Le Snus est une spécialité de tabac oral utilisée par les marins depuis des siècles : sa vente est interdite en France en vertu d'une réglementation de l'Union Européenne [1]. La question se pose de la levée de cette interdiction dans le cadre d'une refonte plus générale de la politique européenne concernant les produits du tabac.
Deux articles incitent à réagir aujourd'hui.
- Le premier est celui publié par Christopher Snowdon, un historien anglais s'activant contre la prohibition du tabac et d'autres produits de consommation, notamment l'alcool, au nom de l'hygiènisme [2].
- Le deuxième est un coup de gueule de Larry Waters, "Swedish Snus Ambassador to the United States", pour le compte du magazine SnusCENTRAL.org [3].
Le Snus présente un risque, mais beaucoup moindre que celui de fumer
Les récents billets de Christopher Snowdon rappellent que l'on sait déjà depuis 25 ans que le Snus, si sa consommation est aussi addictive que le tabac fumé, est beaucoup moins dangereux. La Suède est le pays d'Europe où l'on fume le moins et où la prévalence du cancer du poumon est la plus faible.
Dans une lettre du 28 juin 1984, Sir Richard Peto [4] écrivait à un confrère médecin :
I have given some further thought to the question of how many cancer deaths would be likely to be caused each year if one-third of the British population were to become habitual tobacco suckers. If about a quarter of the British population took to dipping 100 gms of tobacco a week, then in the long run “only” some 500-1000 excess deaths/year would result. [...]
I suggest you assume that the adoption of Skoal Bandit-like products by a quarter or a half of the British population will cause about 1000 cancer deaths a year. In contrast, tobacco smoking currently causes about 100,000 British deaths a year!
- The risks are not zero
- The risks can probably be reduced by immediately commissionable laboratory research;
- The risks are much, much less than those of cigarette use.
The final thing you need is to know whether they will help avoid tobacco. No proof is possible, but it is noteworthy that among women in North Carolina, where both products have been widely available for decades, the proportion of smokers among snuff-dippers is only one-third as great as that among non-dippers, and even among those dippers who smoke, mean cigarette consumption is significantly lower than among non-dippers who smoke.
Sir Peto conclut par ce mots :
"Le véritable message, c'est qu'il y a un risque, mais beaucoup moindre que celui de fumer et qu'une transition de grande ampleur à ces produits pourrait probablement sauver beaucoup de vies."
Un panel d'experts [5] a confirmé ces propos en 2004 : interdire le Snus est contraire à la santé publique. Le Professeur Molimard, inventeur du néologisme "Tabacologie" et fondateur de son enseignement, en détaillait les arguments dans son support de formation [6].
Une politique qui a fait plus de morts en 25 ans que la 1ère guerre mondiale
La décision de l'Union Européenne d'interdire le Snus est criminelle. Nous allons montrer qu'en 25 ans, elle a pu tuer plus d'européens que la Grande Guerre de soldats. C'est un petit calcul approximatif, dont les ordres de grandeur sont corrects.
- La Grande Guerre a tué 9 millions de soldats, sans compter les blessés et les "effets collatéraux".
- L'Union Européenne compte 500 millions d'habitants.
- En arrondissant, le tabac tue en France chaque année 60 000 personnes ; rapporté à 60 millions d'habitants recensés (sans compter les roumains en situation irréguière, roumains qui sont les premiers fumeurs en Europe soit dit en passant...), cela fait un décès imputé au tabagisme pour 1000 citoyens.
- On peut donc estimer - toujours grossièrement, la précision ici n'a pas d'importance - le nombre de décès dans l'Union Européenne dus au tabac à 500 000/an. Ce chiffre est effrayant ! Mais ce qui est plus effrayant encore, c'est que le massacre est connu depuis 25 ans.
En adoptant l'hypothèse (conservatrice) de Russell de 1985 [7] selon laquelle la mortalité due au tabac fumé est 50 fois plus importante que celle due au tabac oral, une substitution totale réduirait le chiffre de 500 000 décès par an à 10 000/an. En extrapolant sur 25 ans, puisque ces données datent des années 1985, si tous les fumeurs étaient passé au tabac oral - et en négligeant le fait que beaucoup auraient cessé tout tabagisme bien avant leur décès - le nombre de morts 25 x 500 000 = 12 500 000 aurait été réduit à 250 000. L'écart est de 12 millions 250 000 vies perdues évitables. Tout ceci pour protéger les intérêts bien compris d'industriels puissants capables de corrompre les décideurs de Bruxelles. Et même en considérant une répartition 50/50 de la consommation entre tabac fumé et tabac oral, les chiffres sont sans appel.
Combien de temps va durer le massacre ?
