La Cour des Comptes vient de remettre au Président de l’Assemblée Nationale son (volumineux) rapport d’évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme [1]. En voici quelques extraits. Les références sont numérotées comme dans le rapport, le titrage est de nous.
Il y a une perle précieuse sur l’indépendance de la prise de décision publique. Celle-ci serait mieux justifiée encore si toutes les parties concernées étaient écoutées, notamment les fumeurs, qui constituent un tiers de la population et sont les principaux acteurs de toute politique…
Conclusions et recommandations
La Cour souligne que l’effort d’éducation et de prévention comme les actions d’encouragement et de soutien à l’arrêt du tabac mériteraient d’être considérablement renforcés, à travers la mobilisation de tous les acteurs nationaux et locaux.
Les expériences étrangères l’attestent, le renforcement des actions de proximité conditionne plus particulièrement l’efficacité des mesures globales de la lutte antitabac auprès des groupes les plus à risque d’entrée dans le tabagisme, ou les plus en difficulté pour en sortir.
Les limites rencontrées en France dans l’action de réduction de la prévalence, conçue de manière trop centralisée, devraient donc inciter à renforcer significativement le développement d’actions de terrain, notamment auprès des jeunes, relayant les campagnes nationales et coordonnées avec elles. Elles appellent également la mise en place au niveau local des actions ciblées sur des groupes spécifiques (jeunes, femmes enceintes, précaires, migrants) associant de façon coordonnée prévention et aide à la sortie du tabagisme.
Commentaire : selon la Cour, il convient de décentraliser et dé-médicaliser les actions de prévention, ce que UnAirNeuf.org préconise, cf. Neuf recommandations de rupture pour 2009 publié il y a quatre ans jour pour jour.
Malheureusement le tropisme du contrôle médical, pour s'assurer que les "recommandations" (de prescription de médicaments inutiles notamment) sont bien suivies à la lettre, impose vite ses prérogatives (cf. ci-après). Ce contrôle médical est un échec complet, pourquoi le renforcer encore et encore ? Le tabagisme gagnerait à être considéré comme un phénomène social (et psychologique) avant qu'il devienne sanitaire.
La Cour formule les recommandations suivantes
- faire de la prévention du tabagisme une priorité à part entière de la politique d'éducation à la santé du ministère de l'Education nationale dans le primaire comme dans le secondaire, explicitement intégrée à la formation des enseignants, et associant tous les professionnels concernés ainsi que les parents et partenaires extérieurs ;
- organiser un parcours d’aide au sevrage prévoyant un accompagnement systématisé par un professionnel de santé de premier recours (médecin traitant, pharmacien, voire infirmière),en coordination avec la ligne Tabac info service et avec des centres d’arrêt du tabac pouvant assurer une prise en charge individualisée ;
- renforcer à cet effet les consultations d’addictologie dans les structures hospitalières et médicosociales, en y identifiant des compétences spécialisées en tabacologie ;
- faire prendre en charge le sevrage tabagique par l’assurance maladie dès lors qu’il s’inscrit dans un parcours d’accompagnement ou qu’il concerne des groupes cibles, notamment en remboursant les substituts nicotiniques comme des médicaments.
L’efficacité perçue de différentes mesures pour limiter la consommation de tabac
L’efficacité perçue de différentes mesures pour limiter la consommation de tabac a fait l’objet d’un sondage d’opinion par l’institut IFOP pour l’Assemblée Nationale sur un échantillon de 1004 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 à 60 ans. Les interviews ont eu lieu par téléphone du 25 au 27 juin 2012.
L’information des jeunes et l’amélioration de l’offre se services d’aide à l’arrêt sont les deux mesures privilégiées.
L’efficacité perçue de différentes mesures pour limiter la consommation de tabac
Détail par sous-catégories :
Commentaire : c’est avant l’entrée au collège que les enfants peuvent encore entendre les discours de prévention. Dès l’entrée dans “l’âge ingrat” - rebelle serait plus parlant - il est trop tard. Idéalement cette information doit être proposée à l’articulation CM2/6e.
Les cigarettes électroniques sont déconseillées selon la doxa des autorités sanitaires
Quant aux «cigarettes électroniques», elles ne sont pas considérées comme des traitements par substituts nicotinique (TSN) et les avis divergent aussi bien sur leur efficacité en termes de sevrage que sur leur éventuelle nocivité [22]. En France, leur statut au regard de la réglementation des médicaments reste peu cohérente [23].
