Ni l'assistance d'un tabacologue ni les palliatifs de nicotine n'augmentent aux USA les chances d'un arrêt du tabac : l'arrêt franc reste plus probable écrivait UnAirNeuf.org en début d’année, sur la base d’une étude solide. Nous en trouvons un nouvel indice concordant dans la nouvelle vague d'enquête de grande ampleur Eurobarometer commandée par la Commission Européenne sur le tabagisme [1]. Le rapport présente l’avis d’un échantillon représentatif de citoyens des 27 nations de l’Union sur le tabac et la cessation du tabagisme.
Concernant l’usage d’aides au sevrage comme les palliatifs de nicotine, les médicament d’aide au sevrage, la consultation d’un service de tabacologie, etc. deux statistiques sont présentées :
- la première concerne l’usage éventuel par les fumeurs interrogés d’aides en cas de tentatives de cessation du tabagisme durant les 12 derniers mois écoulés ;
- la seconde statistique indique ce taux d’utilisation d’aides pour par d’anciens fumeurs ayant réussi à arrêter de fumer.
Si les aides sont efficaces comme cela est prétendu massivement,
- sur les ondes,
- à la télévision,
- dans la presse magazine,
- sur les tables des bistrots,
- dans les hall de gare, etc.
on s'attend intuitivement à ce que le taux d’utilisation des aides ait été plus élevé en cas de succès. Voici les réponses de l'enquête :
Nombre d’aides utilisées pour tenter d’arrêter de fumer :
AUCUNE pour 67 % des européens interrogés en moyenne (n=2174).
Nombre d’aides utilisées pour réussir à cesser le tabagisme :
AUCUNE pour 80 % des européens interrogés en moyenne
(arrêt franc pour 75 % des anciens fumeurs français).
Les deux tiers des fumeurs s'aident 'tout seul' et celles et ceux qui ont refusé les aides augmentent apparemment leurs chances de réussir dans leur tentative ! Ces chiffres sont similaires à ceux d'une précédent étude publiée aux USA en 2007 [2].
La morale de l'histoire est illustrée dans la fable de La Fontaine :
Or bien je vas t’aider, dit la voix ; pren ton foüet.
Je l’ay pris. Qu’eſt cecy ? mon char marche à ſouhait.
Hercule en ſoit loüé. Lors la voix : Tu vois comme
Tes chevaux aiſément ſe ſont tirez de là.
Aide-toy, le Ciel t’aidera.
Jean de la Fontaine, « Le Chartier embourbé », in Fables, livre sixième, 1692-94
“Aide-toi, le ciel t’aidera”
Reste à analyser le paradoxe. Une première façon de penser serait de considérer l'écart relatif entre 67% et 80% et donc qu’un fumeur augmenterait de 20 % ses chances de succès en se passant d’aide. C’est possible, mais ce serait comparer des poires et des (bonnes) pommes. Vous voyez l’erreur de raisonnement ? La base de calcul n’est pas la même : les 'poires', toujours fumeurs, sont ceux qui affirment avoir fait confiance à des aides se révélant peu efficaces. Dans le deuxième cas (les pommes), la population concernée n’est constituée que de personnes ayant réussi à cesser le tabagisme. Il ne s'agit pas de la même classe : les confondre serait une sérieuse erreur logique.
Et quand bien même on constaterait, pour filer la métaphore, que manger des pommes durant la période de sevrage augmente le taux de réussite [3, 4] encore faudrait-il prouver un lien de cause à effet. Ces réponses sont peut-être simplement le fait du hasard ou de 'facteurs confondants' comme il est d'usage de dire, introduisant un biais :
- il peut y avoir des biais de souvenir (on se souvient plus précisément des tentatives associées à la prise d’un produit) ;
- les personnes qui ont recours à des aides sont peut-être plus fragiles physiquement ou psychologiquement que celles qui s’en passent ;
- les échantillons statistiques ne sont pas assez importants pour que cela soit statistiquement significatif, etc.
- enfin, lire Molimard ou Allen Carr constitue une aide ou pas ? C'est une affaire d'interprétation.
Donc n’en tirons pas de conclusion infondée. Les constats de terrain contredisant cependant les expérimentations bien contrôlées ("scientifiquement" disent-ils) des chercheurs en blouse blanche financés par des industriels intéressés et – très – malins se multiplient et convergent. La théorie d'une "dépendance neurobiologique à la nicotine" a du plomb dans l'aile. Les autres composantes sociales, psychologiques et comportementales prédominent sur le maintien du comportement : la médecine y est aussi nue que hors sujet.
Le temps est venu, en suivant des experts reconnus au plan international comme Pierce [5], Chapman [6] ou Molimard [7], de reconsidérer la propagande officielle sur ces “aides” à la cessation du tabagisme dont l'utilité reste douteuse. Il y a forcément mieux à faire.
Références
- Tobacco Eurobarometer 72.3, Union Européenne DG Sanco, mai 2010
- Factors Associated With Successful Smoking Cessation in the United States, 2000
Chung-won Lee and Jennifer Kahende; Am J Public Health. 2007 August; 97(8): 1503–1509. doi: 10.2105/AJPH.2005.083527
Using data from the National Health Interview Survey 2000 (using a representative sample of the US population including 7421 current smokers and 6995 former smokers), it is reported that 75.7% of successful quitters (abstinent for 7–24 months) stopped by using the cold turkey method without pharmaceutical assistance, compared with 12.4% who used nicotine patches or gum. For those who attempted but failed to quit in past year : 72.1 % stopped at once or cold turkey, and 16.2 % used nicotine patch or gum. - Cette affirmation sera bientôt passible de poursuites, cf. Pétition pour le droit à une santé naturelle
- A Longitudinal Evaluation of Fruit and Vegetable Consumption and Cigarette Smoking
Selon cette étude, la consommation régulière de fruits et de légumes multiplierait par trois les chances pour un fumeur de réussir à cesser durablement le tabagisme - Quitlines and Nicotine Replacement for Smoking Cessation: Do We Need to Change Policy?, Pierce J P., Cummins SE, White MM, Humphrey A, Messer K. ; Annual Review of Public Health, Vol 33:12.1-12.16, 2012.
- La plupart des fumeurs cessent le tabagisme par arrêt franc rappellent les chercheurs
- La Haute Autorité de Santé mise en demeure de mettre à jour les recommandations sur les aides à la cessation du tabagisme de façon indépendante de l'industrie pharmaceutique par le Formindep et le Pr Molimard
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Salut.
Voilà bientôt une dizaine d’années que j’essaie tant bien que mal de convaincre mon père qu’il devrait arrêter de fumer. Cela me touche énormément en sachant qu’il se tue à petit feu et qu’il ne sera peut-être là pour voir ses petits-enfants. Mais quand il n’y a pas de volonté, rien n’est possible.
Rédigé par : Annais | 16/08/2012 à 15:31