L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait choisi comme thème de sa Journée mondiale sans tabac en 2011 "La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac" (CCLAT) [1]. Dans sa présentation, l'obligation de "mettre les politiques de santé publique à l’abri des intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac" venait en première position remarquions-nous alors. Pas étonnant que cette première contrainte de ce traité ait les honneurs des media l’année suivante. Nous y voila, avec une affiche on peut plus explicite.
Dissiper un écran de fumée pour mieux en masquer un autre ?
"Mettre les politiques de santé publique à l’abri des intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac" ? Bien sûr, comme le remarque un dossier du journal Le Monde [2], les marchands de cigarette ont usé des pires méthodes pour développer leur marché et leurs gigantesques profits. Mais quand on veut faire la leçon, il est souhaitable de ne pas être complice d’autres firmes internationales se livrant aux pratiques les plus débridées pour écouler leur came-lote, quitte à rendre les gens dépendants ou malades.
Ce qu'omet de préciser l'Organisation Mondiale, c'est que rompre les liens d'intérêt avec l'industrie du tabac (Big Tobacco) n'est pas mieux que se mettre sous la coupe des industriels du médicament : Big Pharma, dont les pratiques ne sont pas plus reluisantes. Il n'y a qu'à prendre l'exemple de la vaccination massive des enfants contre la grippe A (H1N1), pour lequel nous avions alors été réquisitionné par ordre ministériel. Cet épisode piteux de la gestion de la grippe A H1N1 aura montré l'opacité des modes de fonctionnement de l’OMS et sa résistance à reconnaître ses liens avec les industries du médicament et du vaccin [3].
L'Organisation Mondiale de la Santé est majoritairement financée par des fonds privés, donc non gouvernementaux, comme le sont en France les agences sanitaires compétentes sur le médicament, avec les résultats que l'on sait. Plus des trois quarts de son budget proviennent d'intérêts privés, notamment Big Pharma via des fondations trop altruistes pour être honnêtes. Le contrôle démocratique de l'Organisation Mondiale de la Santé est un mirage. La dernière assemblée générale a montré l’intérêt pour les maladies chroniques des pays développés (solvables) et les obstacles aux projets pour les maladies ouliées des pays en développement. Opaque et corrompue par les intérêts privés, l'OMS n'est plus légitime à imposer ses politiques [4].
L'OMS refuse toute alternative de réduction du risque au profit exclusif de substituts pharmaceutiques notoirement inefficaces
Attaquer “le tabac” permet de ne pas viser directement les fumeurs : cela les stigmatise et crée des réactions de défense. Mais le problème sanitaire n’est pas le tabac ! C’est la cigarette. Il existe des alternatives au tabac fumé dont la consommation comporte peu de risques. Nous avons parlé ici du Snus, des pastilles Camel Orbs [5], du narghilé, etc. On peut légitiment se demander pourquoi l’OMS exclut des possibilités de consommer du tabac sans risque…
Ce qui est en jeu n’est donc pas la santé des populations mais plutôt les revenus des entreprises finançant l’OMS. Ce qui est en jeu, c’est la manne des industriels du médicament, riches et puissants, qui ont tout à perdre d’options entamant leur monopole.
Big Pharma, comme les industriels du tabac créent délibérément de l'ignorance pour favoriser leurs objectifs commerciaux
Pour protéger ses intérêts, Big Pharma crée autant d’ignorance que Big Tobacco, avec des procédés similaires. Business first ! Dans une économie mondialisée, les pratiques sont similaires d’un secteur à l’autre. La Santé n’est pas plus éthique que le Tabac comme nous allons le voir.