En tout état de cause, dans un souci de prudence sanitaire, l’AFSSaPS a dès mai 2011 déconseillé l’usage de la cigarette électronique et l’Ordre des pharmaciens a de son côté souligné que ces ventes en pharmacie n’étaient pas autorisées [24]. Au plan européen, la France a pris parti en faveur d’une politique de dissuasion de l’usage de la cigarette électronique [p. 33].
Commentaire : noter les guillemets autour de «cigarettes électroniques». UnAirNeuf.org en parle depuis cinq ans, 500 000 français l'utilisent ou l'ont utilisée, mais apparemment la Cour ne sait pas bien de quoi il retourne. Dommage, c'est le premier dispositif que les fumeurs adoptent avec enthousiasme pour cesser ou réduire leur tabagisme. Vraiment dommage ; ce rapport est déjà dépassé, par une révolution sanitaire aussi spontanée que "a-politique".
L’indépendance de la prise de décision publique
La Cour observe que les politiques de lutte contre le tabagisme ont des conséquences sur de nombreux acteurs hors du seul champ sanitaire. Les importants économiques en jeu, tant pour les agriculteurs, que les fabricants et les revendeurs de tabac, mettent en évidence la nécessité de renforcer l’indépendance de la prise de décision publique. Elle formule en ce sens la recommandation suivante :
6. rendre obligatoire dans la publication de toutes expertises, études ou contribution publique sur la lutte contre le tabagisme la mention explicite des éventuels liens de leurs auteurs soit avec l’industrie du tabac, soit avec l’industrie pharmaceutique ou les fournisseurs de produits d’aide au sevrage [nous soulignons, p. 73].
Commentaire : mettre sur le même plan les influences de l'industrie du tabac et de l'industrie pharmaceutique est une percée. Il est important de savoir par qui est influencé tel ou tel expert auto-proclamé ou coopté par ses pairs. Notamment les responsables des associations de lutte contre le tabagisme financées en sous-main par l'industrie menant le tapage dans les media.
L’évaluation : elle est impossible !
Les variations du rattachement budgétaire de la lutte contre le tabagisme aident d’autant moins à la visibilité de l’action conduite qu’elles se sont accompagnées de la disparition de tout indicateur de performance en ce domaine. La difficulté à définir un indicateur qui soit représentatif des résultats des actions conduites a par ailleurs conduit à y renoncer.
Indicateurs sur le tabagisme dans les programmes annuels de performance
En 2006 et 2007, un jeu d’indicateurs « pourcentage de la prévalence du tabagisme dans la population (par sexe ; pour les jeunes) », distinguait la population générale, les femmes et les jeunes de 15/25 ans. Après avoir tenté de les nourrir annuellement selon une enquête probabiliste réalisée sur un échantillon réduit, il était constaté que les données du baromètre institut national de prévention et d’éducation à la santé étaient disponibles « au mieux tous les trois ans » et qu’une réflexion était en cours « pour construire néanmoins un indicateur annuel dans le cadre de la préparation du contrat d’objectif et de moyens de l’INPES ».
Si l’année suivante, les résultats du baromètre 2008 conduisaient à ne pas observer « d’évolution significative de la prévalence tabagique depuis 2003 », dès 2009, il était à nouveau reconnu que seules des « estimations » pouvaient être tirées du baromètre de l’année précédente.
Ce premier jeu d’indicateurs de prévalence a donc été abandonné en 2010 au bénéfice d’un indicateur « Prévalence du tabagisme quotidien chez les jeunes » se fondant désormais sur l’enquête ESCAPAD (cf. infra), bien qu’« à ce jour, seules des prévisions » étaient disponibles pour 2009 et 2010 et que la prochaine enquête n’était prévue qu’en 2011.
Bien qu’il ait été réaffirmé à l’appui du projet de loi de finances pour 2011 que ce nouvel indicateur « se justifiait néanmoins par la taille de l’échantillon et l’étendue géographique couverte », il a été abandonné lors du projet de loi de finances pour 2012, un seul indicateur « Consommation annuelle d’alcool par habitant de plus de 15 ans » rendant désormais compte de la lutte contre les produits addictifs.