L'Union Européenne s'apprête à prolonger l'interdiction de la vente de Snus en Europe pendant quelques décennies supplémentaires [3]. Le pire n'est pas certain, mais une note confidentielle ayant 'fuité' nous apprend qu'elle envisage même de rendre le Snus invendable en Suède, en y interdisant l'usage d'arômes, comme cela est en vue pour le tabac fumé. C'est la révolution dans ce pays démocratique, où un référendum populaire aboutirait très probablement à un retrait de l'Union si une telle directive entrait en vigueur. Il faut savoir que l'exception faite à la Suède lors de son entrée dans le Marché Commun avait été accordée pour permettre son adhésion : sans Snus, pas d'adhésion ! On les comprend.
Alors les questions que nous posons ici sont les suivantes :
- Qui osera défier les lobbys de Bruxelles et faire sauter une interdiction de vente criminelle (dès lors que l'on dit que le tabac TUE) ?
- Qui osera défendre qu'une politique de réduction du risque est préférable à une chimère de prohibition, défendue mordicus par les ripous à la Commission Européenne qui préfèrent des décès évitables à la baisse des ventes des 'partenaires' qui la financent ;
- Qui osera dire qu'interdire les arômes sans interdire le menthol est une supercherie, dès lors que c'est le principal additif facilitant l'entrée dans le tabagisme des jeunes ?
- Que fera le Parlement Européen, seule instance démocratique se préoccupant des citoyens avant les intérêts industriels, en l'occurence ceux de Big Pharma et de Big Tobacco réunis ?
Références
- Réduire le risque du tabagisme : le snus scandaleusement interdit dans l'Union Européenne
- Velvet Glove, Iron Fist ; 12 & 18 avril 2012 : Snus: they knew all along et (part 2)
- No Snus Allowed in Sweden? EU Moves Against Snus
- Membre de la Royal Society depuis 1989, décoré de la Médaille Royale de l'académie des sciences britanniques en 2002, Sir Richard Peto est l'un des épidémiologistes les plus renommés au monde. Trois Médailles Royales, connues également sous le nom de Médailles de la Reine, sont décernées chaque année par le souverain, dont deux pour les plus importantes contributions dans le domaine des sciences naturelles.
- The relative risks of a low-nitrosamine smokeless tobacco product compared with smoking
cigarettes: estimates of a panel of experts. Levy & al.;Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2004; 13(12):2035-42. - Robert Molimard, Snus (2005) www.tabacologie.fr/mes_documents/snusversion090305.pdf
- Buccal absorption of nicotine from smokeless tobacco sachets
Russell MA, Jarvis MJ, West RJ, Feyerabend C. ; Lancet. 1985 Dec 14;2(8468):1370.
À lire sur le même sujet
- Useless scientific advice from the EU, Clive Bates, 29.09.2007 et l'ensemble de ses anciens articles de référence sur la question dans Comment from Clive Bates :
There is now the opportunity of the new directive to replace the ban with a regulated market in reduced-risk smokeless tobacco. Just so you can see that the public health community has never been united in its view on this, here are a few posts from me on smokeless tobacco and harm reduction:
Killing by the million: and that's just the health campaigners "If there is a reason to be a Euro-sceptic, then this is one of the strongest – deliberate denial of access to products that are much lower risk to people that are addicted to nicotine."
Saying stupid things with fake sophistication - a critique of ASH Scotland's position statement on smokeless tobacco: "jaw-dropping in its idiocy".
Mass killing machine making lots of money "One danger is that fussy, insular and instinctively authoritarian public health people will continue down the evidence-free path of blocking these developments and insist that for smokers it has to be ‘quit or die’. On the other hand, and more positively, tobacco companies may see smokeless products as a way of doing business with less death and disease and persuade regulators that they needs some regulatory tweaks to make it work – for example it is still impossible to tell smokers the truth about relative risks, and much public effort go in to obscuring it."
Useless scientific advice from the EU including a submission to the committee evaluating smokeless tobacco, and a more complete critique of what they were doing and how they were going about their work.
The European Commission continues to rely on the work of this committee to justify its stance in favour of banning lower risk products, yet the terms of reference, the assessment and its interpretation were all thoroughly flawed and easily discredited.
- Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks, Health Effects of Smokeless Tobacco Products, Preliminary Report, 21.06.2007 (pdf)
"Due to insufficient evidence it is not possible to draw conclusions as to the relative effectiveness of smokeless tobacco as an aid to smoking cessation in comparison with established therapies."
"The Swedish data, with its prospective and long-term follow-up do not support the hypothesis that smokeless tobacco (i.e. Swedish snus) is a gateway to future smoking."
"It is not possible to extrapolate the patterns of tobacco use from one country where oral tobacco is available to other countries due to societal and cultural differences."
- Nicotine ou chique (NRT contre ST), Pr Robert Molimard, Alter-tabacologie, 16.06.2010
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