La Haute Autorité de Santé (HAS) s’apprête à réviser la recommandation de l’Afssaps de 2003 sur les stratégies d’aide à l’arrêt du tabac. Cette recommandation "de bonne pratique" avait été élaborée, comme beaucoup d’autres, sur la base d’une expertise en situation incontrôlée de conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique. Le résultat en était la promotion d’interventions médicamenteuses peu ou pas efficaces, voire présentant une balance bénéfice/risque défavorable. UnAirNeuf.org en avait fait une critique détaillée [1, 2].
Dans une lettre adressée le 27 juin 2012 au Président de la Haute Autorité de Santé, le professeur MOLIMARD résume les connaissances scientifiques sur les effets sanitaires du tabagisme et de la nicotine sur les fumeurs. Elles mettent en évidence la nécessité d’une expertise indépendante de l’industrie pharmaceutique pour élaborer de nouvelles recommandations fiables concernant l'aide (de professionnels de santé) à ceux qui veulent cesser leur tabagisme.
Ce document exceptionnel, synthèse de 35 années de recherches par le pionnier de la tabacologie en France, gagnera à être lu et relu par les soignants et le public soucieux de connaître le rôle réel de la nicotine dans la dépendance au tabagisme et l'utilité prétendue de ses dérivés comme aide à sa cessation.
L’intégralité de la lettre est publiée sur le site du Formindep et peut être téléchargée en format pdf. UnAirNeuf.org la commentera dans les semaines à venir [3] ; sans attendre, voici sa conclusion :
Nous ne disposons hélas d’aucune médication suffisamment efficace pour faire l’objet d’une recommandation, qu’il s’agisse de la nicotine sous toutes ses formes, du bupropione (Zyban°) ou de la varenicline (Champix°). Le niveau de preuve de leur efficacité est très faible et critiquable. Les médecins sont formatés à la prescription quasi-obligatoire de ces produits par une littérature scientifique biaisée et des leaders d’opinion liés par des conflits d’intérêts, et par la demande d’une population conditionnée par les revues grand public et la publicité. Le rôle des autorités de santé serait d’apporter une information objective à l’égard de ces produits, dont l’activité n’est guère supérieure à un effet placebo, mais avec des conséquences financières qui grèvent inutilement le budget des familles et de l’Assurance Maladie. Une analyse sérieuse me semble ne pouvoir conclure qu’à un très faible rapport bénéfice/coût ou risques. |
Robert MOLIMARD
Formindep, 27 juin 2012
Références
- Les recommandations médicales concernant les aides à l'arrêt sont contestables
- Lecture critique des recommandations AFSSAPS (2003) concernant les aides à l'arrêt du tabac
- L’addiction à la nicotine est un mythe avertit Pr Molimard (1/3), (2/3) et (3/3)
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