Les femmes enceintes sont particulièrement motivées pour cesser de fumer : elles connaissent les risques accrus que le tabagisme entraine pour leur futur bébé. Il reste malheureusement toujours à y trouver une solution médicale efficace.
Ce n'est pas une question de motivation
Si les femmes enceintes n'arrêtent pas de fumer, ce n'est pas un problème de motivation. Une étude américaine en 2010 avait montré que l'entretien motivationnel, une des pratiques recommandées dans l'aide au sevrage tabagique, avait peu d'efficacité [1]. L'un des auteurs, Peter Hendricks concluait : « La plupart des fumeurs ne semble pas tirer profit d'une intervention comme l'entretien motivationnel pour les aider à arrêter. Ce dont ils semblent avoir besoin est d'un programme conçu pour les aider à surmonter la dépendance à la cigarette ».
La substitution nicotinique est pour cela la solution privilégiée, mais s'avère elle aussi une impasse. Tim Colemen et ses collègues de l'université de Nottingham (Royaume-Uni) ont étudié si des timbres de nicotine - initialement pour un mois - augmentaient les taux d'arrêt chez les femmes enceintes. Il s'agissait d'une étude de grande envergure et réalisée avec soin, dont l'objectif principal était de savoir si l'utilisation de timbres de nicotine augmentait les taux d'arrêt [2].
1050 femmes enceintes à environ la 16e semaine de grossesse, fumant plus de 5 cigarettes par jour et en moyenne 14, motivées à l'arrêt, ont participé à l'étude. Elles bénéficient d'un entretien d'environ 45 minutes en face-à-face au début de l'étude, et puis 2 à 3 séances de conseil par téléphone. Toutes les participantes se voient offrir un mois de timbres transdermiques, 521 recevant des patchs contenant de la nicotine (dosés à 15 mg) et 529 un timbre quotidien ne contenant pas de nicotine ("placebo", en double aveugle).
Lors du suivi à un mois, 21,3 % des femmes recevant des patchs de nicotine avaient cessé de fumer et 11,7 % de celles recevant des timbres placebo (OR = 2,05 ; IC 95 % : 1,46-2,88). Toutefois, seulement 7 % du groupe avec nicotine et 3 % du groupe placebo ont demander à bénéficier d'un deuxième mois de patchs.
À la naissance, il n'y avait pas de différence statitiquement significative des taux d'arrêt entre les deux groupes (9,4 % contre 7,6 %, OR = 1,26 ; IC 95 % : 0,82-1,96).
Un sévère constat d'échec
Deux résultats de cette étude sont étonnants. Le premier est qu'en dépit d'être apparemment très motivées pour arrêter de fumer, moins d'une participante sur cinq y est parvenu à l'issue d'un mois d'aide et que moins de 10% étaient abstinentes à la naissance, environ 5 mois après la première tentative d'arrêt.
L'autre résultat marquant est la très faible observance de l'utilisation du timbre transdermique et la faible utilisation des conseils supplémentaires. 76 % des participantes ayant reçu un timbre placebo et 60 % de celles ayant reçu des timbres à la nicotine l'ont utilisé pendant moins de 15 jours. Une partie de cet abandon anticipé peut être dû à une perception selon laquelle les timbres n'ont pas été une aide à l'arrêt. Les femmes se sont vu proposer d'autres consultations en face-à-face, mais seulement 10% ont accepté d'en profiter.
Références
- Motivational interviewing for smoking cessation: A meta-analytic review.
Hettema, Jennifer E.; Hendricks, Peter S. Journal of Consulting and Clinical Psychology, Vol 78(6), Dec 2010, 868-884. doi: 10.1037/a0021498 - A randomized trial of nicotine-replacement therapy patches in pregnancy
Coleman T, Cooper S, Thornton JG, Grainge MJ, Watts K, Britton J, Lewis S; Smoking, Nicotine, and Pregnancy (SNAP) Trial Team. N Engl J Med. 2012 Mar 1;366(9):808-18.
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