médicament pourrait-il expliquer cette bizarrerie ?
L'interprétation alternative que nous vous proposons est plutôt : auprès d'un public sans intention manifeste de cesser le tabagisme, l'usage de palliatifs de nicotine n'augmente pas la probabilité d'arrêt à moyen terme. Ce qui est augmenté, c'est la probabilité de tentatives suivies d'échec, donc une augmentation de la culpabilité et du scepticisme concernant ses chances d'arrêt durable du tabac.
Certes le recours à la cigarette électronique n’est pas encore recommandé, officiellement parce que l’on ne dispose pas assez de recul sur les risques d’un usage prolongé, avec l'hypothèse qu'ils pourraient être supérieurs à ceux des dérivés de nicotine homologués par l'industrie pharmaceutique. Mais il y a un tel écart dans les résultats qu’il ne sera pas tenable longtemps d'écarter l’une pour favoriser les autres :
- avec la cigarette électronique, sans autre forme d’aide : 22,5 % d’arrêt du tabac à 6 mois
- avec un programme de six semaines d’incitation à l’arrêt et des substituts nicotiniques : 16 %
L’offre médicale et pharmaceutique officiellement recommandée n’est pas compétitive. Est-ce que ceux qui en font la promotion veulent réellement aider les fumeurs ? On peut maintenant en douter.
Références
- Une nouvelle étude clinique met en évidence la capacité de la cigarette électronique à permettre une réduction durable voire l'arrêt complet du tabagisme
- Nicotine Therapy Sampling to Induce Quit Attempts Among Smokers Unmotivated to Quit,
M. J. Carpenter, J. R. Hughes, K. M. Gray,A. E. Wahlquist, M. E. Saladin, A. J. Alberg ;
Arch Intern Med. 2011;171(21):1901-1907. doi:10.1001/archinternmed.2011.492
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