Dans une lettre au Président de la HAS adressée le 27 juin 2012 au nom de l’association Formindep, le Pr Robert MOLIMARD résume les connaissances scientifiques sur l’effet réel de la nicotine chez les fumeurs. Avec leur accord, UnAirNeuf.org en publie trois extraits. Les références indiquées sont celles de la lettre que nous vous invitons à lire dans son intégralité jusqu’à la conclusion déconcertante que nous avons déjà publiée (cf. note 1) !
Justification des formes galéniques de nicotine
La nicotine est un produit naturel depuis longtemps décrit, tout comme ses procédés d’extraction ou de synthèse. Rien de ce qui la concerne n’est donc plus brevetable. Son prix est extrêmement faible par rapport à la dose toxique. Les compagnies pharmaceutiques ayant en vue une commercialisation devaient donc faire face à un problème de rentabilité. Comprimés ou solutions de nicotine à ingérer étaient des formulations simples peu onéreuses, exposées sans protection à la concurrence. Il fallait absolument augmenter le "cadre de prix".
La solution vint de l’exploitation de l’effet de premier passage hépatique. L’argument est que la nicotine ingérée est absorbée par voie intestinale. Elle serait amenée au foie par la circulation porte, où elle est détruite avant d’atteindre la circulation générale ; ainsi elle serait donc inefficace. Il fallait donc imaginer des voies d’administration court-circuitant le foie. Les muqueuses buccale et nasale et la peau sont drainées par des veines périphériques. Le sang gagne alors directement le cœur droit d’où, après le circuit pulmonaire que peut éviter un inhaleur, le cerveau. Ont été ainsi mis au point gommes, patches, inhaleurs, spray nasaux à forte valeur ajoutée et brevetables.
Une objection majeure est que la destruction de la nicotine ingérée par le foie n’est pas totale. On sait depuis longtemps qu’un tiers de la dose ingérée y échappe et accède directement à la circulation générale [5]. Au pH de l’organisme, un tiers de la nicotine n’est pas ionisée et très liposoluble. Elle peut suivre l’absorption des graisses par le canal thoracique, évitant le foie. Ainsi, avaler simplement 4 mg de nicotine dans un verre d’eau en apporterait 30 % dans le sang artériel, soit 1,2 mg, exactement ce que fournit une gomme à 4 mg.
On a beaucoup insisté sur les 7 à 9 secondes que met la nicotine d’une bouffée de cigarette inhalée pour arriver directement au cerveau. Un pic de nicotinémie serait ainsi renouvelé à chaque bouffée, réalisant des "shoots" cérébraux répétés de nicotine. Ils sont considérés comme d’importance capitale pour l’établissement et l’entretien de la dépendance, et expliqueraient le succès de la cigarette. Cependant, la tomographie à positrons a montré que de tels pics n’existaient pas au niveau cérébral. La nicotine marquée s’y accumule très progressivement pour atteindre un maximum en 5 minutes environ [6]. Plus simplement, les chiqueurs ou priseurs de tabac en sont extrêmement dépendants, sans être sujets à de tels pics.
Le développement de la nicotine commerciale
Karl Fagerström, diplômé de psychologie en 1975, travaille pour sa thèse avec la gomme LEO. Il propose en 1978 un test pour évaluer la dépendance des fumeurs, le Fagerström Tolerance Questionnaire (FTQ). Le titre est neutre et assez incompréhensible, mais Fagerström exprimait par ailleurs clairement que le but était de mesurer une dépendance à la nicotine, jugée expliquer la dépendance au tabac [7]. En 1983 il intègre la firme devenue Pharmacia & Upjohn en tant que Directeur de l’information scientifique sur les substituts nicotiniques [Pharmacia a été repris ensuite par le groupe Pfizer].
Commentaire
Les industriels n’ont cessé de jouer sur le risque qu’il y a à fumer, justifiant le développement, la promotion et le subventionnement de produits censés aider au sevrage. Ils y sont parfaitement parvenus grâce à un artefact : on aide les fumeurs en leur fournissant une forme alternative de la substance censée les maintenir dans la dépendance et dont le manque leur serait insupportable.
Note
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