L’indicateur « Taux de reconnaissance des campagnes de prévention », éphémèrement introduit en 2007 et qui concernaient l’alcool comme le tabac, n’ayant pas davantage été reconduit, plus aucun indicateur ne témoigne de la lutte anti-tabagique dans le dispositif de mesure de la performance du budget de l’Etat. L’institut national de prévention et d’éducation à la santé mène cependant depuis plusieurs mois une étude méthodologique pour mettre en place un suivi plus fréquent de la prévalence tabagique sur l’ensemble de la population 15-75 ans [p. 88].
Commentaire : ce beau rapport n’a donc pas grande utilité, puisque l’évaluation des résultats est impossible. A quoi bon ?
Des dépenses donc inconsidérées dans une équation financière pour le moins paradoxale
La politique de lutte contre le tabagisme s’inscrit ainsi dans une équation financière pour le moins paradoxale :
- des dépenses de prévention du tabagisme relativement faibles et ne dépassant pas, au vu des indications ci-dessus, la centaine de millions par an, l’administration et les opérateurs concernés n’étant d’ailleurs pas en mesure, dans la plupart des cas, d’identifier précisément les moyens alloués à cette action de santé publique [95];
- des aides publiques importantes consenties au bénéfice des professions touchées par la réduction recherchée du volume de la consommation de tabac, tabaculteurs (10 M€ pour la période 2011-2013) et surtout débitants (plus de 300 M€ en moyenne par an, toutes aides comprises, entre 2004 et 2011) ;
- un montant de recettes fiscales atteignant 15 Md€ qui contribue désormais fortement au financement de l’assurance maladie et plus généralement de la sécurité sociale [p. 95].
Une expérience hésitante de soutien financier au sevrage
Les stratégies thérapeutiques d’aide au sevrage tabagique et plus particulièrement l’utilisation des substituts nicotiniques ont fait l’objet de nombreuses études internationales portant sur leur efficacité et leur efficience [278]. En France, les agences sanitaires concernées se sont appuyées sur ces travaux pour élaborer des recommandations : ainsi l’AFSSAPS a-t-elle publié en 2003 des recommandations de pratique clinique, en cours de réactualisation par la HAS. Pour sa part, la HAS a publié en janvier 2007 des recommandations sur la prise en charge financière des TSN [279].
Pour l’ensemble des produits examinée, le service médical rendu est considéré comme important par la Commission de la transparence relevant de la Haute autorité de santé ; elles bénéficient dès lors d’un avis favorable à l’inscription sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités et autres services publics.
Les différents traitements de substitution nicotinique ont le statut de médicaments et, à ce titre, font l’objet d’une autorisation de mise sur le marché résultant d’une évaluation bénéfices-risques de la part de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Comme dans de nombreux autres pays, les traitements par substituts nicotiniques ne sont plus soumis à prescription obligatoire en France depuis 1999. Produits dits « à prescription médicale facultative », ils échappent à la fixation de leurs prix par le Comité économique des produits de santé. Cette situation auxquels certains des fabricants sont attachés, conduit à des écarts de prix des cures non négligeables [280]. Ainsi, bien que ces produits fassent l’objet d’une évaluation du service médical rendu, leur statut particulier et l’important enjeu commercial qu’ils représentent créent parfois le doute sur leur efficacité.
Des pays dont les systèmes d’assurance maladie sont aussi différents que le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie ont tous fait le choix d’une prise en charge des traitements par substituts nicotiniques [281] selon des modalités comparables [282]. Dans le cas des affections de longue durée, la Haute autorité de santé a même considéré que le sevrage tabagique faisait partie intégrante du traitement [283] pour 24 d’entre elles.
Partant de l’hypothèse qu’un abaissement du coût de ces produits pour les patients pourrait faciliter l’entrée dans une cure de sevrage, un dispositif a été mis en œuvre à partir de février 2007 dans le souci d’accompagner l’application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Cette mesure prend la forme d’un versement forfaitaire de 50 € (soit environ un mois de traitement) pour toute cure de sevrage engagée sur prescription médicale. Cette mesure de prise en charge forfaitaire a été retenue afin de ne pas s’engager dans une voie qui aurait amené à conférer à ces produits le statut de médicaments remboursables.
