Le rapport révolutionnaire publié sous la direction de John P. Pierce dans la Revue annuelle de santé publique 2012 (US Annual Review of Public Health) questionne à nouveau la pertinence des politiques d'aide à l'arrêt du tabagisme.
L'étude examine les taux d'arrêt au cours des dernières décennies et constate que malgré la multiplication de centres d'aide pour l'arrêt du tabac (quitlines) et l'utilisation croissante des médicaments d'aide au sevrage du tabac comme les substituts nicotiniques ou la varénicline, depuis 10 ans les chances de l'arrêt du tabac ne se sont pas améliorées [1].
Aux États-Unis, à tous les âges, la proportion de personnes
qui réussissent à arrêter de fumer est au point mort
L'étude relève que si le nombre de tentatives a considérablement augmenté au cours des dix dernières années, le taux de cessation du tabagisme n'a pas changé. Cela signifie que l'usage accru de produits pharmaceutiques d'aide au sevrage tabagique et des lignes d'assistance tabacologique n'ont pas permis d'accroître le nombre de fumeurs arrêtant durablement de fumer.
L'étude affirme également que les recommandations pour le sevrage tabagique, établies par un panel d'experts en 2008, n'est pas fondée sur des preuves, car elles recommandent que tous les fumeurs soient traités avec des médicaments d'aide à l'arrêt du tabac, alors que les données scientifiques suggèrent que l'arrêt franc est plus efficace. Selon les statistiques présentées [3],
- à l'échance de trois mois le taux moyen d'abstinence pour les fumeurs de moins de 15 cigarettes/jour est de :
- 17 % avec une assistance d'un tabacologue (coaching par téléphone ou autre),
- 19 % avec substitution nicotinique et
- 26 % pour l'arrêt franc sans aide organisée ;
- pour les fumeurs 15 cigarettes et plus par jour, le taux d'arrêt du tabagisme à l'échéance de trois mois s'élève à :
- 10 % avec une assistance d'un tabacologue (coaching par téléphone ou autre),
- 9 % avec substitution nicotinique,
- à comparer à 15 % pour l'arrêt sans aide.
Les auteurs écrivent :
« Aux États-Unis, la mise à jour 2008 des recommandations de pratique clinique comme la Commission mixte de recommandations de pratique du sevrage tabagique dans les hôpitaux 2011 indiquent que chaque fumeur puisse être traité avec une aide pharmaceutique. Compte tenu des données ci-dessus, il semble que cette recommandation est basée sur une science douteuse… La majorité des ex-fumeurs ont réussi sans assistance. »
La publication conclut:
« Dans les essais randomisés, les aides pharmaceutiques ont augmenté de façon significative l'arrêt chez les gros fumeurs acceptant une aide pour cesser le tabagisme. Ces résultats ont encouragé les services publics à recommander vivement que les aides pharmaceutiques soient utilisées dans toutes les tentatives d'arrêt, et beaucoup ont fourni gratuitement de la nicotine aux fumeurs sollicitant les lignes d'assistance tabacologique.
A ce jour, il n'existe aucune preuve que ces politiques conduisent à une augmentation des arrêts du tabagisme dans la population. Que l'arrêt du tabac n'ait pas augmenté malgré la croissance des moyens alloués suggère qu'il est urgent de revoir la politique actuelle de lutte anti-tabac. »
Lire le reste de l'histoire en anglais sur le site du tabacologue Michael Siegel [2] : son analyse montre que la politique de prévention est essentiellement basée sur les avis de scientifiques qui ont des conflits d'intérêts et ont reçu de l'argent des compagnies pharmaceutiques qui fabriquent les médicaments d'aide au sevrage tabagique.
Mise à jour 11.05.2012
Pour l'American Council on Science and Health (ACSH), la guerre menée par les autorités de santé (OMS, FDA, etc.) contre les industriels du tabac est la cause d'une perte de chance. Il existe des présentations de tabac et de nicotine sans grand risque : on empêche les fumeurs de pouvoir en profiter.
American Council on Science and Health, 02.05.2012 : Smoked-out: Science obscured by public policy on quitting
Financial conflicts of interest between doctors and pharmaceutical companies might be the source of this ongoing problem. Dr. Gilbert Ross (ACSH Medical/Executive Director) sees it differently:
“I feel that deeply entrenched (and well-deserved) antipathy toward the tobacco companies based on their duplicitous behavior over the 20th century is at least as important as simple corruption in driving this trend. But whatever the actual reason for the abandonment of science by public health authorities, the victims are the 45 million addicted smokers who want to quit. This shameful situation needs to be changed by allowing truthful communication about the relative risks of the spectrum of smokeless tobacco products and alternative low-risk nicotine delivery systems that can actually help smokers quit.”
Références
- Quitlines and Nicotine Replacement for Smoking Cessation: Do We Need to Change Policy?, Pierce J P., Cummins SE, White MM, Humphrey A, Messer K. ; Annual Review of Public Health, Vol 33:12.1-12.16, 2012.
- New Study Reveals that Widespread Use of Nicotine Replacement Therapy and Quitlines Has Not Increased Cessation Rates; Quitting Cold Turkey Still Best
The rest of the story, 19.01.2012 - Source : Quitting success in the United States by method used to quit: 2002–2003. Data from the Tobacco Use Supplements of the Current Population Survey (TUS-CPS),
U.S. Dep. Commer., Bur. Census. 2007. Current Population Survey, January 2007: Tobacco Use Supplement (panel représentatif de 2 832 fumeurs).
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