« Qui ne dit mot consent » affirmait en son temps le pape Boniface VIII « qui tacet consentire videtur ». La dés/information tabacologique continuant de plus belle, nous sommes désolé d'avoir une fois encore à dénoncer la logorrhée de médecins invités à répétition dans les médias. Même pour une bonne cause, les mensonges sont une faute !
Ainsi mercredi 1er février 2012, le sujet de l’émission Le téléphone sonne sur France Inter animée par Alain Bedouet était [1] :
Locaux non fumeurs, 5 ans après :
quel bilan pour la loi d'interdiction de fumer au travail ?
avec pour invités
- Dr Marielle Dumortier, médecin du travail,
- Pr Yves Martinet, Président du Comité national contre le tabagisme, Chef du service de pneumologie du CHU de Nancy, et
- Dr Anne Borgne, tabacologue en Seine-Saint-Denis.
L’interdiction de fumer au travail n’a pas fait varier d’un iota le nombre de fumeurs en France : une des raisons de cette déconvenue peut être attribuée aux impertinents conseils des tabacologues médicaux. Nous vous proposons encore cette fois d'analyser les propos stupéfiants du Dr Borgne, en deux étapes :
- la transcription in extenso de ses principales interventions (ci-après),
- leur décryptage et les remarques de UnAirNeuf.org (Un exemple de désinformation médiatique décrypté).
[Échanges sur les rapports fumeurs/non fumeurs en entreprise, interventions de Dr Dumortier et Martinet, puis Alain Bedouet sollicite Anne Borgne] |
Anne Borgne (9’40) : Je réfléchissais à l’application de la loi d’une part mais aussi à l’axe d’action que peuvent avoir les entreprises, qui serait de proposer des aides à cette problématique de la dépendance tabagique à leurs salariés. Il y a des associations ou des ‘systèmes’ qui vont dans les entreprises. Moi ça m’est arrivé de faire ce genre d’action et d’aller dans l’entreprise informer les fumeurs en groupe sur ce que c’est que la dépendance, comment on peut les aider et on est très étonné du nombre de personnes qui finalement dont cette intervention va permettre une décision de changer. Cela ne veut pas dire qu’ils vont arrêter du jour au lendemain, on connait la difficulté, la nécessité de la maturation d’une décision mais on va participer à quelque chose pour qu’ils essayent de changer et peut-être que les entreprises peuvent financer ces campagnes d’aide à l’arrêt et des traitements pour aider les gens à arrêter s’ils en ont besoin. |
Alain Bedouet (lit un message de Laurence, Fréjus) : « On entend maintenant dire et je l’ai lu aussi dans des magazines que certains produits anti-tabac, les gommes mais aussi et surtout les patchs ne seraient que très peu efficaces. Qu’en est-il vraiment ? » |
Anne Borgne (11’06) : Il y a en effet un article qui a été publié récemment dans une revue américaine et dont la conclusion, je résume ici, était « Les traitements de substitution nicotinique ne sont pas efficaces. » Ça a été repris par les médias. On s’est aperçu que cette étude quand même avait des biais dans sa réalisation et que c’était une étude rétrospective qui avait interrogé des fumeurs deux ans, sur une période de deux ans… je ne veux pas entrer dans les détails parce que c’est un peu compliqué. Et je me dis aussi qu’on se trompe de mesure parce qu’on mesure l’abstinence à deux ans d’un traitement qu’on a pris pendant trois mois alors que tous les traitements d’aide à l’arrêt du tabac, que ce soient les substituts nicotiniques ou d’autres traitements, leur efficacité est de réduire le syndrome de manque et donc d’être une des armes qui vont aider ces fumeurs à arrêter de fumer. Mais les traitements ne vont pas faire que leur environnement va aller mieux, que leur dépression, s’ils en ont une, va être guérie, que leur décision va se maintenir avec le temps. C’est un bras de levier pour agir sur les signes de manque qui vont pousser les gens à refumer. Donc ce qu’on devrait mesurer quand on mesure l’efficacité de ces traitements, c’est la diminution des signes de manque. |
Question d’auditeur : Pierre Rémy (Nice, 18’30) Bonsoir, je voulais simplement répondre au docteur Anne Borgne sur un point, celui de la dépendance à la nicotine. En fait, j’ai eu le plaisir de suivre un médecin sur Lyon, le docteur Emmanuel Khalatbari, qui clame depuis 35 ans qu’il faut arrêter de mentir aux fumeurs. Alain Bedouet : Alors on ment aux fumeurs ? Non, non mais bon ! Hein, euh… Alors ? |
Anne Borgne : La dépendance à la nicotine n’a plus besoin de faire ses preuves. Les neurosciences ont montré qu’il y avait une vraie dépendance à la nicotine. On a même montré quels étaient les circuits cérébraux et quels neuromédiateurs étaient impliqués et cette dépendance est similaire à la dépendance à l’alcool, à la dépendance aux opiacés, à la dépendance à la cocaïne, etc. Les mécanismes comportementaux et psychologiques sont les mêmes. Je crois qu’on ne peut pas faire cette preuve. Je connais le docteur Khalatbari de nom et je pense que ce qu’il dit n’est pas la vérité. |
Référence
- Le téléphone sonne - France Inter, mercredi 1er février 2012 :
Locaux non fumeurs, 5 ans après : quel bilan pour la loi d'interdiction de fumer au travail ?
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