Le financement de cette mesure fait l’objet d’une ligne dédiée du Fonds national de prévention et d’information de l’assurance maladie qui était de 20 M€ en 2011 et de 23 M€ en 2012 [284]. La convention d’objectifs et de gestion de la CNAMTS pour 2010-2013 prévoit que ce montant soit porté à 26 M€ à la fin de la période qu’elle couvre. Ce montant peut être rapproché de ce qu’aurait été le coût, estimé à 300 M€, d’un remboursement ( prise en charge des substituts à prix inchangés à 65 % pour trois mois de traitement et 3 millions de patients).
La liste des produits pouvant ouvrir droit au bénéfice du forfait, publiée sur le site AMELI de la CNAMTS, comporte 170 références environ, se répartissant entre les laboratoires GSK, Pierre Fabre, Novartis, et Johnson and Johnson. La varénicline (marque Champix de Pfizer), susceptible d’effets secondaires, a été supprimé de cette liste en 2011 [285] et reste réservé à des traitements de seconde intention.
Si les crédits budgétés en 2011 correspondent à 400 000 bénéficiaires potentiels, le chiffre exact des forfaits payés qui faisait l’objet d’une publication par l’OFDT, n’est plus établi par la CNAMTS depuis 2009. Le tableau de bord mensuel de l’OFDT comporte en revanche un indicateur sur les ventes de médicaments d’aide à l’arrêt en nombre de mois de traitement.
Pour sa part, la Mutualité sociale agricole (MSA) avait expérimenté entre 1996 et 2000, puis généralisé à l’ensemble des caisses départementales à partir de 2001, un protocole d’examens de santé renseignant le tabagisme pour la population des assurés âgés de 35 à 65 ans. La proportion de sujets fumant plus de 10 cigarettes par jour était de 10,3 %, avec 13,6 % chez les hommes versus 5,9 %, chez les femmes Une diminution de la proportion de fumeurs avec l’âge était observée aussi bien chez les hommes que chez les femmes, 59 % des fumeurs déclarant par ailleurs avoir envie d’arrêter de fumer. En 2007, dès l’instauration du dispositif de prise en charge financière des substituts nicotiniques, la MSA l’a intégré dans son action d’« accompagnement des personnes souhaitant arrêter de fumer ». Les substituts sont remboursés au titre de son Fonds de prévention sur prescription médicale. La somme forfaitaire s’élève à 50 €, comme pour le régime général, et à 150 € pour les femmes enceintes. Deux campagnes d’information et de communication ont été lancées pour faire la promotion du dispositif. Les résultats font l’objet d’une remontée mensuelle de données par les caisses de MSA [286].
Les résultats d’une étude expérimentale conduite pour la CNAMTS pendant deux ans, sur un échantillon de 1 000 bénéficiaires du forfait choisis parmi les patients en ALD ou titulaires de la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C), ont été publiés en juin 2010 [287] : ils font apparaître un taux d’arrêt représentant le tiers de ces patients, résultat confirmé pour 27,2 % d’entre eux six mois après la fin du traitement. Ce résultat est peu différent du taux de succès observé dans les essais cliniques. Les auteurs de l’étude en concluent que « l’efficacité du dispositif en termes d’arrêt du tabac apparaît bonne » mais qu’il « est difficile de faire la part de l’efficacité du dispositif de prise en charge par rapport à l’efficacité des substituts nicotiniques sans prise en charge ».
Une indication partielle sur l’effet incitatif de l’aide financière accordée est cependant fournie par le fait que 107 personnes parmi les 272 ayant arrêté de fumer depuis plus de 6 mois ont déclaré qu’elles n’auraient pas engagé de traitement en l’absence de prise en charge. Rapporté à ces seuls cas, le coût moyen du dispositif est porté à 467 € montant faible du point de vue du calcul économique, au regard du bénéfice financier direct et pérenne pouvant être attendu d’une sortie de son addiction par un fumeur.
Il ne fait pas de doute qu’une prise en charge, même partielle, conditionnée par une prescription médicale, a au moins valeur d’encouragement à rechercher auprès des médecins traitants l’accompagnement d’une démarche de sevrage toujours difficile.
Le choix d’une formule forfaitaire reflète l’absence de cohérence dans la politique menée dans le domaine du sevrage tabagique. Il suscite de nombreuses critiques. Les tabacologues craignent que le doute soit créé chez les patients quant à l’efficacité d’un produit qui échappe au droit commun du remboursement et qui, vendu sans ordonnance, connaît d’amples variations de prix d’une pharmacie à l’autre. Ils relèvent également que l’importance du reste à charge peut décourager des fumeurs incertains de la durée de traitement nécessaire.