Dr Nicole Delépine, responsable de l'unité d'oncologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches dénonce : "La médecine n'est plus au service du patient, mais d'un système marchand" [6]. UnAirNeuf.org l'a déjà dénoncé dans ces articles :
- Fausses pandémies : une menace pour la santé
- Experts de l'Organisation Mondiale de la Santé : des mercenaires à la solde de l'industrie (3)
Dans son article Grippe A : « Ils ont organisé la psychose » publié par l'Humanité le 7 janvier 2010, Bruno Odent interviewait Wolfgang Wodarg, président de la commission santé du Conseil de l’Europe. Nous pouvions y lire :
Président de la commission pour la santé du Conseil de l’Europe, l’allemand Wolfgang Wodarg - médecin et épidémiologiste - accuse les lobbys pharmaceutiques et les gouvernements. Il a obtenu du Conseil de l’Europe le lancement d’une enquête sur le rôle joué par les laboratoires dans la campagne de panique de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) au sujet du virus de la grippe dite 'porcine'.
et rappeler les manipulations de l’OMS qui ont coûté quelques centaines de millions d’euros à notre Assurance Maladie au seul profit de laboratoires gourmands ; sans compter quelques effets secondaires soigneusement mis sous l’étouffoir.
Si le Comité National contre le Tabagisme (CNCT) a raison de dénoncer (le 29.05.2012) L’ingérence de l’industrie du tabac : ce qu’il faut savoir, il lui reste à réaliser que sa proximité avec le business médico-pharmaceutique puisse être tout autant préjudiciable. La reprise de la consommation de tabac en France résulte autant de l’ingérence de l’industrie du tabac et de ses alliés dans les politiques publiques que de l'activisme de Big Pharma pour les stratégies médicamenteuses de prise en charge du tabagisme, inefficaces et condamnables pour cette raison.
Le tabagisme passif, pour faire peur
Dans notre article Dénoncer les pratiques de l’industrie ? Brisons l'omertà médicale aussi ! [7] nous révélions les manipulations autour des risques du tabagisme passif, notoirement exagérés pour les besoins de la Cause de nos croisés de l’Anti-tabac.
Dans le chapitre “Je plaide coupable” de son ouvrage de référence La Fume (Éditions De Borée, 2011), Robert Molimard raconte :
L'histoire d'un article sur le tabagisme passif publié en 2003 par le respecté British Medical Journal est édifiante. Les auteurs, Pr Enstrom et Kabat avaient commencé voici 40 ans une enquête portant sur 120 000 personnes, financée par des fonds publics. Ce financement a été interrompu à mi-parcours, au dire des auteurs parce que les résultats préliminaires n'allaient pas dans le sens souhaité. Pour pouvoir continuer leur travail, ils ont accepté un financement de l'industrie du tabac. Leur conclusion fut que les effets nocifs du tabagisme passif auraient jusqu'ici été grossièrement surévalués.
La qualité de cet important travail a été jugée assez satisfaisante pour que le sévère Comité de Rédaction du journal accepte de le publier. Les réactions à cette publication ont été d'une violence inouïe, les auteurs étant accusés de fraude, et le journal étant sommé de faire amende honorable et de refuser à l'avenir tout article suspect d'avoir reçu un financement des tabagiers. La réponse du Rédacteur en Chef fut qu'il se basait sur des critères purement scientifiques, et qu'il ouvrait en contrepartie ses colonnes à toute critique. Il ajoutait que s'il se mettait à refuser des articles en fonction des financeurs d'un travail et de l'a priori que les résultats en seraient faussés, il n'aurait plus guère de textes à publier…
Dans une conférence tenue à l'Hôpital Saint Anne à Paris le 9 décembre 2010 : Croyances, manipulations et mensonges en matière de lutte contre le tabac, son réquisitoire est sévère ! (cf. Le Courrier des Addictions n°11, Vol.13:n°1 (2011/01-02-03), p. 15-17, pdf)
La grande imposture en matière de tabac a été la publication du rapport 1988 du Surgeon General. De façon strictement incompréhensible, si l'on ne fait pas la relation avec le lancement sur le marché de la gomme à la nicotine, il a été intitulé "Nicotine Addiction".
