Dr Béatrice Le Maitre, médecin du travail et praticien hospitalier au CHU Caen a été prise en flagrant délit de mensonge lors de son interview au journal de 20h00 de TF1 le 1er octobre dernier : Journal télévisé 20h de TF1, le 1er Octobre 2012 : La cigarette électronique, moins dangeureuse pour la santé ?
Elle y affirme au sujet de la cigarette électronique (1’27) :
Les études récentes montrent qu'un certain nombre de jeunes vont commencer à entrer dans le tabagisme par ces produits là.
Mensonge que voila.
Madame Le Maitre évoque deux enquêtes, l’une en Pologne, l’autre à Paris, communiquées lors du dernier congrès d'une société savante de tabacologie, la SRNT Europe (Society for Research on Nicotine and Tobacco), le 1er septembre 2012.
Il est effectivement probable que les jeunes qui vont dans les bureaux de tabac et y voient des e-cigarettes les essayeront un jour, comme ils essayent les cigarettes. C'est l’apprentissage des adolescents qui leur fait tout essayer
- interdit ou non,
- bon ou mauvais pour la santé,
et de se faire leur propre opinion des choses. La différence avec les cigarettes de tabac, c'est qu'essayer le vapotage ne rend pas accro : il n'y a pas de piège qui se referme sur ceux qui sont fragiles par rapport aux addictions.
Et il n'y a aucune raison de fantasmer sur un risque d'initiation au tabagisme pour un produit qui, au contraire, conduit un pourcentage impressionnant de gros fumeurs adultes complètement dépendants depuis de longues années à abandonner le tabac sans même faire vraiment exprès. Il est donc probable que le vapotage ne favorise pas - mais alors pas du tout - le tabagisme. Rappelons les propos des Pr Molimard et Tassin : la nicotine seule ne suffit pas à rendre dépendant [1]. D’ailleurs les timbres transdermiques (patchs) à la nicotine ne rendent pas accro…
L’enquête de Paris sans tabac
Une question concernant les cigarettes électroniques a été ajoutée dans l'enquête annuelle menée par l'association Paris Sans Tabac dans les établissements scolaires parisiens sur un échantillon de 2 % d’écoliers tirés au sort [2]. La proportion d’écoliers non fumeurs de tabac déclarant avoir testé la cigarette électronique (de leur parents ?) s'élève à 5 pourcent des réponses. En déduire que cela les mènera à fumer du tabac n'est pas argumenté.
Relevons qu'il ne s‘agit pas d’une étude publiée, révisée et validées par les pairs, comme il est de coutume de faire par rigueur scientifique. Nous n’avons pas connaissance des données et des détails de la méthodologie de ce qui est une enquête, ce qui permettrait une analyse critique. La science sans capacité à la critique et à la réfutation, ce n’est pas de la science. Puisque c'est une étude publique, ce qu'il faudrait réclamer, c’est l'ensemble des données brutes afin d'en faire des analyses indépendantes. Parce que là ce sont des statistiques choisies, et on peut leur faire dire à peu près n'importe quoi.
Notons en outre que cette enquête est déclarative. Les jeunes, 3409 élèves de 12 à 19 ans, disent ce qu’ils veulent. Et l’on sait qu’ils mentent passablement lors d’enquêtes sur le tabagisme.
Une étude scientifique en Pologne
Cette étude largement documentée a fait l’objet d’une publication et nous pouvons en apprécier les détails et les limites. Une grande enquête a été menée sur 13 787 jeunes polonais en formation initiale de différentes régions, représentative d'un effectif total de 3 426 897 personnes âgées de 15 à 24 ans et 17.9 ans en moyenne [3].
En voici la conclusion (nous soulignons) :
L'un des soucis actuels concernant la cigarette électronique est qu'elle pourrait initier au tabagisme. Dans notre étude, seule une petite fraction des étudiants n'ayant jamais fumé a expérimenté la cigarette électronique (n=4443) : 3,2 %, à comparer à 29,5 % des personnes consommant du tabac. Et seulement 1,4 % des jeunes non fumeurs ont vapoté dans les 30 jours précédant leur réponse à l'enquête.
Nous ne sommes cependant pas mesure d'apprécier les modes d'usage de la cigarette électronique ni si elles ont constitué une entrée dans le tabagisme.
La cigarette électronique peut-elle rendre dépendant ?
La cigarette électronique est un produit destiné aux fumeurs dépendants, en leur permettant de s’affranchir de cette dépendance sans recours aux gri-gris pharmaceutiques (ni aux tabacologues). Les jeunes qui voudront absolument essayer de vapoter le feront, comme ils essayent d'autres produits autrement plus risqués que leurs parents craignent qu'ils essayent; ils le feront aussi si les e-cigarettes sont complètement interdites pour tout le monde. Il n’existe aucune étude montrant que l’expérimentation de la cigarette électronique soit une entrée dans le tabagisme. L'intérêt peut n'être que passager… c'est une curiosité, mais recharger tout le temps… pfff, c'est un peu la galère.
Est-ce que vapoter avec de la nicotine peut rendre dépendant ? Personne n'en sait fichtre rien. On n'a pas de données, et nous n'en n'aurons pas de sitôt. Peut-être que nous n'en aurons jamais, ce qui ne veut pas dire que le cas est impossible. On a rencontré des gens devenus accros aux gommes à la nicotine sans avoir jamais fumé auparavant [4]. C'est apparemment lié au geste de mâcher longuement et de façon répétée : mâcher crée une habitude, alors avec la nicotine qui est un marqueur, c'est courant.