L’unité de recherche clinique en économie de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (URC-ECO) a conduit une étude tendant à comparer le rapport coût /efficacité entre un dispositif de prise en charge totale des cures de sevrage [288] et un forfait représentant la moitié de la dépense. Elle a également travaillé sur les aspects coût bénéfice des cures de sevrage par comparaison avec des interventions de prévention dans le domaine cardio-vasculaire. Les premiers résultats de ces deux études différentes sont à l’avantage de la prise en charge de l’arrêt du tabac [289].
Diverses propositions ont par ailleurs été faites soulignant qu’un ciblage de cette mesure sur des populations pour lesquelles l’addiction présente le plus de risques lui donnerait une meilleure efficience. Dans sa recommandation de janvier 2007, la Haute autorité de santé avait ainsi proposé une priorité en faveur « des personnes atteintes de maladies causées ou aggravées par le tabac et des femmes enceintes ». Sans remettre en cause le dispositif général, l’étude réalisée pour la CNAMTS recommande pour sa part d’améliorer l’information sur son existence en direction des femmes enceintes et des personnes en situation précaire.
Quant au plan cancer 2009-2013, il comporte une action 10.2 « Renforcer la politique d’aide au sevrage tabagique » qui prévoit notamment de « développer l’accès aux substituts nicotiniques pour les femmes enceintes et les personnes bénéficiaires de la CMU-C ». C’est pourquoi le forfait a été porté à 150 € pour les femmes enceintes au 1er septembre 2011. La même mesure était envisagée à partir de 2012, au moins à titre temporaire, pour les titulaires de la CMU. Selon la direction de la sécurité sociale, le coût prévisionnel de telles mesures serait de 4 M€ pour les femmes enceintes et de 14 M€ pour les bénéficiaires de la CMU (à l’égard desquels elle n’a pas été mise en œuvre à ce jour). La CNAMTS a par ailleurs exprimé son inquiétude sur « le coût de gestion » d’un régime à deux niveaux de forfait et son souhait « de pouvoir disposer d’une visibilité sur les orientations futures » en demandant notamment s’il était « envisageable de s’orienter à court terme vers une seule prise en charge à 150 € pour des populations ciblées » [290].
Cette restriction du champ de couverture ne répond pas aux préconisations de la Haute autorité de santé qui a pour sa part rappelé en février 2012 que « les experts s’accordent pour dire que le coût des traitements est un frein à l’initiation d’un sevrage tabagique » et que « la première mesure susceptible d’avoir un impact réel et rapide serait le remboursement des traitements nicotiniques » [291].
Lors de son audition, le directeur général de la CNAMTS s’est proposé d’étudier la possibilité d’un remboursement intégral des substituts pour des populations prioritaires dès lors que leur prescription s’inscrirait dans un accompagnement et un suivi systématisé.
La prise en charge du sevrage, et plus particulièrement des TSN, est souvent complétée par les organismes complémentaires d'assurance maladie. L’enquête annuelle de la DREES auprès des mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d’assurance sur les contrats les plus souscrits a montré que 42,5 % des bénéficiaires de contrats individuels ou collectifs étaient susceptibles d’être pris en charge en 2009, contre 37,5 %, en 2007. La prise en charge des substituts nicotiniques se fait au travers de forfaits annuels, le plus souvent à hauteur de 50 € s’ajoutant au forfait de la sécurité sociale, mais peuvent aller de 20 € à 300 € selon les contrats. S’agissant plus spécifiquement des mutuelles, selon la DREES, 65% des bénéficiaires de contrats individuels pouvaient bénéficier d’une prise en charge en 2009, qu’il s’agisse des produits de substitution nicotinique ou d’accompagnement (orientation vers une consultation de tabacologie par exemple).
Commentaire : Comme le détaille Les patchs ne gagnent pas le match : les preuves du terrain, rembourser n’a de sens que dans la mesure où les TSN augmentent les chances de succès. Ce n’est malheureusement pas le cas…
Références
1 - Cour des comptes - Rapport d'évaluation - Les politiques de lutte contre le tabagisme - décembre 2012
22 - L’Agence nationale de sécurité du médicament continue à recommander de ne pas consommer ces produits.