- La prémisse majeure de ce qui semblerait un syllogisme est : "Le tabac crée une puissante addiction'.
- La prémisse mineure : "Le tabac contient un poison neurotrope, la nicotine"
- D'où découle la conclusion : "Donc la nicotine est responsable de l'addiction au tabac".
Mais on ne peut d'évidence tirer une telle conclusion. Une foule d'autres hypothèses sont possibles, il y a même des arguments majeurs à lui opposer, ne serait-ce qu'aucun cas de dépendance à la nicotine seule n'a été décrit depuis l'isolement de cette substance, bien avant sa commercialisation médicamenteuse. Cela ne manque pas d'étonner quand on sait la propension des toxicomanes à explorer les extraits purifiés de leurs plantes favorites. Il ne s'agit donc pas d'un syllogisme, mais d'un pur sophisme, car aucune preuve formelle de dépendance à la nicotine seule n'a encore été apportée.
Il est même des études qui tendent à montrer que la nicotine, seule, n’induit pas de dépendance : celles de l’équipe de J-P. Tassin [8] font référence.
Et nous ne nous étendrons pas sur ces dizaines de publications bidon visant à justifier la prohibition du tabagisme dans les lieux public par une réduction des hospitalisations pour incidents cardiaques : toute la communauté mondiale ou presque – notamment quelques français – nous a menti avec de la patascience [9].
La fraude scientifique est une pratique bien partagée
La malhonnêteté scientifique est en croissance incontrôlée. Depuis La Souris truquée. Enquête sur la fraude scientifique écrit par William Broad et Nicholas Wade, on peut affirmer que la fraude est devenue une industrie.
Pas plus tard que ce mois-ci, Virginia Gewin révèle que 13 % des médecins ont eu connaissance de publications mensongères ou de malhonnêteté scientifique : “In January, a survey in the British Medical Journal found that of the 2,782 doctors and academics that responded, 13% had first-hand knowledge of misconduct.” [10].
L'étude des moyens de produire de l'ignorance est devenue une science à part entière : l'agnotologie
Lire aussi cet article de Stéphane Foucart dans Le Monde daté du 04.06.11 sur la fabrication volontaire de l'ignorance par les scientifiques : L'ignorance : des recettes pour la produire, l'entretenir, la diffuser (€). Et si vous voulez creuser un peu, relire Genèse d’un nouvel obscurantisme scientifique.
L'agnotologie est un terme forgé par l'historien des sciences Robert N. Proctor en 1992 : l'étude des moyens de produire de l'ignorance, de la préserver et de la propager. Tous les moyens mis en place par les industriels (tabac en premier, puis amines aromatiques, amiante, éther de glycol, aspartame, etc.) pour créer de la controverse leur permettent de retarder le moment où leur produit se vendra moins. Pour cela, elle a besoin de la "science", enfin de l'apparence de la science.
Quand Big Tobacco fait la leçon à Big Pharma…
Et sous avez encore besoin d’un dernier exemple, relisez De multiples biais dans les études d'efficacité des aides médicamenteuses au sevrage du tabac.
Hormis quelques cas de malversations individuelles, la pression économique fait perdre la tête à nos responsables, scientifiques, administratifs et politiques. Il est difficile de faire l’économie d’un esprit critique aiguisé pour ne pas se faire avoir par ces “écrans de fumée” qui nous voilent l’horizon. Le monde est ainsi fait.
Là où cela devient intéressant, c’est quand l’industrie du tabac US se met à vendre des produits réduisant les risques du tabagisme :
Il ne semble pas que ces initiatives soient défensives : elles ciblent la juteux monopole des palliatifs de nicotine de Big Pharma, que l’on sait maintenant sans utilité pour améliorer la réduction durable du tabagisme dans la population. Entendre des affidés de l’industrie pharmaceutique pourfendre « le tabac » pendant que les industriels du tabac proposent de nouvelles présentations de nicotine éliminant quasiment les dégâts sanitaire du tabagisme est assez rocambolesque.