Il faut comprendre qu'une dépendance, cela ne s'installe pas comme ça. On est dépendant à un comportement, en général appris, non à un seul produit. Jeûnot, on apprend à crapoter, puis à avaler la fumée de tabac. La nicotine seule (par exemple avalée) ne rend pas dépendant. Les patchs ne rendent pas dépendant : il n'y alors a pas de comportement de consommation. D’ailleurs ce produit pharmaceutique est rapidement insupportable à la majorité de ses utilisateurs.
Le comportement du vapotage avec nicotine pourrait éventuellement entrainer une addiction. Ceci dit, tant qu'une étude (prospective - ça réduit les possibilités de manipulation) n’est pas publiée, nous n’avons aucune raison de penser que cela puisse être autre qu'exceptionnel.
En outre la dépendance est - en général - la réponse à une souffrance. C'est parce que l'on veut éviter la sensation de manque que l'on allume une nouvelle cigarette, dont l'effet est temporaire : fumer est un engrenage de souffrances soulagées comme l’a si efficacement vulgarisé Allen Carr. Le principal motif de la dépendance n'est - contrairement à certaines théories - pas la recherche de plaisir : heureusement que l'on peut se faire plaisir sans en devenir systématiquement dépendant ! Et ce n'est pas parce qu'un ado va s'amuser à aspirer sur une vapoteuse qu'il va en devenir addict.
Comparé à la vapeur de cigarette électronique, la fumée de tabac c’est dégueulasse
Même en supposant que la cigarette électronique induise une dépendance, quel risque y a t-il à passer ensuite au tabac ? Madame Le Maitre, faites l’expérience et dites-nous ce qui est le plus agréable : fumer ou vapoter ? Quiconque compare saura que la probabilité de passer d’un produit agréable et amusant (sans risque) à un autre - irrespirable - est bien ténue. C'est d'autant plus vrai que le propylène glycol qui génère la vapeur se marie bien avec des arômes sucrés à base de fruits ou de bonbons.
Certes, il peut y avoir d’autres raisons pour fumer du tabac : y mettre des 'adjuvants' comme on dit, dont nous ne voudrions donner une liste pour ne pas en faire la promotion à l’insu de notre plein gré. Mais c’est une toute autre question (certes importante).
On peut imaginer que d'ici quelques années, les jeunes préfèrent vapoter que se mettre à fumer. Pour l’instant ce n’est pas encore la tendance dans les cours d’écoles. Qui sait si vapoter ne serait pas une façon pour le jeune de se protéger d’un risque bien supérieur ? Voila qui ferait un bien beau sujet d'étude pour une tabacologie indépendante, mais ne rêvons pas.
Madame Le Maitre, votre prétendue “science” n’est rien de plus que de la propagande
La seule et unique raison pour laquelle les tabacocologues comme Mme Le Maitre sont vent debout contre la cigarette électronique est que cela rend obsolètes leurs pseudo-solutions “recommandées” à la noix, inutiles, juste créatrices de déceptions répétées. La santé des fumeurs est annexe : business first. Ce n’est pas beau de mentir. Le vrai souci des tabacologues, c'est de geler le marché de la cigarette électronique le temps qu'une version labélisée Pfizer (ou GSK) soit homologuée et qu'ils puissent la prescrire.
Merci Madame Le Maitre de nous avoir donné une occasion de dénoncer votre mensonge, comme UnAirNeuf.org est susceptible de le faire systématiquement. Vous ne faites pas honneur à votre nom : votre "science" n’est rien de plus que de la propagande. Permettez-nous de vous rappeler l'article R.4127-3 du code de la santé publique :
Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine.
Références
- La Haute Autorité de Santé mise en demeure de mettre à jour les recommandations sur les aides à la cessation du tabagisme de façon indépendante de l'industrie pharmaceutique par le Formindep et le Pr Molimard
- E-cigarette, un nouveau produit pour l’initiation au tabac des écoliers parisiens
Bertrand Dautzenberg & al., résumé des présentattions SRNT Europe 2012, traduction française et discussion : ecigarette, un nouveau produit pour les adolescents, forum-ecigarette.com, 24.09.2012 - Electronic Cigarette Use Among Teenagers and Young Adults in Poland
Maciej Lukasz Goniewicz & al., Pediatrics doi:10.1542/peds.2011-3448
Accepted for publication May 31, 2012 (merci à M. Goniewicz d’avoir bien voulu nous communiquer cette publication) - Cf. La chanteuse Jessica Simpson révèle son addiction aux chewing-gums à la nicotine
À lire dans la série des mensonges tabacologiques
- La tabacologie médicale en plein déni scientifique... par voie de presse !
- La compétence en tabacologie est-elle soluble dans l'industrie pharmaceutique (Anne Borgne, France Inter) ?
- La compétence en tabacologie est-elle soluble dans l'industrie pharmaceutique (DG Sanco, Commission Européenne) ?
- La compétence en tabacologie est-elle soluble dans l'industrie pharmaceutique (Christina Gratziou, ERS) ?
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