23 - La cigarette électronique consiste en un tube ressemblant à une cigarette conventionnelle. Elle contient une cartouche rechargeable. Selon la quantité de nicotine contenue dans la cartouche, et la concentration de nicotine contenue dans la solution de recharge, la cigarette électronique est considérée comme un médicament ou comme un produit de consommation ordinaire. Celles supposées être des médicaments n’ont néanmoins pas fait l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.
24 - Communiqué de l’Afssaps du 30 mai 2011, rappelant qu’aucune cigarette électronique n’a reçu d’autorisation de mise sur le marché (AMM). A cette occasion, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens rappelait que « Les cigarettes électroniques ne font pas partie de la liste arrêtée par le ministre concernant les produits dont il peut être fait commerce dans les officines. Dès lors, il est pour nous anormal de trouver des cigarettes électroniques dans les pharmacies. »
94 - 171,4 M€ (PLFSS) sur la période 2009-2013, dont seuls 26,9 % ont été consommés, en raison notamment du retard pris dans l’extension du forfait de prise en charge aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Les modalités de cette extension sont étudiées par un groupe de travail de la haute autorité de santé sur l’« aide à l’arrêt de l’usage du tabac » qui devait rendre ses conclusions en décembre 2012.
95 - En faisant masse des dépenses proprement administratives (ministère de la santé - 1,3 M€ -, MILDT), des actions menées par les opérateurs (INPES - 8,4 M€ -, INCa - 4,8 M€), services téléphoniques et associations (environ 2 M€) et des coûts de prise en charge (consultations libérales ou hospitalières ; forfaits pour cures de sevrage - 13,8 M€).
280 - Le coût moyen d’une cure est généralement estimé à 150 € http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1017.pdf.
281 - Le Faou A.L. et Scemama O., « Comparaison des systèmes de couverture assurantielle des traitements pharmacologiques d’aide au sevrage tabagique dans cinq pays de l’OCDE », Revue d’épidémiologie et de santé publique, 2005, n°53.
282 - Généralement une prise en charge initiale de deux à quatre semaines, renouvelable deux fois dans l’année en fonction de l’évolution du statut tabagique, éventuellement plus.
283 - La Haute autorité de santé a publié à ce jour 80 listes d’actes et de prestations en rapport avec les affections de longue durée dont 24 signalent le servage tabagique comme un traitement « à inclure dans les protocoles de soins des personnes fumeuses » touchées par ces affections.
284 - Les chiffres clé de la Sécurité sociale 2011, Direction de la sécurité sociale, 2012.
285 - Lettre du ministre à la CNAMTS, 29 juin 2011. Cette lettre rappelle que ce médicament « ne présente pas le même rapport bénéfice-risque, ne répond pas aux mêmes conditions de dispensation et a été placé par la commission de transparence comme un traitement de seconde intention ».
286 - 10 361 personnes ont ainsi fait une demande de prise en charge de substituts nicotiniques en 2011 contre 8 767 en 2010 soit une augmentation de 18 %. Chaque bénéficiaire a consommé la totalité du forfait de 50 euros. Les hommes sont plus nombreux à bénéficier de cette prise en charge que les femmes (65,9 %). La tranche d’âge des moins de 25 ans est la moins représentée avec 6,8 % de la population bénéficiaire tandis que la tranche d’âge qui bénéficie le plus de l’action est celle des 25-50 ans avec 60,6 % du total.
287 - Cemka Eval, Evaluation du dispositif national de prise en charge des substituts nicotiniques, 30 juin 2010.
288 - http://www.urc-eco.fr/sites/www.urc-eco.fr/IMG/pdf/POSTER_Ellis_VDef_1_.pdf
289 - Pour la première de ces études, le coût bénéfice de la prise en charge à 100 % s’avère très supérieur à la prise en charge forfaitaire (communication au 6è congrès de la société française de tabacologie, 8 novembre 2012). Pour la seconde, le coût par année de vie gagnée est de 600€ pour le sevrage contre 2500 à 15000€ pour les statines, selon qu’il s’agit de prévention primaire ou secondaire.
290 - Lettre au ministre de la santé, 22 août 2011.
291 - Arrêt de la consommation de tabac : du repérage au maintien de l’abstinence. Recommandations de bonne pratique, Haute autorité de santé, février 2012.
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