Mise à jour 11.06.2012
Nous prenons connaissance des rapports de l'association Public Citzen concernant le développement effayant des pratiques frauduleuses de l'industrie pharmaceutique aux USA :
Pharmaceutical Industry Is Biggest Defrauder of the Federal Government Under the False Claims Act, New Public Citizen Study Finds
Public Citizen, 16.12.2010
The drug industry has now become the biggest defrauder of the federal government, as determined by payments it has made for violations of the False Claims Act (FCA), surpassing the defense industry, which had long been the leader, according to a new Public Citizen study released today. The fraud results were a key finding from a Public Citizen analysis of all major pharmaceutical company civil and criminal settlements on the state and federal levels since 1991 and found that the frequency with which the pharmaceutical industry has allegedly violated federal and state laws has increased at an alarming rate. Of the 165 pharmaceutical industry settlements comprising $19.8 billion in penalties during the past 20 years, 73 percent of the settlements (121) and 75 percent of the dollar amount ($14.8 billion) have occurred during the past five years. Full report here http://www.citizen.org/hrg1924.
Rappelons aussi cette autre information : les effets indésirables des traitements médicamenteux TUENT 200 000 patients en Europe chaque année. C'est l'Agence Européenne du Médicament (EMA) qui le dit :
No medicine is inherently safe, and all can potentially have harmful side effects, known as adverse drug reactions (ADRs). Currently, some 197 000 people in the European Union (EU) die each year as a result of ADRs.
Source : www.ema.europa.eu (pharmacovigilance legislation)
Mise à jour 03.07.2012
GlaxoSmithkline: il ne faut pas prendre les patients pour des canards sauvages
Stéphane Lauer, 03.07.2012
Le laboratoire britannique GlaxoSmithkline (GSK) vient d’être condamné à 3 milliards de dollars pour mettre fin à des poursuites des autorités américaines. Ce qui en fait la plus grosse amende jamais versée dans le domaine de la santé. Abbott avait été récemment pris lui aussi la main dans le sac, tout comme Pfizer, qui avait écopé d’une amende de 2,3 milliards de dollars, pour un marketing inadéquat de ses médicaments.
Références
- Thème de la prochaine Journée mondiale sans tabac : la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT)
- Guerre secrète du tabac : la "French connection", Le Monde, 25.05.2012
- Experts de l'Organisation Mondiale de la Santé : des mercenaires à la solde de l'industrie (3)
- L'Assemblée mondiale de la Santé s'achève sur de nombreuses mesures en faveur de la santé mondiale, Organisation Mondiale de la Santé – 30.05.2012
- Camel teste les bonbons à la nicotine
- Cancérologie : "La médecine n'est plus au service du patient, mais d'un système marchand", Atlantico, 27.09.2011
- Dénoncer les pratiques de l’industrie ? Brisons l'omertà médicale aussi !
James E Enstrom, & Geoffrey C Kabat, ; Environmental tobacco smoke and tobacco related mortality in a prospective study of Californians, 1960-98 ; BMJ 2003;326:1057
The results do not support a causal relation between environmental tobacco smoke and tobacco related mortality, although they do not rule out a small effect. The association between exposure to environmental tobacco smoke and coronary heart disease and lung cancer may be considerably weaker than generally believed.
- Tabac : entretien avec Jean-Pol Tassin, professeur au Collège de France
- Genève: Réfutation cinglante d'une thèse pataphysique sur les bienfaits de la lutte contre la "fumée passive létale":-)
- Virginia Gewin , Research: Uncovering misconduct, Nature 485 , 137-139 (2012) doi:10.1038/nj7396-137a Published online 02 May 2012
- Jean-François Etter et John Stapleton, Citations to trials of nicotine replacement therapy were biased toward positive results and high-impact-factor journals, Journal of Clinical Epidemiology, 2009.